Femmes au pouvoir, une avancée pour la condition féminine ?
L’arrivée des femmes à des postes de responsabilité au sein du gouvernement et des forces de sécurité du Ghana amène à se demander si cette avancée importante va bel et bien permettre d’améliorer concrètement la vie des femmes ghanéennes.
Pour beaucoup, l’émancipation économique des femmes serait la plus grande avancée, non seulement pour les femmes, mais pour tous les Ghanéens.
Pour la première fois, des femmes occupent les postes de président du Parlement, d’Inspecteur général de la police et de procureur général. Près de deux mois après l’arrivée au pouvoir du président John Evans Atta Mills, qui avait promis une forte présence des femmes au sein du gouvernement, les Ghanéens avec lesquels IRIN s’est entretenu ont fait preuve d’un optimisme prudent.
Hajara Usif, qui vend des tomates à Accra, la capitale, s’est déclarée satisfaite de l’attention portée aux femmes par le nouveau gouvernement. « Mais cela doit avoir des répercussions dans ma vie aussi, et très rapidement ».
Mme Usif et d’autres femmes comme elles pourraient être épaulées par Akua Sena Dansua, la nouvelle ministre de la Condition féminine et de l’enfance, une des huit femmes ministres du gouvernement ghanéen ; celle-ci a déclaré à IRIN qu’elle ferait de l’émancipation économique des femmes l’une de ses principales priorités.
« Je ne demande pas au gouvernement de me prendre en pitié et de s’occuper de mes enfants à ma place », a expliqué à IRIN Mme Usif, veuve et mère de quatre enfants. Elle souhaiterait en revanche que le gouvernement aide les femmes motivées à travailler, en leur proposant notamment des systèmes de crédit et des programmes d’alphabétisation.
Apprendre à lire, a-t-elle poursuivi, « est important pour mon travail et, je pense, pour le développement du pays ».
Pour Baah Boateng, économiste principal à l’université du Ghana, à Accra, tous les programmes d’aide aux femmes contribueront également à aider le Ghana. « Les femmes contrôlent l’économie ghanéenne. Elles sont absolument essentielles au succès ou à l’échec de la campagne nationale de réduction de la pauvreté ».
« En raison de leur contribution, je soutiendrai toujours toutes les initiatives prises en vue d’améliorer le sort des femmes et de leur apporter l’aide dont elles ont besoin », a-t-il ajouté.
M. Boateng a cité les statistiques suivantes, confirmées par le ministère ghanéen des Finances : 70 pour cent des agriculteurs et 90 pour cent des personnes qui travaillent dans le secteur de la production et du commerce agricoles sont des femmes.
Un parcours difficile
Angela Dwamena Aboagye, directrice de la Fondation Ark, une association ghanéenne de défense du droit des femmes, s’est montrée optimiste, mais prudente. Au sujet de l’arrivée récente des femmes aux postes de responsabilité, elle a déclaré à IRIN : « Il importe de considérer [cela] comme le premier pas d’un parcours de mille kilomètres ».
Pour elle, ces nominations politiques ne suffiront pas, à elles seules, à résoudre les problèmes rencontrés par les femmes ghanéennes. « Nous pensions que la création du ministère [de la Condition féminine et de l’enfance], en 2001, était une victoire, mais il s’est avéré que la marginalisation [des femmes] est restée enracinée ».
Si le Ghana est mieux loti en termes de parité des sexes que bien d’autres pays d’Afrique subsaharienne, les femmes restent à la traîne. Quarante-cinq pour cent d’entre elles sont illettrées, contre 28 pour cent des hommes, selon le projet Femmes en développement de l’USAID.
Le taux global d’inscription à l’école primaire est de 78 pour cent pour les filles, contre 85 pour cent pour les garçons. Ce taux d’inscription est toutefois relativement élevé pour l’Afrique subsaharienne, où selon l’UNESCO, les filles représentent 54 pour cent des élèves inscrits à l’école primaire.
Selon les estimations du ministère de la Condition féminine et de l’enfance, les mutilations génitales féminines/excisions touchent encore 15 à 30 pour cent des femmes du Ghana.
Scepticisme
Un analyste reste néanmoins sceptique quant aux progrès que permettra d’accomplir la position apparente du gouvernement en faveur des femmes.
Kwesi Amakye, professeur de sciences politiques à l’université Kwame Nkrumah des sciences et technologies de Kumasi, dans le centre du pays, a qualifié de « symbolique » la politique adoptée par le gouvernement en vue de confier au moins 40 pour cent des postes gouvernementaux à des femmes.
« Les uns après les autres, les gouvernements font des expériences pour régler la question des femmes, mais les problèmes subsistent », a-t-il estimé.
Certaines femmes nourrissent des doutes semblables, mais espèrent que les femmes actuellement au pouvoir leur prouveront qu’elles ont tort.
« Je crois malheureusement » que les mesures adoptées par le gouvernement en vue de favoriser les femmes ne sont que de pure forme, a déclaré Dorris Azumah, 34 ans. « Le gouvernement actuel fait preuve d’une certaine volonté, mais [pour accomplir de vrais progrès, il faudra] faire pression de l’intérieur, et c’est cela que j’attends de la part des quelques femmes nommées ».
Julian Amakwah, 36 ans, occupe le poste de comptable dans le secteur public. Elle a expliqué à IRIN qu’on ne lui avait pas accordé de promotion. « A mon avis, mes supérieurs ne me croient pas apte à remplir cette tâche parce que je suis une femme et que j’ai un enfant ».
« Les changements observés [au sein du gouvernement] seront vains si les femmes au pouvoir ne font pas pression pour l’adoption de réformes radicales dans le service public », a-t-elle dit. « Mais je suis contente, parce que c’est un bon début ».
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