Echapper à la plus cruelle des mutilations
Des centaines de filles âgées de sept à 17 ans ont trouvé refuge dans l’enceinte des églises de l’ouest du Kenya pour se soustraire à un rituel qui consiste en l’ablation de leur clitoris, une pratique encore courante, quoique illégale.
« Les autorités locales doivent assurer que ces filles ne soient pas ostracisées par leurs communautés et que leur éducation ne soit pas perturbée », a indiqué à IRIN Andrew Timpson, haut responsable de la protection au Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), au Kenya, le 16 décembre.
M. Timpson s’est rendu sur le terrain, dans les régions du Kuria Est et du Kuria Ouest au début du mois de décembre pour évaluer la situation et les besoins, en termes de protection, de 340 filles, qui avaient fui pour éviter de subir une mutilation génitale féminine/excision (MGF/E).
Selon le responsable, la MGF/E est un problème de taille et ces filles, réfugiées dans deux églises, ne représentent qu’un petit nombre [des victimes potentielles de cette pratique]. « Il est possible que plusieurs centaines de filles âgées de 15 ou 16 ans aient été excisées ».
Les filles ont fui à la fin du mois de novembre pour trouver refuge auprès de deux missions de l’Eglise pentecôtiste Maranatha suédoise (à Gwikonge, au Kuria Ouest, et à Komotobo, au Kuria Est). D’après M. Timpson, elles viennent, pour la plupart, des divisions administratives de Masaba, Mabera et Kehancha.
« La majorité de ces filles ont été confiées aux missions par leurs parents, qui s’opposaient aux pressions concertées, exercées par leurs communautés, les aînés et les grands-parents, pour les inciter à faire exciser leurs filles », a indiqué M. Timpson.
« Mais au moins 50 filles ont également été mises à la porte de chez elles ou ont fui pour éviter d’être excisées de force ».
Bien que d’importants efforts aient été déployés pour sensibiliser les filles et la communauté dans son ensemble aux dangers des MGF, a expliqué M. Timpson, il faut en faire plus pour s’assurer que ceux qui encouragent cette pratique aient à répondre de leurs actes devant la loi, les MGF étant interdites en vertu de la Section 14 de la loi sur les enfants.
Préoccupations de sécurité
D’après Ahmed Hussein, directeur des services de protection de l’enfance, sous l’autorité du ministère des Sexes, le gouvernement et ses partenaires ont fourni suffisamment de vivres pour permettre aux filles de s’alimenter pendant deux semaines.
« Le conseil consultatif régional fait tout ce qui est en son pouvoir pour assurer que ces filles sont en sécurité, et des consultations sont en cours pour veiller à ce qu’elles reprennent l’école, à la rentrée », a affirmé M. Hussein. « Nous allons prendre les mesures nécessaires pour assurer qu’elles puissent rentrer chez elles en toute sécurité et pour faire en sorte qu’elles puissent poursuivre leur formation éducative ».
D’après M. Timpson, les responsables des autorités régionales devraient faire en sorte que ces filles ne soient pas battues, ni excisées à leur retour chez elles, « et la loi devrait être invoquée face aux pères et aux leaders dévoyés des communautés ».
Des secours ont été apportés aux filles à la fois par le gouvernement et par certaines organisations telles que World Vision, l’Eglise Maranatha et leurs partenaires suédois. D’autres organismes participent également aux efforts visant à promouvoir l’abandon des MGF/E dans la région de Kuria : Action Aid, ADRA ou encore GTZ/MOH et World Vision.
D’après une étude menée pour le compte de l’UNICEF, cette pratique est encore observée dans la plupart des régions du Kenya. « Les preuves dont on dispose indiquent que l’excision reste monnaie courante, en particulier dans les régions rurales et chez les femmes moins instruites », selon l’étude, menée pour le compte de l’UNICEF par Anne Khasakhala de l’Institut d’étude et de recherche démographiques de l’université de Nairobi.
Cela s’explique principalement par la célébration et le festin qui accompagnent la cérémonie, et par les richesses offertes par la mariée au cours des négociations matrimoniales, selon Mme Khasakhala.
Le taux de prévalence des MGF dans les deux régions de Kuria se situe entre 75 et 90 pour cent, selon l’étude, l’âge de l’excision variant entre 12 et 14 ans. « Il semblerait que la communauté se réfugie encore derrière une histoire, une tradition et des cultures qui dictent qu’une fille, lorsqu’elle n’est pas excisée, risque de tomber enceinte et de déshonorer ainsi sa famille », peut-on lire dans l’étude, qui fait également état d’une stigmatisation des filles qui ne se soumettent pas aux MGF/E.
L’étude recommande d’éduquer les parents et la communauté, afin que les filles non-excisées ne soient plus victimes de discrimination.
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