Une deuxième révolution verte peut-elle marcher?
Après plusieurs années de sanctions imposées par les bailleurs, de pertes de récolte de plus en plus importantes et de pénuries alimentaires persistantes, le Togo s’est engagé à investir 178 millions de dollars pour relancer son secteur agricole, qui emploie les deux tiers de la population.
Les fermiers qui ont vécu les réformes agricoles des années 1970 ont dit espérer que cette fois-ci, les retombées seront plus durables.
« Bien que nous soyons ravis des promesses du gouvernement, il est très important que celui-ci fasse attention, en dirigeant ce programme, de ne pas répéter les erreurs du passé », a déclaré Baba Djabakatié, président de la Fédération nationale des groupements de producteurs de coton.
Acte un
Après une série de sécheresses et les pénuries alimentaires qui se sont ensuivies dans les années 1970, Eyadéma Gnassingbé, président de l’époque, a lancé ce qu’il a baptisé la « révolution verte » pour augmenter la production locale.
A la radio et sur les panneaux publicitaires, on promouvait le « retour à la campagne », à coups de slogans tels que « Produisez plus, la terre ne nous laissera pas tomber » ou « Les Togolais dépendront moins des importations ».
Au début des années 1980, ces réformes ont contribué à stimuler la production agricole togolaise, ce qui a permis au pays de commencer à exporter du coton, selon le gouvernement.
Mais ces améliorations ont été de courte durée, d’après Samuel Anani Akakpo-Ahianyo, ancien ministre des Affaires étrangères, en fonction pendant les réformes. « Les terres n’étaient toujours pas cultivables, les producteurs pas formés, les routes rurales pas construites pour relier la campagne aux marchés ».
De plus, a-t-il ajouté, les troubles politiques qui ont éclaté dans les années 1990 ont entravé la mise en œuvre des réformes agricoles. Ces violences politiques ont amené les bailleurs à réduire les fonds octroyés ou à se retirer pour protester contre les nombreuses violations des droits humains commises aux quatre coins du pays, et notamment contre les mesures de sécurité sévères adoptées pendant les élections présidentielles de 2005.
Pour M. Akakpo-Ahianyo, toutefois, le secteur agricole a été victime non seulement des violences politiques, mais aussi d’une « mauvaise planification et d’une mauvaise gestion » sous le régime de l’ancien Président.
Acte deux
Le dernier effort en date en faveur de l’agriculture a été fourni le 30 janvier par le gouvernement togolais lorsque celui-ci a convoqué les bailleurs à Kara, à 420 kilomètres au nord de Lomé, la capitale, pour leur rappeler les « fonds, l’assistance technique et le matériel » nécessaires pour mettre en œuvre ces changements agricoles, a expliqué Gilbert Bawara, ministre de la Coopération.
La Banque mondiale, la Banque ouest-africaine de développement, le Fonds monétaire international, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, l’Union européenne, le Programme des Nations Unies pour le développement, l’Agence française de développement et la Banque islamique de développement comptaient parmi les bailleurs représentés.
Les bailleurs ont consenti à accorder 57 millions de dollars au Togo pour financer son secteur agricole en 2009, et notamment l’achat d’engrais, la recherche, la formation des agriculteurs, la création d’associations de producteurs et l’augmentation des rendements, en portant une attention particulière à la riziculture, selon Messan Ewovor, ministre de l’Agriculture.
Paul Ahianyo, riziculteur, a indiqué à IRIN que son champ, situé à 45 kilomètres au nord-ouest de Lomé, se trouvait à l’écart du marché le plus proche et qu’il n’avait pas d’équipement. « Nous n’avons pas de route pour transporter nos produits [au marché] ».
Selon le ministère de l’Agriculture, 90 tracteurs ont été envoyés dans les zones rurales pour un usage partagé et les fermiers recevront 25 000 tonnes d’engrais au début du mois de mars – début de la période de pousse 2009. Environ quatre millions de personnes sont employées dans le secteur agricole, selon le recensement 2006.
Dans sa stratégie de production agricole 2008-2010, le gouvernement a ciblé le cacao, le café, le poisson et le riz, pour permettre d’améliorer les moyens de subsistance et de réduire la malnutrition. Une étude réalisée par les autorités publiques en 2006 avait en effet révélé un taux de malnutrition de 26 pour cent chez les enfants de moins de cinq ans. Les Nations Unies travaillent de concert avec le gouvernement en vue d’actualiser cette étude.
Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), si des changements importants ne sont pas apportés aux méthodes de production et de gestion alimentaires dans le monde, les crises alimentaires risquent de s’aggraver au cours des années à venir.
A Matékpo, à 95 kilomètres au nord-est de Lomé, le correspondant d’IRIN s’est entretenu avec Sam Kossi, agriculteur, en février, alors qu’il se préparait à la période des semailles.
« Je prie pour que cette relance du secteur agricole soit une vraie réussite », a-t-il déclaré. « Peut-être aurons-nous vraiment la chance d’échapper à la pauvreté, cette fois-ci ».
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