Dites-nous en plus! Les enfants veulent avoir accès à l’éducation sexuelle
Les enfants d’Afrique subsaharienne souhaitent en savoir plus sur le sexe et les moyens de se protéger du VIH, mais en raison des tabous qui entourent la sexualité des enfants, ils sont parfois privés d’informations vitales, selon une organisation non-gouvernementale (ONG) internationale.
Les enfants de la région ont besoin, disent-ils, d’avoir accès à une éducation sexuelle complète, pratique et exempte de jugement moral, selon le rapport Tell Me More! [Dites-m’en plus], publié par Save the Children Suède (SC-S). L’ONG a recueilli les opinions des enfants sur la sexualité, l’éducation sexuelle, les méthodes de prévention du VIH et l’identité sexuelle dans neuf pays d’Afrique subsaharienne.
« Les adultes pensent que nous sommes trop jeunes pour savoir quoi que ce soit sur la sexualité. Ils n’expliquent rien clairement. Ils ne veulent pas donner d’informations aux enfants », a déclaré à IRIN Carine Hlomador, 15 ans, activiste de la lutte contre le sida au Togo, au cours de la Conférence internationale sur le sida et les IST en Afrique (ICASA), organisée à Dakar, capitale du Sénégal.
Avec près de 1 800 nouveaux cas d’infection chaque jour chez les enfants de moins de 15 ans dans le monde, dont certains contractent la maladie en ayant des rapports sexuels, l’éducation sexuelle des enfants est vitale pour prévenir la propagation du VIH, selon le rapport de Save the Children, publié le 1er décembre.
Le droit à l’information
La Déclaration d’engagement des Nations Unies sur le VIH/SIDA, adoptée en 2001, stipule que les jeunes âgés de 15 à 24 ans devraient avoir accès à l’information et aux services qui leur permettront de se protéger du VIH ; l’objectif était d’atteindre 90 pour cent des jeunes d’ici à l’an 2005. Mais trois ans après la date butoir, seuls 40 pour cent des jeunes hommes et 36 pour cent des jeunes femmes du monde sont armés d’informations exactes sur la prévention du VIH, selon un rapport publié par les Nations Unies en 2008.
Les enfants de moins de 15 ans ne sont pas ciblés du tout, bien que plus de 10 pour cent des personnes interrogées âgées de 15 à 19 ans aient affirmé avoir eu leur premier rapport avant l’âge de 15 ans, d’après Amé David, responsable de programmes de SC-S à Dakar. « On omet généralement les enfants de moins de 15 ans dans les programmes de sensibilisation à la prévention du VIH/SIDA, parce que parler de la sexualité des enfants est tabou », a indiqué Mme David.
En raison des tabous qui entourent la sexualité des enfants, on en sait également peu sur les enfants âgés de sept à 14 ans, selon Save the Children. « Il est de toute évidence nécessaire (on pourrait même parler d’une obligation morale) de mener des études [sur ces tranches d’âge] », concluent les auteurs du rapport, ajoutant que les enfants sont exposés au VIH à un jeune âge, puisqu’ils deviennent sexuellement actifs jeunes et créent leurs propres stratégies pour se protéger.
Selon certaines études, les enfants qui reçoivent des informations exactes ont généralement leur premier rapport plus tard. « Ce sont les enfants qui n’ont pas d’informations qui tentent de découvrir de quoi il retourne », a expliqué Mme David de SC-S. Mme David est convaincu que réprimer la sexualité des enfants ne ferait qu’aggraver la situation : « Se dire que rien ne se passe à l’adolescence, c’est se faire des illusions. Si l’on ferme les yeux et qu’on met la tête dans le sable, les enfants vont aller chercher des informations dans les médias, qui ne sont pas toujours une bonne source ».
Pour Bayala Rodrigue, une Ivoirienne de 16 ans, les adultes auraient tort d’éviter le sujet. « En Afrique, les adultes disent qu’il y a un âge à partir duquel on peut enseigner la sexualité aux enfants. Mais, en fait, il n’y a pas de limite d’âge. Vous pensez connaître votre enfant, mais en réalité, ce n’est pas le cas. Vous ne savez pas ce qu’il ou elle apprend dans la rue ».
L’origine du tabou
Le silence qui entoure la sexualité des enfants dans certains pays d’Afrique subsaharienne s’explique en partie par la gêne des adultes, qui rechignent à aborder le sujet, selon Anta Fall Diagne, responsable des programmes de santé reproductive au Population Council, une ONG internationale qui travaille dans le domaine de la santé reproductive au Sénégal. « Ce sont les adultes, les décideurs et les ministres qui ont peur [d’en parler]. Les jeunes eux-mêmes sont ouverts sur leurs problèmes ».
La religion joue également un rôle important, a-t-elle expliqué. Les parents sont réticents à parler de sexualité à leurs enfants dans des sociétés où l’on désapprouve les rapports sexuels hors mariage. « Une chose est sûre : nombre d’entre eux [les jeunes] ont une vie sexuelle. Une autre chose est sûre : ils ont des problèmes dans leur vie sexuelle. Troisièmement, ils n’ont pas les bonnes informations pour gérer ces problèmes », a néanmoins indiqué Mme Fall.
Améliorer les cours d’éducation sexuelle dans les écoles
Parmi les enfants interrogés par SC-S, ceux qui suivent des cours d’éducation sexuelle à l’école ont estimé que ces cours étaient souvent négatifs, contradictoires et trop axés sur la biologie.
Les enfants souhaitent au contraire acquérir des connaissances adaptées à leur situation et les compétences nécessaires pour négocier le recours aux méthodes de prévention au sein de leurs relations. « Vous m’avez dit de me protéger », a noté Bayala Rodrigue, de Côte d’Ivoire. « OK, je sais qu’on met le préservatif sur le pénis. Mais il y a d’autres choses à négocier. Nous avons besoin d’avoir des informations plus réalistes ».
Toujours selon le rapport, les enseignants ne sont souvent pas préparés à aborder ouvertement les questions liées à la sexualité avec les enfants et adoptent souvent une position moralisatrice et négative.
« Les enseignants ne semblent pas vouloir ouvrir le débat pour permettre aux enfants de s’exprimer, de parler de ce qui leur arrive et de trouver des solutions à leurs problèmes », a indiqué à IRIN Souadou Ndoye, une élève sénégalaise de 17 ans.
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