Les jeunes sénégalais prennent peu à peu en main la prévention des IST

Publié le 13 décembre 2008 Lecture : 3 minutes.

Au Sénégal, les jeunes de 15 à 25 ans sont particulièrement sensibles aux infections sexuellement transmissibles (IST). En 2008, 45% des nouvelles infections étaient détectées chez les personnes de 15 à 24 ans au Sénégal.

La prévention des IST connaît des avancées mitigées. "Pour ce qui est de la prévention des IST, nous avons baissé les bras", dénonce la chercheuse sénégalaise Mame Awa Touré. Pourtant, un noyau de groupement d’organisations non gouvernementales (ONG) et d’association de jeunes tente d’inverser la tendance. L’ONG espagnole Medicos del Mondo, créée en 2005 à Saint-Louis (nord du Sénégal), mène chaque année des campagnes de sensibilisation auprès des adolescents et des jeunes adultes ( jusqu’à 25 ans) à Saint-Louis et à Matam (nord-est).

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Quelque 1. 000 à 2. 000 jeunes sont ainsi initiés à des séances d’informations sur l’hygiène et les types d’IST. L’ONG appuie les centres de santé et encourage les jeunes à s’y rendre par mesure de prévention. Elle prend en charge les jeunes en cas de maladie détectée au centre. Mais les animateurs de l’ONG se heurtent à des barrières socioculturelles.

"La plupart des jeunes ne vont pas dans les structures sanitaires. C’est la tradition sénégalaise: ils y vont uniquement lorsqu’ils sont malades", observe un assistant de projet à Medicos del Mondo, Fara Tall. A Saint-louis, deux tiers de personnes touchées par les IST sont des filles. Plus vulnérables, elles représentent aussi la cible la plus difficile à approcher en termes de prévention. Si un membre de la famille rencontre la jeune fille au centre de santé, il posera une série d’interrogations, comme "j’ai vu ta fille au centre de prévention des femmes, qu’est-elle partie faire là-bas? S’est-elle inscrite au planning familial? Est-t-elle enceinte?", témoigne l’assistant de projet de l’ONG.

Cette attitude tient à "la coutume, aux barrières, à la tradition", déplore-t-il. Les médecins détectent la plupart des "sources de problèmes" au stade de l’adolescence. Ils s’adressent principalement aux jeunes filles pour leur "apprendre à connaître leur corps". D’après une étude de l’Unicef/OMS/Onusida menée en 2007, sur un échantillon de jeunes de 15 à 19 ans, 31% des garçons et 29 % des filles disent avoir eu des rapports sexuels avant l’âge de 15 ans. Toutes les deux semaines, les animateurs de l’ONG espagnole sillonnent la région de Saint-Louis pour sensibiliser les jeunes. Après des séances d’informations, des sages-femmes assurent le suivi médical des adolescentes. Tout est gratuit quand les IST sont détectées très tôt, explique l’ONG espagnole. "Nous n’avons pas les moyens de prendre en charge les IST à un stade avancé. Car dans ces cas-là, il nous faut des ordonnances de 25. 000 à 30. 000 F CFA (38 à 46 euros) et nous ne pouvons pas nous le permettre", concède M. Tall. Autre constat : l’automédication prend de l’ampleur chez les jeunes.

"Cela fait des ravages !", avertit M. Tall, et d’expliquer: "La tradition veut que la mère de famille explique à sa fille ce qu’elle doit faire lorsqu’elle a ses premières règles". Mais les comportements ont évolué. "Ce sont des jeunes filles de 13 ans qui découvrent leur règles sans que leurs parents ne soient au courant. Elles s’en occupent elles-mêmes. Et cela peut créer des IST", alerte un membre de l’Ong espagnole. A Dakar, des jeunes se sont regroupés pour sensibiliser eux- mêmes leurs camarades sur les IST. Ndèye Tening Gaye, la vingtaine, est "leader-élève-animateur avec le groupe élève éducateur". Régulièrement, elle se rend dans des lycées de la capitale où elle et ses collègues organisent des "clubs d’éducation à la vie familiale" et informent les jeunes sur les IST. "Nous sensibilisons les élèves, nous organisons des débats et des activités pour donner beaucoup plus d’informations. Entre élèves, nous nous posons des questions", explique Ndèye Tening. Lors des débats, des experts interviennent aussi pour expliquer ce que sont les IST.

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Dans ces espaces d’échanges, en moyenne 30 à 40 jeunes expriment sans tabou leurs inquiétudes. Les interrogations les plus fréquentes concernent le mode d’infection aux IST. Comme à Saint-louis, ces clubs ciblent les jeunes filles.

" Elles sont beaucoup plus intéressées que les garçons", constate Ndèye Tening. La sensibilisation atteint pourtant des limites. Notamment en milieu rural où les jeunes ne sont pas systématiquement pris en compte par ces programmes. "La plupart des programmes que nous mettons en place touchent les jeunes en milieu scolaire, mais très peu s’adressent aux jeunes non scolarisés, aux jeunes en milieu rural ou vivant avec un handicap", précise le point focal au Sénégal de la coalition des jeunes sur le VIH/sida, Dr Eric Dombo.

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