Une nouvelle loi sur les organisations caritatives adoptée malgré les objections
Le Parlement éthiopien a adopté une loi visant à encadrer les associations caritatives, et ce malgré les vives protestations des membres de l’opposition, des groupes internationaux de défense des droits humains et d’organisations de la société civile (OSC) nationales.
Le Parlement, composé de 547 sièges et dominé par le parti en place, a adopté la loi sur les associations caritatives et les sociétés (Proclamation for the Registration and Regulation of Charities and Societies) par 327 voix contre 79.
« [La loi sur] les organisations non gouvernementales (ONG) va redéfinir leur champ d’action », a déclaré à Addis-Abeba Berahnu Adelo, fonctionnaire au cabinet du Premier ministre. « Celles qui œuvrent essentiellement pour le développement resteront avec nous ».
En décembre, Meles Tilahun, député au Parlement, a déclaré à IRIN : « La loi est nécessaire pour créer un environnement favorable pour les ONG et les OSC et leur fournir un cadre juridique distinct. Elle ne signifie pas l’arrêt de leurs activités ».
La loi a été adoptée le 6 janvier au cours d’une session ordinaire de la Chambre, malgré les vives protestations des membres de l’opposition, minoritaires. Mesfin Nemera, membre du Mouvement démocratique fédéraliste Oromo, a quitté la session.
« [Les] mots me manquent pour exprimer [ce en quoi consiste] cette loi », a expliqué à IRIN Beyene Petros, leader du parti Forces démocratiques unies. « Ce procédé vise à réprimer les activités sociétales et les initiatives volontaires qui pourraient contribuer aux progrès politiques et économiques de ce pays ».
Les détracteurs affirment que les nouvelles règles, et plus particulièrement celle sur le financement étranger des ONG locales, pourraient froisser les groupes de défense des droits humains critiques envers le gouvernement et provoquer une interruption des opérations humanitaires menées par ces mêmes groupes.
Le gouvernement a toutefois affirmé, dans une déclaration de septembre 2008, que les associations caritatives étaient utilisées par les activistes politiques qui travaillent sur « d’autres sujets », et non pas sur les « catastrophes nécessitant une aide et une assistance ».
Eshetu Bekele, directeur du groupe de travail national Enabling the Environment of Civil Society Organizations, a affirmé que la nouvelle législation pourrait restreindre les financements et la portée des activités menées par les associations caritatives.
« Certaines organisations sont très fragiles en termes de capacité et de structure organisationnelle », a-t-il expliqué à IRIN, à Addis Ababa. « Celles-ci pourraient être amenées à disparaître ».
Mary Robinson, ancienne Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a dit à IRIN: « Je suis très inquiète concernant cette législation. Il est regrettable qu’une législation puisse réduire le champ d’action de la société civile, car celle-ci fait partie intégrante du développement d’un pays ».
Organisme de supervision
La loi porte création d’un organisme de supervision, fixe des règles et impose une supervision pour la création de trusts et de fondations, de sociétés et d’associations caritatives. Les règles régissant la levée de fonds, l’adhésion et la gouvernance sont détaillées.
La loi prévoit également des sanctions et des pouvoirs pour enquêter sur les associations caritatives et les superviser, et limite l’activité de celles-ci dans le domaine des droits humains et démocratiques, de l’égalité des sexes ou de l’égalité ethnique, de la résolution des conflits, du renforcement des pratiques judiciaires ou de la mise en application de la loi.
Seules les associations caritatives ou sociétés éthiopiennes dont le budget est financé à hauteur de 10 pour cent maximum par des « sources étrangères » seront autorisées à œuvrer dans ces domaines.
La loi a été critiquée par Human Rights Watch, Amnesty International, la commission du développement du parlement européen, le groupe de pression de la société civile CIVICUS et le gouvernement américain.
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