En Algérie, bras de fer autour de la réforme pénale
Déplorant l’absence de concertation autour des modifications du code pénal, les avocats prévoient des actions de contestation. Mais la discussion des nouveaux textes se poursuit au Parlement, qui pourrait les adopter dès cette fin de semaine.
Un nouveau bras de fer s’annonce entre le ministère algérien de la Justice et les avocats, qui menacent de recourir à des actions de protestation à la rentrée judiciaire si les projets de loi concernant la réforme du code pénal et du code de procédure pénale, en débat à l’Assemblée nationale, ne sont pas retirés.
La dernière fronde des robes noires remonte au 18 avril 2022, quand ils ont boycotté les audiences des tribunaux de première instance, des procès en appel en matière criminelle et des affaires de mineurs au niveau national. Ils réclamaient alors l’annulation du système d’imposition fiscale pour la profession d’avocat introduit dans la loi de Finances, qui peut atteindre jusqu’à 35 % du chiffre d’affaires, sachant que le taux appliqué jusqu’alors était de 2 %.
Si l’on y ajoute l’acquittement de la taxe de la valeur ajoutée (TVA), se plaignaient alors les professionnels du droit, le niveau d’imposition de cette corporation dépasse 50 % de leurs recettes. Les autorités avaient répondu en expliquant qu’il s’agissait de passer d’un régime forfaitaire à un régime réel, dans une tentative de réduire le phénomène des fausses déclarations.
Les organisations professionnelles tenues à l’écart
Le mouvement qui débute cette année se fonde sur des récriminations très différentes concernant des projets de loi du code pénal et du code de procédure pénale récemment présentés au Parlement, et ce sans que l’Union nationale des ordres des avocats (UNOA) – qui s’est dite « surprise » – soit associée à leur élaboration.
L’UNOA indique avoir seulement été conviée le 18 juin par la commission juridique de l’Assemblée nationale à une séance de travail bien après l’adoption des deux projets de loi par le conseil des ministres. Lors de cette réunion, qui s’est déroulée en présence du vice-président de l’Assemblée, Ouahid Al Sid Cheikh, la commission a écouté non seulement les représentants des ordres des avocats, mais aussi ceux des huissiers de justice et du ministère de la Justice.
Mais cette main tendue n’a pas convaincu l’organisation des avocats, qui note une « persistance de l’exclusion » de la corporation des discussions autour des projets de loi qui concernent le fonctionnement du secteur de la justice, et ce « malgré les promesses constantes des ministres qui se sont succédé à la tête de la Justice ».
En réaction, le bureau des ordres des avocats rejette donc « les deux projets de loi dans leur mouture actuelle » et maintient sa session ouverte pour suivre les développements de cette affaire jusqu’à son assemblée générale ordinaire, prévue le 23 octobre, qui va décider des actions de contestation à engager sur le terrain.
Les robes noires n’ont, en revanche, pas commenté le contenu du projet concernant le code pénal, qui prévoit le durcissement des peines applicables en « matière de fraude et de falsification sous toutes ses formes, notamment la falsification de documents de résidence pour l’obtention indue d’un foncier ou un logement » et octroie au parquet la prérogative de mettre en mouvement d’office l’action publique dans les infractions d’insulte et de diffamation commises à l’encontre des corps constitués.
Aggravation des peines
Le texte propose également l’aggravation des peines relatives aux infractions d’outrage et de violences envers les enseignants et les imams et, dans ce dernier cas, supprime l’exigence que l’agression se déroule à l’intérieur de la mosquée. Le projet de loi portant sur le code de procédure pénale prévoit, lui, la numérisation des procédures judiciaires et la réforme du tribunal criminel.
Le ministère de la Justice n’a, à ce stade, pas réagi aux menaces de fronde de l’UNOA. Quant au Parlement, il maintient son agenda et prévoit de voter les deux projets de loi le 8 juillet.
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