Les infanticides liés à la sorcellerie persistent dans le nord

Dans le nord du Bénin, un bébé né avec une dent, sans pleurer ou par le siège court le risque d’être tué, car la population craint qu’il ne soit maudit, selon les organisations non-gouvernementales (ONG) locales. Malgré les efforts déployés en vue de mettre fin aux infanticides liés à la sorcellerie, cette pratique subsiste.

Publié le 26 février 2009 Lecture : 3 minutes.

Mohamed Alidou, de l’Association pour la protection de l’enfance malheureuse (APEM), a expliqué à IRIN que les coutumes et l’ignorance des populations en matière d’accouchement avaient amené celles-ci à désigner certains bébés comme des « anormalités » maudites, à détruire immédiatement – en les égorgeant, en les empoisonnant ou en les noyant – ou lentement – en les abandonnant ou en les laissant mourir de faim. « Quelle que soit la méthode, le but est toujours le même : l’élimination physique de l’enfant », a indiqué M. Alidou.

Ya Mouda, 70 ans, vit à Ségbana, un village situé à 500 kilomètres au nord de Cotonou, capitale économique du pays. Selon lui, les enfants qui présentent des difformités perçues sont craints. « On pense que les enfants qui naissent avec des dents sont venus au monde pour dévorer les gens, surtout si ce sont des filles. [La croyance veut] qu’elles tueront la famille de leur mère et leur propre mère, aussi ».

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Quant aux bébés nés par le siège, il est dit qu’ils sont venus sur cette terre pour dominer, a ajouté M. Mouda.

Victor Akpovi, auteur local, a commencé à s’intéresser aux meurtres rituels d’enfants en 2004. Selon lui, les communautés qui pratiquent la sorcellerie – essentiellement les ethnies des Baatonou, des Boko et des Peul – diabolisent les bébés difformes ou atypiques, qu’elles considèrent comme des « sorciers assoiffés de sang humain, des mangeurs d’hommes, des criminels et des enfants maudits ».

Selon Victor Akpovi, les familles décident secrètement si un nouveau-né devrait ou non être condamné à mort.

D’après M. Alidou de l’APEM, le silence qui entoure cette pratique entrave les efforts déployés pour tenter de mesurer l’ampleur du problème, mais les infanticides rituels contribuent au taux élevé de mortalité des nourrissons, observé dans le pays.

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En effet, environ 60 pour cent des enfants jugés « anormaux » sont tués, selon Nicolas Biaou, directeur du ministère de la Famille, qui supervise les régions de Borgou et Alibori, deux zones particulièrement touchées du nord béninois. « La fierté culturelle explique la persistance de ce phénomène. Les Baatonou, par exemple, veulent que leur ethnie soit pure. Toute personne jugée impure est éliminée ».

Sauvés

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Depuis des années, les organismes à but non-lucratif, les dignitaires religieux et les membres des communautés interviennent pour sauver ces bébés. Selon M. Alidou de l’APEM, certains quartiers sont entièrement habités par les survivants des infanticides rituels. « De nombreux enfants ont été sauvés par Omar Ky-Sama, chef traditionnel [de village]. Ils vivent en paix à Ségbana, dans un grand quartier ».

Mais les enfants qui échappent aux meurtres rituels, a-t-il dit, sont toujours considérés comme maudits à l’âge adulte. « [Dans les communautés de Ségbana et Kalalé, dans le nord], d’émouvants témoignages ont été livrés par des hommes de 50 ans, qui avaient pu échapper à une “sentence” pour s’en voir infliger une autre », a indiqué M. Alidou.

« Même avec nos campagnes de sensibilisation, le phénomène ne s’est pas résorbé », a expliqué M. Alidou à IRIN. « Nous nous demandons pourquoi les gens ne comprennent pas ».

D’après M. Biaou, du ministère de la Famille, l’attention portée aux infanticides est limitée à l’échelle nationale, car ce phénomène est perçu comme un problème ethnique régional. « Parce que ce n’est pas considéré comme un problème national qui touche tous les groupes ethniques, il nous est difficile de faire pression pour qu’une loi nationale soit adoptée contre ce phénomène ».

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