Vendre un rein pour survivre

Dans les ruelles les plus sombres de Shubra, un quartier du Caire, les trafiquants d’organes traquent les jeunes Egyptiens démunis pour tenter de les persuader de vendre leur rein pour moins de 3 000 dollars.

Publié le 17 décembre 2008 Lecture : 4 minutes.

« C’est une opération sans risque ; c’est ce que m’a dit le rabatteur lorsqu’il m’a parlé de vendre mon rein pour gagner de l’argent facilement et rapidement », se souvient Idris, un manœuvre de 33 ans, qui a vendu son rein il y a sept mois pour 12 000 livres égyptiennes (environ 2 225 dollars) à un touriste arabe qu’il n’a jamais rencontré.

Depuis qu’Idris a vendu son rein, sa vie a changé : « je me fatigue très rapidement et je ne peux pas travailler autant qu’avant. Et j’ai dépensé tout l’argent que m’a rapporté ce marché », a-t-il confié à IRIN, au Caire. Idris fait partie des nombreux donneurs d’organes qui se trouvent en plus mauvaise posture qu’avant leur opération.

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Selon une étude menée par la Coalition for Organ Failure Solutions (COFS) [Coalition pour la résolution des problèmes de santé liés aux insuffisances organiques], qui lutte contre le trafic d’organes, 78 pour cent des donneurs d’organes égyptiens voient leur état de santé s’aggraver à la suite de leur opération, et 73 pour cent d’entre eux sont moins aptes à s’acquitter de tâches particulièrement physiques.

Aucune donnée officielle n’existe sur le nombre exact de donneurs d’organes [en Egypte]. Selon Amr Mustafa de la COFS, si les donneurs d’organes se comptent par milliers, ils sont difficiles à identifier car ils se sentent stigmatisés. « C’est précisément pour cette raison que nous nous sommes associés à l’Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR), afin de tendre la main aux victimes du trafic d’organes », a indiqué Amr Mustafa.

La nature clandestine du trafic d’organes est également problématique. « Personne ne souhaite aborder la question du trafic d’organes en Egypte parce que c’est une source de richesses énorme », a expliqué Muhammad Ghoeneim, pionnier des transplantations de reins au Moyen-Orient.

Kabir Karim de la COFS abonde dans ce sens. « Le trafic d’organes est devenu un commerce entièrement axé sur l’appât du gain, où médecins et rabatteurs collaborent pour vendre et acheter des organes humains. Bien entendu, tous ceux à qui ce commerce rapporte veulent poursuivre leurs activités. Une supervision éthique est devenue absolument nécessaire ».

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Des mesures sévères contre le trafic

Les mesures sévères prises par le gouvernement à l’encontre des trafiquants d’organes, des donneurs et des centres médicaux dans plusieurs quartiers du Caire à la mi-novembre ont mis en lumière la question du trafic d’organes en Egypte, troisième pays le plus touché par le phénomène du trafic et des transplantations d’organes, selon Saad al-Maghrabi, adjoint au ministre de la Santé.?D’après Abdel Rahman Shahin, porte-parole du ministère de la Santé, le ministère a renforcé la surveillance du trafic en collaboration avec le Centre public de soins médicaux gratuits, seule branche du ministère habilitée à arrêter sur-le-champ les personnes soupçonnées d’être impliquées dans le trafic ou la transplantation illégale d’organes.

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« Le Centre se compose d’une équipe dont le travail consiste à traquer les trafiquants d’organes et les donneurs, et à faire des descentes dans les polycliniques et les hôpitaux ces opérations sont pratiquées sans autorisation », a expliqué M. Shahin.

« Le Centre envoie des gens en repérage, qui s’assoient dans des cafés où les trafiquants ciblent les donneurs potentiels et concluent leurs marchés. Ils se rendent également dans les hôpitaux pour vérifier le nombre de transplantations pratiquées et s’assurer qu’elles ont été certifiées par le ministère ; sinon, elles sont illégales », a ajouté M. Shahin.

Violations de la loi

Les trafiquants d’organes agiraient désormais dans certains bidonvilles situés à la périphérie du Caire, en violation des lois réglementant les transplantations d’organes en Egypte.

« La loi en vigueur autorise les transplantations dans les hôpitaux et les centres médicaux à la fois publics et privés. Étant donné que la demande en transplantations d’organes est supérieure à l’offre, nous avons assisté à une transformation monstrueuse, puisque aujourd’hui les trafiquants d’organes, les médecins et les techniciens de laboratoire violent la loi à la fois dans les hôpitaux publics et dans les centres médicaux privés », a indiqué M. Shahin.

Un projet d’amendement de la loi prévoit d’interdire les transplantations dans les cliniques et les centres médicaux privés. « Tant que des transplantations seront pratiquées dans des centres privés, ce ne sera pas une pratique médicale. Ce sera une pratique commerciale. Et ça, c’est contraire à l’éthique », a estimé M. Shahin.

Pour M. Karim de la COFS, toutefois, la question devrait aller au-delà d’un simple amendement de la loi : « La COFS soutient tout à fait ce nouvel amendement […] Néanmoins, si nous voulons prendre le problème à la source et trouver des solutions éthiques au trafic d’organes, nous devons envisager d’autres mesures ».

Selon les experts, la solution au trafic d’organes pourrait résider dans les dons post-mortem. Mais nombreux sont ceux qui considèrent cette pratique comme contraire à l’éthique et aux coutumes, selon M. Karim. « Il est difficile de donner les organes d’un être cher après son décès, pour des raisons à la fois religieuses et culturelles ».

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