Le couplet anti-France de l’hymne de l’Algérie envenime les relations entre Alger et Paris

Les commentaires de la ministre française des Affaires étrangères sur le rétablissement d’un couplet anti-France dans l’hymne algérien ont déplu à son homologue d’Alger, qui l’a fait savoir le 20 juin.

Le ministre des Affaires étrangères algérien, Ahmed Attaf (à gauche), à Rome, le 20 juin 2023. © Giuseppe Lami/ZUMA Press/REA

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Publié le 21 juin 2023 Lecture : 2 minutes.

« Je ne veux pas faire de commentaires sur un hymne étranger, je n’aimerais pas que d’autres en fassent. » Interrogée le 16 juin dernier par les journalistes de la chaîne LCI à propos du rétablissement dans l’hymne algérien d’un couplet très anti-France, la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a semblé commencer par botter en touche. Avant, paradoxalement, de se livrer à de nombreux commentaires sur le sujet.

Évoquant des paroles « très datées », la cheffe de la diplomatie française a toutefois voulu « replacer [le couplet] dans son contexte ». « Le texte, a-t-elle ainsi rappelé, a été écrit en 1956, dans un contexte qui était celui de la décolonisation, et pour tout dire de la guerre, d’où les fortes paroles qui nous concernaient. » Pour mémoire, les paroles rétablies par décret présidentiel algérien du 24 mai sont les suivantes : « Ô France ! Voici venu le temps où il te faut rendre des comptes. Prépare-toi ! Voici notre réponse. Le verdict, notre révolution le rendra. »

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« À contretemps »

Au journaliste qui lui faisait remarquer la teneur agressive de ces paroles, la ministre a rétorqué : « Notre hymne national n’est pas tout à fait affectueux non plus, il est un peu guerrier également, même si nous ne citons personne. » Avant de poursuivre : « Ce sur quoi je m’interroge, c’est moins sur cela que sur la décision d’étendre l’usage, parce que le texte n’a pas été modifié, d’un hymne qui date d’une autre époque, et ce au moment même où le président de la République et le président Tebboune ont décidé, à la fin de l’été dernier, de donner un nouvel élan à nos relations. Le concept de l’époque l’explique, aujourd’hui je vous concède que je peux m’interroger et que ça paraît un peu à contretemps. »

Si les déclarations de la cheffe de la diplomatie française n’avaient dans un premier temps pas provoqué de réactions à Alger, son homologue, Ahmed Attaf, en visite à Rome le 20 juin, a fini par prendre la parole sur cette polémique. Commençant par s’étonner que Catherine Colonna « se soit permise d’émettre un avis sur l’hymne national algérien », il a poursuivi sur un ton ironique : « Elle aurait dû critiquer la mélodie également. Peut-être qu’elle ne lui convient pas. »

Instrumentalisation politique

« Il semble, a enchaîné Ahmed Attaf, que certains partis ou hommes politiques français pensent que le nom “Algérie” est devenu facile à utiliser à des fins politiques. » Une allusion claire à la proposition, formulée par plusieurs responsables de la droite française, parmi lesquels l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, de dénoncer l’accord de 1968 qui fixe les conditions d’accès des Algériens au territoire français. « Nous ne comprenons pas pourquoi toute cette polémique », a conclu le ministre.

Toute la question est de savoir si ces affaires sont susceptibles de remettre en cause la visite officielle à Paris du président Abdelmadjid Tebboune, déjà reportée plusieurs fois et attendue à l’automne. Interrogée sur la venue prochaine du chef de l’État algérien, Catherine Colonna s’est contentée d’expliquer : « Je l’espère, nous y travaillons. Ne me demandez pas des dates, car elles ne sont pas fixées. »

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