Au Maroc, un orphelinat accuse Poupette Kenza d’abus de confiance
Très suivie sur les réseaux, l’influenceuse franco-marocaine avait déjà été épinglée par le rappeur Booba. Elle est maintenant au cœur d’une affaire de détournement présumé d’argent destiné à des orphelins, mais proteste de son innocence, prenant ses followers à témoin.
« Escroquer un orphelinat, c’est difficile de faire pire. Quelle bande de démons !!! » (sic), a tweeté, ce 27 juin, le rappeur Booba en réaction à la polémique à laquelle fait face l’une des influenceuses les plus populaires en France, Poupette Kenza.
Avec son 1,4 million d’abonnés sur Snapchat et 974 000 sur Instagram, celle qui appelle sa communauté « les poupettes » n’en est pas à sa première polémique. Booba l’avait d’ailleurs déjà épinglée dans sa croisade contre ceux qu’il appelle les « influvoleurs ».
Antécédents
Par le passé, Poupette Kenza, de son vrai nom Kenza Benchrif, a déjà fait face à des dénonciations pour négligence sur ses enfants, placements de produits peu éthiques, organisation d’un meet up payant sans autorisation préfectorale et pour des faits similaires à ceux dont on l’accuse aujourd’hui.
En 2022, elle aurait relayé une cagnotte non réglementaire d’un montant de 80 000 euros dans le but d’aider un certain Sébastien M. qu’elle aurait rencontré lors d’une sortie au bowling. Le jeune homme atteint d’un cancer incurable lui aurait alors fait part de son projet d’acheter une maison pour sa famille.
De l’argent collecté via des transferts Paypal de fans de Kenza Benchrif, 60% seront finalement reversé au fisc français. Les internautes ne sauront même jamais si le reste a bien été donné à Sébastien M., ni même si celui-ci était effectivement malade et en difficulté financière.
Début juin 2023, l’histoire se répète pour l’influenceuse, quand elle relaie une nouvelle cagnotte destinée cette fois à un projet caritatif au Maroc, son pays d’origine. Celle-ci est gérée par l’association Bel Niya, basée à Paris, qui prétend, selon l’annuaire des associations de la loi 1901, défendre la cause des orphelins au Maroc en œuvrant avec deux institutions chargées de les accueillir : Radia à Marrakech et Atlas Kinder à Tahanaoute, à 30 km plus au Sud. La présidente de Bel Niya est Sabrine M., le mari de celle-ci, Demba D., en est le trésorier et sa soeur, Inès Marghati, la secrétaire générale.
Plus de 200 000 euros collectés
La cagnotte, ouverte depuis octobre 2021 par Bel Niya, avait déjà permis de collecter 11 000 euros. Elle avait pour but de financer la construction de maisons hébergeant les enfants pris en charge par Atlas Kinder. Après avoir visité les lieux et s’être entretenue avec le directeur, Moulay Rachid Kasmi, Kenza Benchrif, ainsi que ses deux cousines également influenceuses, Soukaïna et Anissa El Mizeb, diffusent auprès de leurs abonnés le lien de la cagnotte mise en ligne sur la plateforme CotizUp.
Aujourd’hui, l’association Atlas Kinder, qui accueille 85 enfants abandonnés dans 22 maisons du village de Dar Bouidar, affirme ne pas avoir reçu la totalité de l’argent. Selon des captures d’écran de la cagnotte CotizUp avant son archivage, celle-ci cumulait plus de 200 000 euros de dons récoltés grâce à plus de 16 000 donateurs. À partir de là, les versions divergent.
Deux versions des faits
D’un côté, Atlas Kinder affirme que Bel Niya n’aurait voulu verser que 28 000 euros sur la totalité de la somme récoltée. Bel Niya gardait donc le reste de l’argent, dont une partie aurait été utilisée pour rémunérer Poupette Kenza « et son équipe ». Finalement Atlas Kinder serait parvenue à récupérer près de 135 000 euros, somme qu’elle s’engage à rendre aux donateurs.
L’association marocaine, représentée par le célèbre avocat franco-marocain Me Yassine Bouzrou, surnommé « Relaxator », compte porter plainte en fin de semaine pour « abus de confiance » et « détournements de fonds » contre Bel Niya, mais aussi Kenza Benchrif et sa cousine Soukaïna, désignées comme ses complices. Elles risquent également des poursuites pour « diffamation » et « harcèlement » contre la personne de Moulay Rachid Kasmi.
« Sortez les preuves que j’ai volé ! Sortez les preuves que j’ai insulté ! Mais personne ne sortira rien, parce qu’il n’y a rien. Parce que vous êtes des menteurs et des calomnieurs (sic) », a clamé, le 23 juin, l’influenceuse lors d’un live Instagram de presque une heure, ponctué de crises de larmes, aux côtés de ses cousines et du couple derrière Bel Niya. À cette occasion, Demba D. a alors soutenu une tout autre version des faits que celle d’Atlas Kinder.
Facturation fictive ?
Selon lui, lors d’une réunion avec le président d’Atlas Kinder, Khalid El Quandili, il a été convenu de ne lui remettre que les 135 000 dont l’orphelinat avait besoin pour ses travaux et de garder le reste de la cagnotte pour d’autres oeuvres caritatives, comme au Sénégal. Ce serait donc l’administration d’Atlas Kinder qui les aurait « trahis ».
« Un piège », conclut Kenza Benchrif. Demba B. précise même que lors de cet échange, on lui aurait demandé de « laisser [son] téléphone dehors » pour éviter que la conversation soit enregistrée.
Lors de la diffusion en direct sur Instagram qui a attiré près de 50 000 personnes, Demba D. et une dirigeante de Bel Niya, vraisemblablement son épouse Sabrine M., ont montré plusieurs captures de transfert d’argent et autres « preuves » de leurs bonnes intentions. Parmi les éléments montrés à la caméra, une curieuse facture pour : « couche (sic) pour enfants », « eau minérale » et « lait en poudre 250 g », d’un montant total de 34 280 dirhams (environ 3 100 euros). Seulement voilà, le cachet sur cette facture est celui d’un spa à Marrakech, le Centre mille beauté, spécialisé dans les massages pour couples. Fausse facture ? Blanchiment d’argent ? Au lieu de rassurer les donateurs, les explications n’ont fait qu’ajouter à la confusion.
Le 24 juin dernier sur Snapchat, Soukaïna El Mizeb a elle aussi annoncé son intention de porter plainte pour diffamation contre Atlas Kinder. Dans une story Snapchat publiée ce 27 juin, Poupette Kenza a écrit : « Je viens d’apprendre que j’ai l’interdiction de poser un pied sur le territoire marocain, mon pays. Je suis traumatisée à vie. » Quelques jours plus tôt, elle et ses cousines se prévalaient de connaître la famille royale, et d’avoir des parents « très bien placés ».
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