Des milliers de réfugiés en attente d’un statut juridique

Le gouvernement mauritanien a promis à des milliers de citoyens rapatriés, en attente de se voir délivrer leurs documents légaux depuis près d’un an, qu’ils recevraient leurs cartes d’identité d’ici à la fin de l’année.

Publié le 27 novembre 2008 Lecture : 5 minutes.

« Sans papiers, je ne peux pas quitter ce camp [de rapatriés] parce que je ne peux pas passer les postes de contrôle de la police », s’est plaint Abdoulaye Samba Sow, chef d’un des 34 camps composés de tentes, où sont logés les rapatriés, dans les régions sud de Trarza et Brakna.

M. Sow fait partie d’une des quelque 100 familles qui ont choisi de vivre à Boyingel Thille, 300 kilomètres à l’est de Nouakchott, la capitale, vers la frontière sénégalaise, depuis leur retour en Mauritanie, en mars 2008.

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« Nous avons attendu près de 20 ans, et nous nous retrouvons ici, encore assis dans des tentes, encore étiquetés comme réfugiés », a déploré M. Sow, montrant au correspondant d’IRIN son permis d’occupation, qui porte, en haut, le tampon « rapatrié ».

Des dizaines de milliers de Mauritaniens, noirs pour la plupart, ont fui pour échapper aux massacres intercommunautaires perpétrés par les forces de sécurité au début des années 1990. Certains se sont réfugiés au Mali, mais la plupart ont fui au Sénégal.

« C’est le seul papier que j’ai après avoir passé huit mois dans mon pays. J’aurais pu rester au Sénégal », a déclaré M. Sow à IRIN. « Au moins, là-bas, j’avais plus de bétail, l’eau courante, et j’étais libre d’aller où je voulais. Si on ne me donne pas de statut juridique, je préfère être apatride au Sénégal. Mais nous sommes mauritaniens. Nous avons le droit d’être reconnus comme tels ».

Éleveur, Idrissa Sow a expliqué qu’il ne pouvait pas chercher du travail pour compléter les revenus que lui rapporte son bétail. « Nous sommes habitués à avoir des centaines de bêtes. [Ici], on m’a donné deux vaches. Mais où est-ce que je pourrais aller pour trouver un autre travail ? Qui m’embauchera si je ne peux pas prouver que j’ai le droit d’être là ? ».

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Selon le bureau du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Nouakchott, depuis janvier, 5 032 personnes ont été rapatriées en Mauritanie dans des convois onusiens, la plupart en provenance du Sénégal.

En vertu de l’accord de rapatriement tripartite signé par le Sénégal, la Mauritanie et le HCR en novembre 2007, les Mauritaniens rapatriés doivent recevoir leurs pièces d’identité dans les trois mois suivant leur arrivée.

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Les délais promis

Selon Bâ Madine, directeur de l’Agence nationale d’appui et d’insertion des réfugiés (ANAIR), un organisme public, le gouvernement mauritanien tente de rattraper le temps perdu.

« Quand le gouvernement actuel a pris le pouvoir [à la suite du putsch militaire du 6 août], ces réfugiés n’avaient pas leurs papiers. Les trois mois impartis [dans le cadre de l’accord tripartite] étaient déjà largement dépassés. Nous avons hérité du retard accumulé et nous nous efforçons de rectifier le tir aussi rapidement que possible ».

Le 6 août, les dirigeants de l’armée ont renversé le président Sidi Mohammed Cheikh Ould Abdallahi, et arrêté l’ancien directeur de l’ANAIR, nommant à sa place M. Madine.

M. Madine a affirmé que les rapatriés devraient avoir reçu leurs papiers d’ici à la fin de l’année, au plus tard. Selon Angèle Djohossou, directrice du service de rapatriement du HCR, à Nouakchott, tout est en place pour permettre aux réfugiés d’obtenir leurs papiers sans contretemps supplémentaire.

« Avant qu’une personne traverse la frontière pour entrer en Mauritanie, son dossier a déjà été approuvé par le gouvernement, qui a vérifié pour s’assurer que les réfugiés viennent bien de là où ils disent venir. A leur arrivée, le HCR recueille leurs informations, qui doivent correspondre à la liste préapprouvée, pour vérifier qu’ils sont dans le pays ».

Autres contretemps

M. Sow, le chef de camp, a expliqué à IRIN que dans son camp, les enfants en âge d’être scolarisés n’avaient pas de salle de classe. Pourtant, on aperçoit un tas de béton à côté de sa tente.

« Nous avons du matériel de construction pour construire une salle de classe, mais pas d’enseignant », a déploré M. Sow.

M. Madine, de l’ANAIR, a dit à IRIN que huit enseignants formés à Nouakchott avaient été dépêchés à Brakna pour travailler avec les jeunes rapatriés. « Nous en enverrons davantage si nécessaire, mais il n’y a pas de raison qu’il n’y ait pas de salle de classe dans les camps ».

M. Madine a également dit à IRIN qu’il ne savait pas que le camp de Boyingel Thille ne comptait pas encore de salle de classe.

Les prochaines étapes

Plus de 5 000 autres réfugiés mauritaniens ont reçu l’autorisation d’être rapatriés et doivent retourner dans leur pays d’ici à la fin de l’année 2008. Si la plupart des bailleurs se sont engagés à poursuivre leur assistance humanitaire à la Mauritanie après le coup d’Etat d’août, certains, dont la Banque mondiale et la Commission européenne, gèleront l’aide au développement tant que l’armée restera au pouvoir.

Selon un diplomate occidental à Nouakchott, les bailleurs hésitent à donner des fonds à l’ANAIR, organisme étatique. « Lorsqu’on observe une érosion des contrôles internes, comme c’est le cas depuis le coup d’Etat, on est moins enclins à donner à l’ANAIR. Mais nous sommes disposés à donner aux Nations Unies ».

Le rapatriement sous escorte HCR doit s’achever en juin 2009, et les Nations Unies devraient cesser d’apporter leur aide au rapatriement des réfugiés mauritaniens d’ici à décembre 2009.

L’organisation a récemment lancé un appel pour solliciter la somme de 19 millions de dollars afin de pouvoir mener à terme le rapatriement. Mme Djohossou, directrice du rapatriement, a souligné que le mandat des Nations Unies était limité.

« La réhabilitation et la reconstruction incombent au gouvernement ; cela ne fait pas partie de notre mandat [HCR]. Au-delà du rapatriement et d’un certain travail de réinsertion, le HCR ne peut pas résoudre tous les problèmes de développement », a-t-elle dit.

M. Madine de l’ANAIR s’est dit conscient du fait que le retour accéléré des réfugiés ne ferait qu’ajouter à la charge de travail du gouvernement : « Nous ne voulons pas laisser les problèmes s’accumuler et nous nous efforçons de traiter des problèmes qui durent depuis des décennies, notamment de permettre aux rapatriés de retrouver leur nationalité, leurs biens et leurs emplois. Ils ont tellement perdu. Avant tout, nous devons leur rendre leur dignité, en commençant par leurs pièces d’identité ».

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