Espérer la paix en Ituri
Le conflit qui sévit dans la région de l’Ituri, dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC) s’est officiellement terminé il y a trois ans, mais les habitants de la région continuent de vivre entre affrontements et paix.
Tout a commencé par une querelle foncière entre l’ethnie des Hema et celle des Lendu, qui a pris de l’ampleur à mesure qu’une multitude de groupes armés s’affrontaient pour obtenir le contrôle de précieux dépôts aurifères et des voies commerciales.
« Au début, nous n’avions que des machettes, des arcs et des flèches », a raconté un homme, qui s’est simplement présenté sous le nom de Didier, évoquant les premiers temps de la guerre. « Finalement, on s’est procuré des armes et on a formé une vraie unité militaire ».
Ces six années d’affrontements ont fait 60 000 morts et forcé 500 000 personnes à fuir, selon les travailleurs humanitaires de la région.
A Linga, une ville nichée dans les collines, à 75 kilomètres au nord-est de Bunia, chef-lieu de l’Ituri, presque tous les habitants ont fui pour se réfugier dans les collines environnantes, en 1999, à mesure que les violences prenaient de l’ampleur.
Bon nombre d’entre eux ont passé plusieurs années cachés dans la brousse, fourrageant à la recherche de nourriture. Quant aux soldats restés dans la ville, ils n’étaient guère mieux lotis.
« Nous n’avions rien », a expliqué Didier, en vendant les produits de son étal, au marché central de Linga.
Les violences étaient, en bonne partie, le fait de l’Union des patriotes congolais (UPC), essentiellement hema, et du Front national intégrationniste (FNI), principalement lendu.
Lorsque les Casques bleus sont arrivés en 2005, nombre de combattants du FNI ont été soulagés d’être conduits dans des lieux de transit en vue de leur désarmement. D’autres, en revanche, se sont enfuis dans la brousse, refusant de se laisser désarmer.
« Ils avaient peur des Blancs [Casques bleus] », a poursuivi Didier, ancien combattant du FNI.
Pendant plusieurs mois, ces soldats du FNI ont mené des attaques dans la ville et pillé les biens des civils. Les Casques bleus ont finalement ramené l’ordre dans la zone, où règne aujourd’hui un calme global, mais trois ans plus tard, certains civils continuent de vivre dans les collines, de peur de rentrer chez eux.
Promesses non-tenues
Didier et les autres participants au désarmement remettent parfois en question leur décision de coopérer avec les Nations Unies. « Ils nous ont promis tellement de choses, mais nous n’avons rien eu », a-t-il reproché.
Selon Mohammed Wahab, porte-parole de la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC), les programmes nationaux de désarmement et de réinsertion n’ont pas été aussi « actifs » que prévu et « n’ont pas permis de tenir les promesses faites aux anciens combattants après le désarmement ».
La MONUC estime toutefois que si 80 à 90 pour cent des combattants ont été désarmés, des groupes dispersés restent actifs dans des régions plus reculées.
En septembre 2008, un grand nombre de ces milices dispersées ont fusionné pour former le Front populaire pour la justice au Congo (FPJC), qui lutte, affirme-t-il, parce que le gouvernement n’assure pas la sécurité dans la région.
Marabo, un village situé à 30 kilomètres au sud-ouest de Bunia, a été attaqué par le FPJC en novembre. Fort heureusement, aucun décès n’a été déploré, ont expliqué les aînés : tous les habitants ont fui lorsque les combattants armés ?du Front? sont entrés dans le village et ont commencé à se livrer à des pillages.
Une offensive menée de concert par l’armée congolaise et les Casques bleus a permis de repousser le FPJC dans la forêt reculée des alentours de Tchey, 30 kilomètres au sud de Bunia. Depuis lors, le gouvernement a déployé un grand nombre de ses soldats à Marabo.
Toutefois, les soldats, n’ayant pas encore de base à Marabo, occupent les habitations des villageois. Et la présence d’un si grand nombre d’hommes armés est source de tension. Plusieurs cas de viols et de vols, commis par des soldats de l’armée, ont d’ailleurs été signalés dans la région, selon les habitants.
« Dans quel genre de pays les soldats vivent-ils comme ça, parmi les civils ? », s’est interrogé un aîné, qui n’a pas souhaité être nommé.
Violence
Ces années de violence et de militarisation ont eu un impact négatif sur les citoyens de l’Ituri. A Nyakunde, un écolier sautillait dans la rue, coiffé d’une casquette faite maison, portant le dessin approximatif d’un soldat tirant sur un bonhomme allumette.
Mais qui est responsable de cette guerre ? Les habitants de l’Ituri restent divisés sur la question. Le 26 janvier, le procès de Thomas Lubanga s’est ouvert devant la Cour pénale internationale (CPI) ; le chef de l’UPC a été inculpé d’enrôlement d’enfants soldats.
La Cour prévoyait de diffuser le procès à Bunia, mais elle a dû interrompre la diffusion pour des « questions de sécurité », compte tenu du nombre important de partisans de Thomas Lubanga.
Malgré les difficultés qui subsistent, il est peu probable que l’Ituri replonge dans la violence généralisée tant que les 3 000 Casques bleus de la MONUC se trouveront sur place.
Toutefois, avec la guerre au Nord-Kivu voisin et les violences perpétrées par les rebelles ougandais de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) dans la région du Haut-Uélé, au nord, la MONUC redéploie dans ces zones une partie des Casques bleus stationnés en Ituri.
Les attaques de la LRA ont provoqué le déplacement de plus de 100 000 personnes, dont bon nombre se réfugient en Ituri, selon les travailleurs humanitaires. A Marabo, les aînés se demandent si la paix pourra perdurer en Ituri.
« Personne ne peut prédire l’avenir », ont-ils noté, « mais nous l’espérons ».
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