La défection d’un chef rebelle, une « aubaine » pour la paix
La défection rapportée d’un haut commandant rebelle pourrait faire renaître l’espoir de trouver une issue pacifique à un conflit régional qui a récemment fait des centaines de morts et des milliers de déplacés, selon un haut dignitaire de l’Eglise du nord de l’Ouganda.
Okot Odhiambo, commandant en second de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), a contacté l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour annoncer sa défection.
« Nous sommes en liaison avec le gouvernement ougandais et l’UPDF [Force de défense du peuple ougandais] ; je confirme qu’il a fait défection », a déclaré à IRIN Jeremy Haslam, directeur de la branche ougandaise de l’OIM.
L’OIM, a-t-il ajouté, négocie actuellement le passage sans risque de M. Odhiambo de la République démocratique du Congo (RDC) vers l’Ouganda.
« J’ai entendu parler de cette reddition délibérée ; le traitement qu’il recevra va grandement contribuer à inciter ?d’autres? commandants rebelles à en faire autant, à l’avenir », a dit à IRIN John Baptist Odama, archevêque catholique de Gulu, le 30 janvier.
« C’est en ce moment que la clémence doit l’emporter sur d’autres convictions, pour construire une vraie réconciliation. Qu’il soit traité comme quelqu’un qui s’est rendu », a demandé l’archevêque, qui a participé à plusieurs efforts déployés en vue de trouver une issue pacifique à plus de deux décennies de guerre entre la LRA et le gouvernement ougandais.
M. Odama a dit espérer que la reddition de M. Odhiambo aboutirait à la signature d’un accord et, par là même, à la conclusion du processus de paix, et qu’elle permettrait de calmer l’offensive militaire menée actuellement dans l’est de la RDC.
« Quand il sortira, il devrait convaincre son chef [Joseph Kony, le chef de la LRA] de venir signer [l’accord de paix] au lieu de se résoudre à la guerre », a estimé l’archevêque Odama. « La guerre est source de haine, de vengeance et d’autres maux. Nous pensons qu’il ne sert à rien que le gouvernement poursuive une offensive militaire ouverte, avec les pertes de vie que cela implique ».
La LRA a été débusquée de ses bases dans le parc national de la Garamba, dans le nord-est de la RDC, mais elle s’est scindée en petits groupes. Ceux-ci sont aujourd’hui accusés de s’être rendus coupables de massacres, de viols et de pillages en RDC et au Sud-Soudan. Ils ont également enlevé des enfants et contraint des dizaines de milliers de personnes à fuir.
Le 27 janvier, les Nations Unies ont notamment signalé une attaque menée dans le village reculé de Tora par 13 rebelles soupçonnés d’appartenir à la LRA, et qui a fait au moins 100 morts au sein de la population civile.
La LRA agit de manière particulièrement virulente depuis que l’Ouganda a lancé une offensive contre elle, en décembre, avec l’aide des armées de la RDC et du Sud-Soudan. Cette offensive « mal exécutée » a provoqué une vague de massacres « de représailles », selon Enough Project, une cellule de réflexion internationale.
Des réactions mitigées
D’après l’armée ougandaise, la pression militaire exercée par les trois armées a commencé à porter ses fruits et la reddition de M. Odhiambo affaiblira le commandement militaire de la LRA.
« S’il se rend, Kony va être isolé parce qu’Odhiambo était un de ses hommes de terrain, présent un peu partout », a expliqué le major Felix Kulaigye, porte-parole.
Walter Ochora, commissaire divisionnaire de Gulu, a expliqué que cette reddition « signifierait que la LRA est étonnamment affaiblie et qu’elle est sur son lit de mort, ce qui ne peut être qu’une bonne nouvelle pour le peuple du nord de l’Ouganda ».
D’autres ne partagent pas cet avis, toutefois. Cette défection « sera la seule retombée positive manifeste de l’opération "Lightning Thunder", par rapport à ce que nous avons entendu depuis qu’elle a été lancée », a déclaré Kalule Kawooya, avocat à Kampala.
Quant à Ogenga Latigo, leader de l’opposition, il reste sceptique face à l’annonce de la défection de M. Odhiambo. « S’il sort vraiment, cela voudra dire que des voix contestataires [commencent à se faire entendre] au sein de la LRA, des voix opposées à la stratégie de Kony, et cela marquera le début de la fin pour la LRA. Je doute encore que ce soit vrai ».
M. Odhiambo fait partie des cinq commandants de la LRA qui ont été inculpés pour crimes de guerre par la Cour pénale internationale (CPI), en 2005. Depuis lors, deux d’entre eux sont morts, dont Vincent Otti, le prédécesseur de M. Odhiambo, qui aurait été tué sur l’ordre de M. Kony, en 2008.
Les rebelles ont conclu une trêve avec le gouvernement en 2006 et engagé des négociations de paix, mais le processus a été paralysé par M. Kony, qui exige la levée des mandats d’arrêt émis par la CPI avant la signature de l’accord final.
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