Les Grammy Awards veulent-ils enfermer l’Afrique dans son « africanité » ?
Les trophées de l’industrie musicale américaine ont annoncé qu’ils décerneront désormais un prix à la meilleure performance de musique africaine.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 16 juin 2023 Lecture : 2 minutes.
Le cinéaste burkinabè Idrissa Ouédraogo – Grand Prix du jury du festival de Cannes en 1990 – s’agaçait que l’on le qualifie de « cinéaste africain », comme si l’étiquette était de nature à ghettoïser les artistes d’Afrique. Comment interprèterait-il la création, par les prestigieux Grammy Awards, d’un gramophone dédié à la meilleure performance de musique africaine ?
L’organisation des récompenses de l’industrie musicale américaine a en effet annoncé le 13 juin qu’elle ouvrira, dès la prochaine édition de la cérémonie, cette catégorie spécifique. Des voix célèbrent déjà l’ouverture à la diversité et la consécration annoncée de genres musicaux qui ont largement infusé la musique anglo-saxonne.
Nominations multiples
Jusque-là, les artistes africains n’étaient pas pour autant absents du palmarès. Après quatorze nominations aux Grammy Awards, la Franco-Béninoise Angélique Kidjo a remporté cinq victoires. Avec six nominations, le Nigérian Burna Boy a obtenu un trophée. Lors de la 65e édition, le 5 février à Los Angeles, le projet de house en zoulou Bayethe, porté par les Sud-Africains Zakes Bantwini, Wouter Kellerman et Nomcebo Zikod, remportait un prix.
C’est dans la catégorie « musiques du monde » des Grammys que les Africains avaient alors le plus de chance de tirer leur épingle du jeu. La nouvelle segmentation du palmarès les cantonnera-t-elle dans leur nouvelle catégorie « afro » ou permettra-t-elle au continent de rafler davantage de trophées ?
Dans le monde francophone, les musiques du monde et les productions dites « urbaines » avaient mal accueilli la disparition de leurs catégories spécifiques aux Victoires de musique, au point que les secondes ont créé, cette année, les Flammes, cérémonie des « cultures populaires ». C’est pourtant le rappeur Orelsan qui remportait, en mars, deux Victoires « généralistes » de la musique, qu’il n’aurait peut-être pas obtenues s’il avait été cantonné dans l’ancienne classification.
« Expressions locales uniques du continent »
Dans les cérémonies de récompenses musicales, la création et la suppression de catégories répondent souvent à la volonté d’être plus synthétique – pour l’interminable soirée des Victoires – ou plus complet. C’est ce dernier argument qui semble avoir inspiré les Grammy Awards qui ne se sont pas seulement penchés, cette année, sur l’Afrique. L’édition de 2024 inaugurera également deux autres nouvelles catégories : le meilleur album de jazz alternatif et le meilleur enregistrement de pop dance. Les Grammys n’ont pas peur du gigantisme : l’édition de 2023 comptait déjà 91 récompenses…
De plus, la nouvelle catégorie dédiée à l’Afrique devrait permettre de valoriser autre chose que de la fusion « world », volontiers passe-partout. Les organisateurs entendent récompenser les « enregistrements qui utilisent les expressions locales uniques du continent africain »…
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