Une meilleure intégration scolaire pour les aveugles
La plupart des aveugles de Guinée ne reçoivent pas d’instruction et finissent mendiants dans la rue, selon les autorités, qui s’efforcent de faire évoluer cette situation en formant les professeurs des écoles non-spécialisées à mieux adapter leur enseignement aux élèves aveugles.
Le ministère guinéen des Affaires sociales espère ainsi former, au cours des deux ou trois prochaines années, quelque 140 professeurs à enseigner aux élèves aveugles et autres étudiants handicapés, selon Mohamed Camara, directeur de l’enseignement intégré au ministère et président de la Fédération guinéenne pour la promotion des droits des personnes handicapées.
« L’éducation pour les aveugles et autres personnes handicapées n’est pas un secteur très développé en Guinée. La condition des personnes handicapées n’a guère changé depuis que le gouvernement a signé la convention sur les handicaps, et très peu de personnes sont formées à aider les malvoyants », a indiqué M. Camara.
Le gouvernement a signé la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées en février 2008.
Partir de zéro, ou presque
Les écoles publiques ne sont pas encore prêtes à répondre aux besoins des élèves aveugles, a expliqué Hadja Kadiatou Diallo, directrice d’un établissement d’enseignement pour aveugles à Conakry. Elles ne disposent pas d’équipement spécialisé et peu de professeurs sont formés à enseigner aux aveugles.
Ils suivent juste une formation accélérée s’ils doivent prendre en charge un enfant handicapé dans leur classe, a-t-elle indiqué. « Dans les écoles intégrées, les aveugles se perdent souvent dans le système », a confirmé M. Camara, directeur de l’enseignement intégré.
Lorsqu’elles en ont les moyens, les familles dont les enfants sont aveugles ou malvoyants tentent de leur faire intégrer des établissements privés, ou de solliciter l’aide des organismes à but non-lucratif d’aide aux aveugles, a-t-il expliqué.
Les enseignants et les écoles n’étant pas préparés, ils refusent souvent de prendre en charge les élèves aveugles, a expliqué à IRIN Ramatoulaye Diallo, journaliste aveugle formée à Conakry, la capitale. « La discrimination subsiste : les écoles n’acceptent pas les élèves aveugles dans leurs classes. Elles disent “nous n’avons plus de place”, mais c’est une excuse », a-t-elle expliqué.
La Guinée compte une seule école publique spécialisée pour aveugles, située à Conakry, mais depuis octobre, l’établissement est fermé parce que son bus est en panne et que l’administration n’a pas les moyens de le faire réparer.
« Cela me fend le cœur de vous dire que les élèves de la seule école pour aveugles n’ont pas encore commencé l’année scolaire, tout ça parce qu’il n’y a pas de bus », a déclaré Kadiatou Diallo.
De plus, en raison des troubles politiques qui ont secoué le pays dernièrement, Mme Diallo craint que le gouvernement ne tarde d’autant plus à s’atteler à ce problème. « Malheureusement, l’année scolaire n’attend pas et les élèves aveugles sont encore chez eux », a-t-elle déploré.
Dans certains cas, les familles elles-mêmes ne souhaitent pas envoyer leurs enfants aveugles à l’école. « Beaucoup de familles n’acceptent toujours pas d’envoyer leurs enfants [aveugles] à l’école. Au lieu de cela, on les laisse devenir mendiants dans la rue », a expliqué Ramatoulaye Diallo.
Provoquer le changement
Elhadj Mouctar Diallo, secrétaire général du ministère des Affaires sociales, espère qu’avec des enseignants spécialement formés, les besoins des élèves aveugles et malvoyants seront satisfaits.
« L’intégration [des élèves aveugles dans les écoles] est importante ; sans cela, les élèves aveugles sont ?comme? en prison : ils ne se mêlent pas aux autres, ils sont isolés, marginalisés. Ils n’apprennent pas à lire le Braille, ni comment avancer dans la vie ».
Cette pression pour une meilleure insertion des élèves aveugles dans les écoles publiques est en partie exercée dans le cadre de l’Initiative en faveur de l’éducation pour tous, dirigée par les Nations Unies et la Banque mondiale, un projet qui promeut un enseignement intégré de qualité pour tous les élèves des cursus primaire et secondaire.
Parrainé par l’organisation non-gouvernementale (ONG) Helen Keller International (HKI), un forum national est en cours qui définira, dans les grandes lignes, les modes d’insertion des élèves aveugles dans les établissements d’enseignement non-spécialisés, selon Mamadou Midiaou Bah, directeur du programme de nutrition et de lutte contre la cécité de HKI en Guinée.
Des progrès sont accomplis dans ces deux domaines, d’après M. Bah. « Le gouvernement fait preuve de bonne volonté pour satisfaire aux besoins des aveugles, mais il a besoin de plus d’argent pour atteindre ses objectifs ».
HKI soutient ce programme national, en collaboration étroite avec ses partenaires locaux, pour renforcer les capacités des ministères des Affaires sociales, de la Santé et de l’Education à prévenir la cécité et à pourvoir aux besoins des aveugles. Mais les responsables des autorités investies dans la lutte contre la cécité doivent en faire plus pour obtenir des financements, selon M. Bah.
Pour M. Camara, il incombe au gouvernement lui-même de se fixer des priorités : « encourager les bailleurs est une chose, mais le gouvernement doit donner la priorité à l’éducation des personnes handicapées en Guinée, sinon rien ne va changer ».
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