Le premier champion olympique noir africain à l’honneur sur scène

Tirée du roman éponyme, la pièce « Vaincre à Rome » retrace la course mythique de l’Éthiopien Abebe Bikila, qui a pulvérisé le record du marathon aux Jeux olympiques de 1960. Elle sera présentée du 7 au 24 juillet au Festival d’Avignon, à la Manufacture.

« Vaincre à Rome », la légende de l’homme panthère capable de courir du coucher au lever du soleil. Auteur : Sylvain Coher. Mise en scène : Thierry Falvisaner. © Clodelle

eva sauphie

Publié le 14 juillet 2023 Lecture : 3 minutes.

Sa robe dorée scintille sur la scène, sa voix retentit dans un micro au rythme des 120 battements par minute impulsés par une batterie nerveuse, la pièce est tamisée, l’ambiance feutrée. Cette femme n’est pas une diva, mais bien Yewebdar, l’épouse de celui qui deviendra bientôt une légende.

Et ce décor n’est donc pas celui d’une salle de concert, mais bien celui d’un théâtre où se rejouera l’une des courses les plus mythiques de l’histoire des Jeux olympiques. Nous sommes à Rome, le 10 septembre 1960. L’Éthiopien Abebe Bikila devient le premier africain subsaharien à être sacré champion olympique en pulvérisant le record du monde au terme d’un marathon qu’il terrasse en deux heures, 15 minutes et 16 secondes. Une victoire aux allures de revanche.

L'Éthiopien Abebe Bikila court pieds nus pour la victoire aux Jeux olympiques de Rome, le 10 septembre 1960. © EPU / AFP

L'Éthiopien Abebe Bikila court pieds nus pour la victoire aux Jeux olympiques de Rome, le 10 septembre 1960. © EPU / AFP

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Ce soldat et fils de berger jusqu’alors inconnu, repéré par un coach suédois (Onni Niskanen), franchit la ligne d’arrivée pieds nus et tête haute sous l’Arc de Constantin, à l’endroit même d’où étaient parties un quart de siècle plus tôt les troupes fascistes de Mussolini pour envahir son pays. Une occupation partielle qui n’aura duré que cinq ans. Mais le symbole est fort. « L’Afrique court avec toi, Abebe », répète à l’envi son entraîneur sur les planches.

Cadence folle

Cette partition jouée à quatre voix – celles du coach, du commentateur sportif, d’Abebe et de son épouse – nous embarque dans une course haletante, pour qui veut bien la vivre dans sa chair sans jamais vraiment pouvoir reprendre son souffle. « Il y a un rapport très physique au spectacle », appuie Thierry Falvisaner, metteur en scène de Vaincre à Rome, que l’on retrouve également dans la peau du coach. Le corps de l’athlète est le sujet central de la pièce, physiquement planté au centre de la scène sur un tapis de course réalisé selon un dispositif de mapping vidéo.

Il y a un rapport très physique au spectacle.

La course se substitue à la danse, là aussi dans un motif répétitif. « J’ai beaucoup observé les marathoniens sur les quais de la Loire pour reproduire leurs gestes », détaille Timothé Ballo, danseur orléanais d’origine malienne, vu dans Bintou Wéré, un opéra du Sahel, chorégraphié par Germaine Acogny. Pulsations, débit mitraillette de l’entraîneur déclamant son texte à la vitesse d’un rap, rythme saccadé, narration navigant entre 1960 et 2020, et parfois en 1935. Le spectateur est pris dans une cadence folle, vite expédiée (1 heure).

Dimension politique

Tandis que le roman éponyme de Sylvain Coher nous plongeait dans la tête du marathonien au moyen d’un monologue, la pièce nous propulse dans les pensées de son épouse, qui l’attend au pays. Elle est replacée au centre de la narration pour mieux convoquer la mémoire du coureur.

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Voilà, somme toute, la raison de cette urgence. Si le parcours d’Abebe Bikila tient du romanesque – il sera deux fois champion olympique avant d’être victime d’un accident de voiture à la suite duquel il perdra l’usage de ses jambes, mais remportera en fauteuil roulant le tournoi de tir à l’arc des Jeux de Stoke Mandeville, avant de mourir d’une hémorragie cérébrale à 41 ans –, il revêt une dimension aussi historique que politique.

Ce berger raillé par les journalistes sportifs de l’époque couronne en 1960 tout un continent, en pleine période de décolonisation. Et c’est bien sur cette dimension que s’attarde la pièce : sur la naissance d’un héros transnational dont le nom a été immortalisé dans les rues de Rome, 50 ans après sa victoire.

 © Clodelle

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