La réforme militaire, plus importante que jamais
Pour éviter l’instabilité, il est aujourd’hui plus urgent que jamais de procéder à une réforme des unités de police et de l’armée bissau-guinéennes, selon les représentants des Nations Unies et du gouvernement.
« Aujourd’hui, il y a deux questions prépondérantes sur lesquelles le nouveau gouvernement doit avancer : la tenue des élections dans les 60 jours à venir, et la mise en œuvre de la réforme du secteur de la sécurité », selon Vladimir Montero, porte-parole du Bureau des Nations Unies pour la consolidation de la paix (UNOGBIS).
Raimundo Pereira, président par intérim, qui a prêté serment le 2 mars, a accepté de poursuivre la réforme du secteur de la sécurité, lors d’une rencontre organisée le 4 mars avec les ministres des Affaires étrangères de la région, Mohamed Ibn Chambas, secrétaire exécutif de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), et Joseph Mutaboba, représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies, selon M. Montero.
Entre autres mesures de réforme, il est prévu de rationaliser et de moderniser l’armée, les unités de police, l’armée de l’air, la marine et le système judiciaire du pays, avec l’aide de l’Union européenne et du Bureau des Nations Unies pour la consolidation de la paix. Au cœur du processus de réforme : la réduction de moitié des effectifs d’une armée nationale hypertrophiée, qui ne comptera plus alors que 2 500 hommes.
Dans un premier temps, recommande M. Montero, il faut procéder au recensement de l’armée, de la police et du secteur judiciaire ; le recensement de l’armée vient d’être effectué. Pour remonter le moral des membres des forces de police et de l’armée – enclins à faire grève pour des questions de salaires et de conditions de travail – l’UNOGBIS réhabilite actuellement des prisons civiles et des casernes. L’on prévoit également la démobilisation et le redéploiement des vétérans, ainsi que le remaniement du système de sécurité sociale pour les soldats et les officiers de police.
« Nous allons poursuivre un dialogue ouvert avec l’armée pour rétablir la paix et la stabilité dans le pays », a annoncé le Premier ministre Carlos Gomes Junior, à la suite d’une réunion avec M. Pereira, le 5 mars.
« Cette crise démontre même plutôt que le travail des Nations Unies en Guinée-Bissau doit être accéléré… la stabilité de la Guinée-Bissau est essentielle à celle de la région entière », a estimé Giuseppina Mazza, représentant résidant des Nations Unies à Bissau.
Selon l’UNOGBIS, pourtant, il manque au gouvernement une bonne partie des 183 millions de dollars initialement budgétés pour la mise en œuvre de ces réformes nécessaires.
La réforme au point mort
Mais à en croire Babacar Justin Ndiaye, analyste politique à Dakar, les récents assassinats du président João Bernardo Vieira et de Tagme Na Wai, chef d’état-major de l’armée, pourraient entraver le programme de réforme. « Le projet de réforme de l’armée sera très difficile à mettre en œuvre maintenant, parce que l’armée ne va pas vouloir céder le pouvoir. En Guinée-Bissau, le pouvoir décisionnel appartient véritablement aux forces militaires ».
« La capacité de Pereira à prendre des décisions est limitée avant les élections, qui devraient avoir lieu dans les 60 jours qui suivent, en vertu de la Constitution ».
L’armée s’est engagée à respecter la Constitution, selon un communiqué du 3 mars.
Les représentants de la CEDEAO, de la Communauté des pays lusophones (CPLP), de l’Union africaine et des Nations Unies se sont joints aux diplomates de la communauté internationale pour féliciter les autorités militaires et civiles de Guinée-Bissau pour avoir agi dans le respect de la Constitution nationale.
Les délégations de la CEDEAO et de la CPLP, et les ministres de la région se sont rendus en Guinée-Bissau pour débattre des prochaines mesures à prendre avec le gouvernement et les autorités militaires.
Mais selon un commentaire de David Zounmenou, chercheur principal à l’Institut sud-africain d’études sur la sécurité, au sujet des derniers événements en Guinée-Bissau, les violences observées cette semaine « dévoilent la précarité sociopolitique qui prévaut en Guinée-Bissau, où l’armée est scindée en plusieurs factions, chacune alignée derrière des dirigeants politiques, et prête à aller jusqu’au bout pour protéger ses intérêts ».
Les rivalités intestines au sein de l’armée risquent de provoquer une reprise du conflit armé, a écrit M. Zounmenou.
« A ce jour, le problème du programme de réforme, c’est que [les parties] ont adopté une logique bureaucratique pour résoudre un problème politique », selon Richard Moncrieff, directeur du service Afrique de l’Ouest de l’International Crisis Group, une cellule de réflexion. « Avec cette [approche], on ne s’attaque pas au fond du problème. Les dirigeants sont prêts à avoir recours à la violence pour régler des comptes d’ordre politique, et tant que cette question n’aura pas été résolue, on ne fera que tourner autour du pot ».
« Dans une certaine mesure, les derniers événements pourraient aplanir les difficultés rencontrées dans le cadre du processus de restructuration du secteur de la sécurité, en faisant intervenir de nouveaux interlocuteurs qui voudront faciliter et accélérer la réforme », a néanmoins estimé un haut responsable des Nations Unies, qui n’a pas souhaité être nommé.
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