Les femmes sont l’avenir de la Terre
À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse, l’ONU souligne que l’accès à la propriété des femmes peut contribuer à lutter contre le changement climatique.
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Ibrahim Thiaw
Secrétaire général adjoint des Nations unies et Secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD)
Publié le 16 juin 2023 Lecture : 3 minutes.
Les femmes africaines sont connues pour être très actives, tant dans la production que dans la transformation des produits du monde rural. Agriculture, élevage, pêche, collecte d’eau, de bois, vente de détail, transformation et commercialisation… Elles sont littéralement au four et au moulin. C’est sans répit, sans repos. Et le plus souvent, sans recours.
Seulement 15 % de propriétaires
On sait qu’elles se battent bec et ongles pour leur bien-être familial. Mais on n’en sait que très peu sur leur statut foncier. Si elles représentent la quasi-moitié de la main d’œuvre agricole, seules 15 % d’entre elles sont propriétaires des terres qu’elles cultivent. Ce pourcentage moyen cache par ailleurs une grande disparité régionale, puisque dans certains pays d’Afrique du Nord, seules 4 % des femmes ont une immatriculation foncière agricole.
Dans les rares cas où elles ont un droit reconnu sur les terres, elles disposent de parcelles bien plus réduites et de moindre qualité que celles de leurs homologues masculins. Une étude menée en Éthiopie a révélé que la superficie moyenne des terres gérées par les femmes est inférieure de 43 % à celles exploitées par les hommes.
En conséquence, elles n’ont quasiment pas accès aux crédits agricoles, à la technologie, et peu ou prou à l’encadrement technique étatique. Une situation qui les rend plus vulnérables à la pauvreté, à la faim, à la violence sexiste et aux déplacements. Plus vulnérables aussi face au double phénomène de la perte de terres productives et de la pression démographique. Plus vulnérables enfin face aux sécheresses rendues de plus en plus fréquentes et intenses par la péjoration climatique.
Aussi, les femmes ont-elles un intérêt vital dans la santé de la terre. Cette terre qui nourrit, vêtit et prend soin de leurs familles. Les femmes produisent 60 à 80 % des denrées alimentaires cultivées dans les régions en développement touchées par la désertification, la dégradation des terres et la sécheresse.
Veuve dépossédée
Qui est mieux placé qu’elles pour s’occuper de leur capital naturel ? Naturellement, elles ne peuvent le faire que lorsqu’elles auront un contrôle, ou tout au moins un droit de regard sur les terres. Lorsque les femmes bénéficient de droits fonciers, elles utilisent plus efficacement les terres, investissent et obtiennent une meilleure production agricole. De plus, elles assurent la sécurité alimentaire qui profite à l’ensemble du ménage.
Qui entretiendrait la « terre des autres » mieux que la sienne ? Quelle motivation aurait-on à investir sur la terre d’autrui sans garantie aucune ? D’autant plus que, dans plus de cent pays dans le monde, largement en Afrique, la veuve, elle, est dépossédée de la terre à la disparition de son mari.
Des études ont démontré que si les femmes avaient le même accès aux ressources productives que les hommes, les rendements de leurs exploitations pourraient s’accroître de 30 %. La production agricole totale des pays en développement pourrait connaitre un bon de jusqu’à 4 %, ce qui permettrait de réduire de jusqu’à 17 % le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde.
Des changements encourageants
L’égalité des genres et l’autonomisation économique des femmes sont essentielles pour faire face aux crises telles que l’insécurité alimentaire, le changement climatique, les conflits et la violence basée sur le genre. De plus, les familles où les femmes possèdent davantage de terres consacrent une plus grande part de leur budget à l’éducation.
Des changements encourageants sont en cours. En Sierra Leone, les femmes peuvent enfin posséder des terres en vertu de la loi sur les droits fonciers coutumiers. En Éthiopie, un programme de certification des terres des ménages a permis d’augmenter de 44 % la probabilité qu’une femme décide des cultures à pratiquer sur les terres qu’elle cultive.
Briser les barrières juridiques liées aux droits fonciers des femmes, faciliter le dialogue sur l’égalité des genres et mettre en place des politiques de développement autour de la question foncière des femmes relèvent non seulement de la justice, mais également du bon sens politique et moral.
Que les femmes bénéficient de droits qui leur permettront de prendre des décisions sur la manière de gérer les terres permet non seulement d’améliorer la santé des terres ainsi que les rendements agricoles, mais également d’investir dans la nutrition, la santé et l’éducation de leur famille. En somme, ce sera bénéfique à la société et à la planète.
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