Casamance : « Nous avons en permanence peur »

Les affrontements entre les rebelles et l’armée en Casamance sont durement ressentis par les habitants de la région de Ziguinchor, où des bases présumées ont été bombardées il y a peu. La population tente de survivre mais craint chaque jour pour sa sécurité. Un reportage Irinnews.

Adama Danfa et Pape Mar Ndao, élèves. © Mamadou Alpha Diallo/IRIN

Adama Danfa et Pape Mar Ndao, élèves. © Mamadou Alpha Diallo/IRIN

Publié le 26 mars 2010 Lecture : 3 minutes.

En Casamance, enclave fertile du sud du Sénégal, les affrontements séparatistes avec différents groupes rebelles fractionnés perturbent périodiquement, depuis près de 30 ans, la culture de rente de la noix de cajou et de l’arachide, les marchés et les écoles. Malgré l’offensive militaire d’une semaine menée contre des bases rebelles présumées à Ziguinchor, à 464 kilomètres au sud de Dakar, capitale du Sénégal, la plupart des écoles restent ouvertes. « Les roquettes passent par-dessus nos têtes et les militaires tirent non loin de notre école », a rapporté Pape Mar Ndao, 13 ans, élève du sud de la ville.

« Des balles tirées à partir de la brousse tombent souvent à côté de nous. On ne peut plus suivre les cours dans ces conditions. Nous voulons qu’une solution soit trouvée pour nous mettre en sécurité. Et en attendant cela, nous préférons qu’on suspende carrément les cours », a-t-il déclaré. « Notre principal nous demande de rentrer à chaque fois que la situation devient dangereuse mais cela ne nous met pas en sécurité car un obus peut tomber sur nous à tout moment ».
Suite aux pourparlers de paix engagés il y a six ans, la région a néanmoins connu des accalmies, entrecoupées d’explosions de mines et d’attaques contre les villageois. Quelques habitants des zones touchées, depuis plusieurs jours, par les derniers affrontements ont accepté de témoigner pour IRIN :

Adama Danfa, élève au CEM Kenya, dans le sud de Ziguinchor

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« Nous n’étudions pas depuis que les bombardements ont commencé [mi-mars]. Nous avons en permanence peur. Moi, personnellement, quand je rentre à la maison, je n’arrive même pas à manger et aussi, psychologiquement, je souffre ».

« Je n’arrive plus à apprendre mes leçons à la maison et quand je me couche je ne dors pas. Parfois même, j’ai l’impression d’entendre des obus. Une fois la nuit tombée, personne n’ose circuler dans notre quartier. Le quartier devient fantôme à partir de 20 heures ».

Charles Mané, proviseur du CEM Kenya

« Si les tirs commencent, je suis obligé de libérer aussitôt les élèves par mesure de prudence. Et aussi, dès qu’ils entendent les détonations, ils s’affolent, on entend des cris partout. Ils se mettent à trembler ; dans ces conditions, on ne peut pas leur enseigner quoi que ce soit. Même les enseignants paniquent ».

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« Chaque jour, j’apprécie la situation pour prendre une décision ?de donner cours ou non?. La situation actuelle est très préoccupante : en fait, l’année scolaire risque d’être très perturbée ; si les affrontements continuent, c’est sûr que nous ne pourrons pas atteindre le quantum horaire [temps d’enseignement requis] à la fin de l’année ».

Marie Françoise Niouki, productrice de noix de cajou, veuve et mère de cinq enfants

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« Dans ce quartier, les gens vivent du commerce des produits qui viennent de la brousse. Si nous ne nous rendons pas en brousse, nous ne mangeons pas. Et avec les affrontements qui se déroulent depuis 10 jours, nous n’osons pas nous y aventurer. Cela fait donc que nous mangeons très difficilement : la plupart des familles de ce quartier ne se contentent plus que d’un seul repas par jour ». « Cela est durement ressenti, surtout par les enfants qui doivent se rendre à l’école. Mais le plus grave aujourd’hui, c’est que nous ne savons même pas si nous allons pouvoir récolter nos [noix de cajou]. C’est même presque sûr que la campagne de cette année est compromise car les ?noix de cajou? commencent à mûrir et aujourd’hui, personne ne sait quand les affrontements vont s’arrêter ».

« Et en plus, même si les affrontements s’arrêtaient, il y a les risques de mines. Et une année sans vente de noix [de cajou] signifie une catastrophe pour nous… Moi, j’ai un verger d’anacardiers dans la brousse, à quelques kilomètres d’ici ; c’est avec les revenus que j’en tire que je parviens à prendre en charge mes cinq enfants dont le père [est décédé] ».

« Nous ne pouvons plus nous rendre en brousse pour chercher du charbon ou du bois mort pour le vendre au marché de Ziguinchor et acheter quelques kilogrammes de riz à ramener à la maison. Aujourd’hui 23 mars, n’ayant plus rien à la maison, je me rends de l’autre côté de la ville pour voir si je peux obtenir un peu de légumes chez une parente pour les vendre au marché. Ou je vais voir, si la situation est calme de ce côté, je vais aller jusqu’en brousse couper un peu de bois mort ».

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