[Enquête] Du Mali au Quai-Branly, les millions du jackpot dogon

Juste avant la grande exposition « Dakar-Djibouti, contre-enquêtes », prévue en 2025 au musée du Quai-Branly – Jacques Chirac, en France, Sotheby’s met en vente, ce 21 juin, une partie du fonds de la marchande d’art Hélène Leloup. Une collection constituée entre la fin de l’ère coloniale et le début de l’indépendance du Mali qui a permis à cette spécialiste des arts dogons d’engranger de confortables profits. 

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Publié le 16 juin 2023 Lecture : 2 minutes.

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Les millions du pays dogon

Après l’indépendance du Mali, des marchands occidentaux ont écumé le territoire à la recherche d’objets d’art. Certaines de ces œuvres, acquises dans des conditions opaques, valent aujourd’hui plusieurs millions d’euros. Nous avons retracé la trajectoire de l’une d’entre elles, entrée récemment dans les collections du Musée du quai Branly. Enquête.

Sommaire

Depuis l’expédition Dakar-Djibouti emmenée par l’ethnologue français Marcel Griaule dans les années 1930, le pays dogon n’a cessé de faire l’objet d’avides convoitises. Nombreux sont les marchands qui se sont intéressés de près aux œuvres cultuelles et aux objets produits par les habitants du plateau de Bandiagara. Des créations extraordinaires tantôt subtilisées, tantôt négociées pour être ramenées et vendues en Occident.

Une marchande s’est particulièrement illustrée dans ce commerce, dès la fin des années 1950 et durant les premières décennies qui ont suivi l’indépendance du Mali : Hélène Leloup. Cette galeriste, spécialiste des arts dogons, administratrice de la Société des amis du Quai-Branly, conseillère de riches collectionneurs comme des maisons de vente aux enchères a, au cours des années, réalisé de mirifiques plus-values, jouant habilement de l’évolution d’un marché qu’elle a contribué à créer.

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Un monde opaque

En 2005, elle vendait ainsi à Axa, pour le bénéfice du Musée du quai Branly, une statue dogon d’une valeur de 4 millions d’euros. Fin 2022, alors qu’elle venait juste de démissionner de la commission des acquisitions du même musée, elle s’est acquitté d’un impôt avec la dation d’une maternité dogon du XVIIIe siècle estimée entre 4 et 5 millions d’euros et aujourd’hui exposée au Pavillon des Sessions du musée du Louvre.

Ce 21 juin, la maison de ventes aux enchères Sotheby’s Paris entend disperser une première partie de la collection d’Hélène Leloup, aujourd’hui âgée de 96 ans. La seconde partie sera mise en vente à New York l’année prochaine. Valeur totale estimée : 20 millions d’euros.

Dans cette affaire, les grands perdants sont les Maliens, privés d’un patrimoine qui se trouve désormais sous vitrine dans les musées ou, pis, dans les salons de collectionneurs privés. Plongée dans le monde opaque du marché des arts africains où règnent les conflits d’intérêts, les coups de pouce entre amis et l’omerta sur les prix.

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