Les passagers du Titan et les migrants : deux poids médiatiques, deux mesures logistiques
Quand le drame du submersible Titan, perdu dans l’océan Atlantique, reçoit toute l’attention internationale, les naufrages successifs d’esquifs de migrants, en Méditerranée, se perdent dans une quasi indifférence.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 23 juin 2023 Lecture : 2 minutes.
« Les moyens déployés par les États pour rechercher quelques milliardaires disparus en mer ainsi que la mobilisation médiatique doivent être comparés à la large indifférence qui accueille la disparition de milliers de migrants en Méditerranée. Une vie n’en vaut pas une autre. » Ce 22 juin, le tweet du journaliste français Jean Quatremer faisait écho à de nombreuses opinions murmurées, tout autant qu’il suscitait des réactions indignées.
Touristes vs migrants
Pour rappel, cinq passagers britanniques, français et américains sont décédés dans le Titan, ce petit sous-marin touristique parti explorer l’épave du Titanic, le fameux navire englouti, en 1912, dans les eaux glacées au large de Terre-Neuve. L’épopée du submersible s’inscrivait dans le cadre d’une excursion organisée par OceanGate, une entreprise qui facture 250 000 dollars l’escapade. Émotion en mondovision et avalanche de breaking news chez les médias internationaux allaient de soi.
En Méditerranée, ce sont plus de 1 300 migrants qui ont perdu la vie sur les routes menant à l’Europe depuis le début de l’année. Ce jeudi, un magistrat du tribunal de Sfax annonçait que le bilan du naufrage de trois embarcations de migrants était, pour l’heure, de trois morts et au moins douze disparus. Une semaine plus tôt, ce sont 78 personnes qui se noyaient au large de la Grèce.
Moyens considérables
Au-delà de la différence de traitement de ces tragédies par les médias, les moyens déployés pour sauver les cinq passagers du Titan ont été considérables. Ont notamment été mobilisés le navire français de recherche L’Atalante, le robot sous-marin français Victor 6000, trois avions américains Lockheed C-130 Hercules, le navire de recherche bahaméen Deep Energy, le bateau norvégien polyvalent Skandi Vinland, des avions canadiens Lockheed P-3 Orion et Boeing P-8A Poseidon, ainsi que l’embarcation Atlantic Merlin.
Faut-il mettre en concurrence les souffrances, comme certains le font des mémoires, au risque d’enclencher des effets pervers ? Les tenants d’une politique migratoire sévère avancent que les fortunés du Titan effectuaient un voyage légal. Les partisans de « l’assistance à personne en danger » rappellent, eux, que les clandestins sont des êtres humains.
Africains vs Ukrainiens
« Ne sommes-nous pas des humains comme les autres ? » interrogeait justement, fin mai, le Premier ministre burkinabè Apollinaire Kyélem de Tambèla, dans le cadre d’une indignation qui concerne des événements moins maritimes, mais repose sur les mêmes ressorts. De nombreux discours africains s’étonnent que le trouble suscité, en Occident, par une crise éthiopienne, soudanaise ou sahélienne ne soit pas à la hauteur de l’émotion induite par l’agression de l’Ukraine.
Chacun peut évidemment deviner qu’il est question de solidarité de proximité, valeur fétiche de la droite radicale. Et si les migrants noyés en Méditerranée sont décédés bien moins loin de l’Europe que les passagers du Titan, c’est que cette proximité semble plutôt jaugée à l’aune de l’identité.
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