Afrique, climat et développement, une équation impossible ?
Face aux immenses défis auxquels doit faire face le continent pour s’adapter au réchauffement climatique, le « nouveau pacte financier mondial », discuté au sommet de Paris, ne doit pas déboucher sur une liste de promesses vouées à l’oubli.
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Matthieu Millecamps
Rédacteur en chef adjoint (innovation éditoriale).
Publié le 23 juin 2023 Lecture : 3 minutes.
Nouveau pacte financier mondial : bilan en demi-teinte pour le sommet de Paris
Une cinquantaine de chefs d’État, ainsi que des représentants d’institutions internationales et de la société civile ont participé au sommet qui s’est tenu à Paris les 22 et 23 juin. Ce qu’il faut en retenir.
Pendant deux jours, le président français Emmanuel Macron a réuni autour de lui une centaine de chefs d’État à Paris – dont de nombreux africains –, avec pour objectif de conclure un « nouveau pacte financier mondial ». Faut-il y voir un rendez-vous « crucial », propre à conduire enfin un véritable changement de paradigme, ou un simple sommet de plus parmi une longue liste de rencontres internationales de haut niveau lors desquelles chacun rivalise de promesses mirobolantes pour mieux les oublier une fois l’évènement terminé ?
Le constat n’est plus à faire. Il est ressassé à chaque nouvelle rencontre de ce type. Le réchauffement climatique, dont les effets se font ressentir de plus en plus durement, s’accentue sans que les gouvernants et les décideurs de la planète ne parviennent à prendre les mesures drastiques qui semblent s’imposer pour le freiner – il n’est déjà plus question depuis longtemps de pouvoir le contrer. Pour faire face aux conséquences du dérèglement climatique rendu inéluctable, l’heure est donc à la résilience, à l’adaptation.
Injonctions contradictoires
Sur le continent africain, qui, bien qu’il soit le moins polluant, est celui où les populations paient le plus lourd tribut – sécheresse, montée des eaux, baisse des rendements agricoles… –, une autre question se pose, avec acuité. En écho à la formule qui oppose « fin du monde et fin du mois », il s’agit de l’équation apparemment impossible dans le système économique mondialisé actuel, tant elle allie deux injonctions contradictoires : l’urgence du développement et la lutte contre le réchauffement climatique.
Dans l’analyse qu’elle livre à Jeune Afrique de l’efficience des outils financiers de développement – au cœur des négociations qui se tiennent en ce moment à Paris–, Yara Rizk détaille les modes de financement supposés répondre à cette double urgence contradictoire. De la restructuration de la dette à la mise en place des droits de tirage spéciaux (DTS) par le FMI, en passant par les dons ou prêts concessionnels, les leviers ne manquent pas.
Promesses non tenues
Mais force est de constater que les « aides » promises – certains préfèrent parler du remboursement nécessaire de la dette climatique contractée par les pays dits développés envers le Sud global – se concrétisent trop rarement dans les faits. Les 100 milliards de dollars promis par les pays riches à Copenhague en 2009 n’ont pour l’heure jamais été versés. En 2020, le seuil des 83 milliards de dollars a péniblement été atteint, et l’Afrique n’a bénéficié que d’à peine 20 milliards. Pis, constate encore Yara Rizk, « si toutes les promesses économiques étaient tenues, la situation du continent serait, au mieux, moins pire ».
Cette dichotomie entre développement et lutte climatique a été, également, au cœur des échanges de l’Africa CEO Forum, les 5 et 6 juin, à Abidjan – un évènement coorganisé par Jeune Afrique Media Group et Société financière internationale (IFC, filiale de la Banque mondiale dévolue au secteur privé). Makhtar Diop, directeur général d’IFC, y a notamment plaidé pour que le continent face, enfin, sa « révolution verte ».
Des sommets comme celui de Paris ou, dans quelques mois, la COP28 qui se tient à Dubaï, peuvent-ils vraiment répondre aux défis qui se posent à nous ? « Tout le monde a été submergé, épuisé et doute de toute nouvelle promesse », a asséné au micro de Jeune Afrique le Dr Mahmoud Mohieldin, ancien président de la Banque mondiale et champion de haut niveau de l’ONU pour l’action climatique, qui enjoint aux décideurs politiques de passer de la parole aux actes. La France, qui affirme que le sommet de Paris est une « étape » avant la COP28, a d’ores et déjà prévenu qu’il ne faudrait s’attendre à aucune annonce concrète à l’issue des deux jours de discussion. Le sommet « n’aura pas la capacité de décider » a précisé l’Élysée.
En outre, une autre piste pourrait être celle évoquée par Kako Nubukpo, commissaire togolais de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) en charge de l’agriculture, de l’eau et de l’environnement, qui plaide pour une « révolution écologique et sociale en Afrique ». Il propose de s’appuyer sur ce qu’il nomme « les communs », qui « se situent entre le marché, trop peu efficient, et l’État, trop faible et d’autant plus affaibli par l’ajustement structurel et par sa dépendance aux intérêts des multinationales et des grandes puissances ».
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