Une corruption « énorme » dans le secteur de l’eau
La corruption a limité l’accès de plus de la moitié de la population béninoise à l’eau salubre, selon le ministère de l’Energie et de l’eau. D’après les autorités, les consommateurs défavorisés paient le prix de la mauvaise gestion de ce secteur, qui pèse plusieurs millions de dollars.
Au cours des 20 dernières années, les bailleurs ont accordé 87 millions de dollars pour financer la réforme du secteur hydraulique béninois, plus de la moitié de cette somme provenant du gouvernement japonais, a indiqué Blaise Dossa, coordinateur des projets financés par le Japon au ministère de l’Eau.
Malgré le soutien des bailleurs, pourtant, les progrès sont lents, a-t-il déclaré. « Quand les fonds arrivent, ils doivent passer par une longue chaîne d’acteurs. Il faut beaucoup de temps pour que les projets soient traités ».
Des contrats corrompus
Une fois que les fonds des bailleurs sont débloqués pour pouvoir construire de nouvelles sources d’eau, la façon souvent obscure dont les maires accordent les contrats aux gestionnaires de projets est ouverte à la corruption, a ajouté M. Dossa.
« Le coût de ces contrats de [gestion] est gonflé. Etant donné que seule la signature du maire est requise [pour finaliser le contrat], c’est le consommateur qui finit par assumer ces frais plus élevés ».
L’organisme de surveillance de la corruption Transparency International (TI) estimait dans son Rapport mondial sur la corruption 2008 que dans les secteurs hydrauliques des pays en voie de développement, la corruption augmente les frais de connexion des ménages de 30 pour cent et représente, pour l’industrie, 48 milliards de dollars de pertes annuelles.
Selon M. Dossa, responsable de projets publics, la connexion au réseau hydrique coûte 20 pour cent de plus dans les régions rurales que dans les zones urbaines, en grande partie parce qu’il est difficile d’endiguer la corruption lorsque les contrats sont disparates et décentralisés.
Mais mêmes les contrats négociés au plan national échappent à toute supervision, a-t-il indiqué à IRIN, notamment les contrats d’achat de matériaux de construction hydraulique (tuyaux, robinets, poulies…). Ces contrats contiennent souvent de « faux » coûts, et les autorités empochent la différence, selon M. Dossa. Les autorités publiques des eaux ont expliqué à IRIN qu’elles tentaient de poursuivre les contrevenants.
L’eau absorbe plus du double des capitaux nécessaires aux autres services publics, « c’est pourquoi les passations de marchés sont lucratives et la manipulation est difficile à détecter », selon Transparency International.
Sur 10 grands marchés prospères en termes de participation du secteur privé dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, neuf se trouvent également dans des pays où le risque de corruption est extrêmement élevé, selon le rapport 2008 de TI sur la corruption. En 2008, le Bénin a progressé à l’indice de perception de la corruption, grimpant de 22 places sur 180.
Dans les villes
La corruption dans les régions urbaines et les pertes de ressources en eau ont limité les moyens dont dispose la société publique des eaux pour améliorer l’accès des populations à l’eau, selon Jean Michel Klican, directeur adjoint de la Société nationale des eaux du Bénin (SONEB). « Notre volonté, c’est de donner de l’eau à tout le monde, mais nous n’y arrivons pas ».
Les pertes de bénéfices dus à la corruption sont « énormes » ; elles « ne peuvent même pas être chiffrées », a-t-il affirmé.
En 2007, le ministère béninois de l’Eau a fait état de plus de 13 000 sources d’eau – des puits aux robinets communautaires – dont 13 pour cent fonctionnent mal, selon une enquête publique. M. Klican de la SONEB a indiqué à IRIN que 52 pour cent des citadins avaient accès à l’eau.
L’un des Objectifs du millénaire pour le développement adoptés par le Bénin consistera à assurer un accès à l’eau salubre à 75 pour cent de la population urbaine et à 68 pour cent des populations rurales d’ici à 2015.
Mais pour y arriver, a indiqué Martin Assogba de l’Association contre le racisme, l’ethnocentrisme et le régionalisme, une organisation non-gouvernementale (ONG) locale, le gouvernement doit d’abord s’attaquer à une corruption endémique. « Il y a des gens qui posent des compteurs parallèles [pour le compte de la SONEB]. Il y a des employés de la SONEB qui vendent de l’eau [à laquelle ils ont accès gratuitement] ».
Mais il n’est pas facile d’attraper les coupables, selon M. Klican de la SONEB. « Nous savons que les gens le font, mais nous n’avons tout simplement pas l’argent nécessaire pour poursuivre tout le monde ».
Même si des enquêtes internes ont abouti à un certain nombre de poursuites judiciaires, a-t-il dit, il reste beaucoup à faire.
« Certains employés [de la SONEB] chargés de relever les compteurs se font payer par des consommateurs [qui n’ont pas payé leur facture] pour ne pas leur couper l’eau. à verser de l’argent en plus en les menaçant de leur couper l’eau », a indiqué M. Klican. « Nous suivons tout cela avec attention ».
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