Mauritanie : une croissance économique peu partagée
Bénéficiant d’excellents résultats économiques, la Mauritanie jouit de la confiance des institutions internationales. Seul hic : des inégalités sociales persistantes.
La Mauritanie fait incontestablement partie des bons élèves du continent, et les bailleurs de fonds ne tarissent pas d’éloges à son égard. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La croissance du produit intérieur brut (PIB) semble solidement installée puisque, après un taux fort respectable de 6,9 % en 2012, elle devrait se maintenir à 6,4 % cette année et en 2014, selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI).
Recettes
Presque tous les indicateurs sont au vert. L’inflation très sage de l’année dernière (+ 3,4 %) devrait à peine accélérer à quelque 5 %. Pour la première fois dans l’histoire récente du pays, un excédent budgétaire a été dégagé en 2012, en raison notamment de recettes publiques plus importantes que prévu, l’administration ayant fait des efforts considérables pour améliorer le recouvrement des impôts. Les recettes dues aux activités minières et à la pêche sont notamment excellentes.
sur l'image" class="caption" style="margin: 4px 4px 5px; border: 0px solid #000000; float: left;" />Le déficit du compte courant se creuse en raison des importations d’équipements miniers, mais les réserves de change ont dépassé les 960 millions de dollars (714 millions d’euros) et représentaient 6,7 mois d’importation fin 2012. Elles devraient encore progresser en 2013.
Ressources naturelles
Sur le plan qualitatif, la Mauritanie demeure un exemple. Malgré les rumeurs de corruption et l’accusation récurrente selon laquelle les proches du pouvoir s’approprient les richesses du pays, la gestion des budgets de l’État et des entreprises publiques ne soulève pas de grandes critiques de la part des experts.
« J’entends un discours auquel je n’adhère pas et qui prétend qu’en Afrique les pays disposant de fortes ressources naturelles sont mal gérés, déclare Vera Songwe, directrice des opérations de la Banque mondiale pour la Mauritanie. C’est faux : la Snim [Société nationale industrielle et minière] est aussi bien gérée que l’Office chérifien des phosphates [OCP], la référence africaine en la matière. La Mauritanie dément ce que l’on appelle la malédiction des matières premières. »
Dépendance
Dans son rapport du mois de mai 2013, le FMI s’inquiète cependant de l’extrême dépendance du pays aux industries extractives. Situation qui ne semble pas près de s’améliorer, puisque les projets se multiplient – avec la garantie de l’Union européenne – pour l’exploitation du gaz qui vient d’être découvert au large des côtes mauritaniennes et dont certains pensent qu’il pourrait produire de l’électricité. Laquelle manque cruellement, moins de 30 % de la population y ayant accès.
La Snim a par ailleurs annoncé, le 8 octobre, la découverte d’un nouveau gisement de fer près de Zouerate, dans le nord du pays, qui recèlerait 830 millions de tonnes de minerai. Promesse qui vient compenser les difficultés des mines d’or et les 300 suppressions d’emplois décidées par le canadien Kinross dans son usine de Tasiast (Nord-Ouest).
Pauvreté
Pour autant, « il reste beaucoup à faire pour que cette incontestable croissance soit mieux partagée, souligne Vera Songwe. Plus de 70 % des ruraux vivent avec un revenu les plaçant sous le seuil de pauvreté, alors que la proportion est de 19 % à Nouakchott et de 16 % à Nouadhibou ».
Pis, l’ONG Walk Free Foundation (WFF) a publié, le 17 octobre, un atlas de l’esclavage de 29,8 millions de personnes dans 162 pays. Classement dans lequel la Mauritanie occupe une peu flatteuse première place, avec 4 % de sa population asservie [160 000 personnes].
Signe de l’incapacité du gouvernement à traduire la croissance en emplois, les statistiques officielles qui évaluent à 10 % le taux de chômage sont considérées par les experts comme peu réalistes.
Climat des affaires
Le principal obstacle à la création d’emplois est la faiblesse persistante du secteur privé, notamment dans le secteur de la transformation et des PME, car l’industrie extractive nécessite de lourds investissements, mais peu de main-d’oeuvre.
Or le climat des affaires est médiocre. Le rapport « Doing business 2014 » de la Banque mondiale classe le pays au 173e rang sur 189. Et de fait, il n’est pas aisé d’y créer une entreprise. Surtout, la Mauritanie est bonne dernière mondiale pour la résolution des défauts de paiement : si un client fait faillite, il est très difficile de récupérer un minimum de sa créance.
De quoi freiner les investissements, par exemple, dans l’agroalimentaire, malgré les beaux projets de hub portuaire à Nouadhibou ou d’irrigation de 15 000 ha dans la vallée du fleuve Sénégal. Les élections passées, il sera nécessaire de mener à bien ces réformes indispensables.
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