Les Talibans interdisent aux filles d’aller à l’école à Swat

Publié le 6 janvier 2009 Lecture : 4 minutes.

« Ils [les Talibans] sont des sauvages et nous sommes comme un troupeau sans défense, qui n’a personne pour le protéger », a déclaré Sikander Ali, père de quatre filles, au cours d’un entretien téléphonique accordé à IRIN depuis la vallée de Swat.

Il s’exprimait en réaction à la nouvelle, annoncée par les Talibans, que les filles n’auraient plus le droit d’être instruites à compter du 15 janvier.

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La vallée de Swat (dans la province de la Frontière du Nord-Ouest), qui compte 1,8 millions d’habitants et se situe à environ 150 kilomètres au nord-est de Peshawar, est un foyer du militantisme islamiste depuis deux ans.

M.Ali, représentant des autorités publiques, avait entendu l’avertissement récent de Shah Dauran, chef adjoint du Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP) de Maulana Fazalullah, sur les ondes d’une station de radio FM clandestine.

« Il a dit que nous devions retirer nos filles de toutes les écoles (privées ou publiques) d’ici au 15 janvier 2009 au plus tard. Sinon, il a dit que les écoles seraient bombardées et que les contrevenants risquaient la mort. Il a également dit qu’ils jetteraient de l’acide aux visages de nos filles si nous ne nous pliions pas à leurs ordres, comme l’ont fait leurs homologues, en Afghanistan, il y a quelques mois ».

« On craint que les extrémistes ne mettent leurs menaces à exécution », a indiqué Ibrash Pasha, coordinateur provincial de la Coalition du Pakistan pour l’éducation (PCE).

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Si cela se produit, quelque 40 000 filles seront privées d’école, pouvait-on lire dans le journal L’Aube. Pour l’instant, les écoles sont fermées pour les vacances d’hiver et la classe ne reprendra qu’en février.

Toutefois, à la suite des menaces proférées par le TTP, l’école privée que fréquente la fille de M. Ali a rouvert et la classe a repris pour les élèves de Terminale « afin qu’ils puissent faire autant de devoirs que possible d’ici au 15 janvier, étant donné qu’ils doivent passer leurs examens de fin d’année en avril », a expliqué le père de la jeune fille.

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Contre l’éducation à l’occidentale

« Nous n’avons rien contre le fait que les filles aillent à l’école », a assuré Muslim Khan, porte-parole du TTP, au cours d’un entretien accordé à IRIN depuis un lieu non communiqué à Swat.

« Ce que nous disons, c’est que l’éducation donnée à nos filles dans ces écoles est occidentale et qu’elle n’est pas conforme aux enseignements de l’Islam. Elle ne fait que nous éloigner du droit chemin », a expliqué M. Khan, qui a arrêté l’école en Terminale et a avoué n’avoir jamais suivi de formation coranique.

« Avant de devenir ingénieurs, professeurs ou médecins, ces jeunes doivent être formés au djihad », a estimé le porte-parole du TTP, âgé de 54 ans. « Nous n’avons jamais bombardé d’école et n’avons jamais menacé de tuer les filles qui défiaient nos ordres. Nous avons également dit que les écoles primaires pouvaient rester ouvertes tant que les filles et les enseignantes observaient la “purdah” [se couvraient le corps] ».

« Il ment ; c’est du double langage », a indiqué Hazir Gul, qui dirige le Conseil participatif de Swat, une organisation non-gouvernementale (ONG) spécialisée dans le domaine de la santé. « Leurs leaders ont souvent accordé des interviews aux médias, au cours desquelles ils se félicitaient du bombardement des écoles ».

« S’ils donnent aux filles l’autorisation d’aller à l’école primaire, c’est nouveau ; c’est un volte-face total », s’est exclamé M. Ali.

Appel

Le 29 décembre, l’Association des propriétaires d’écoles privées a lancé un appel dans les pages du Shumaal, journal local, pour demander au TTP de reconsidérer son interdiction.

L’association a déclaré s’être toujours pliée aux exigences du TTP concernant la « purdah ». Les élèves filles et garçons ont été séparés, les garçons, dont l’uniforme se composait auparavant d’un pantalon et d’une chemise, portent aujourd’hui le « shalwar kameeze », et des changements ont été apportés au programme, en adéquation avec les enseignements islamiques.

« Convaincre les parents d’envoyer leurs enfants, surtout les filles, à l’école n’était déjà pas une mince affaire. Des années de travail acharné pour encourager les communautés rurales à éduquer leurs filles ont été anéanties. Cette peur va leur donner une excuse pour garder leurs filles à la maison ou pour les faire travailler aux champs ou s’occuper du bétail », a indiqué M. Pasha, de la PCE.

Peur

D’après M. Ali, la communauté entière est paniquée : « Ils vous tuent au moindre prétexte, pour vous montrer en exemple. Personne n’ose leur désobéir », a expliqué M. Ali.

Ni la police, ni l’armée, a-t-il ajouté, n’intervient ni ne les protège ; les populations se sentent complètement isolées et sans défense. Cette dernière année, le secteur de l’éducation a été gravement perturbé dans la vallée. Des couvre-feux ont été imposés sans préavis, et des écoles ont été bombardées ou incendiées.

Le pire exemple a été l’attentat perpétré à l’école publique de Sangota, en octobre. L’Héraut, un magazine mensuel d’actualité, a rapporté en août 2008 que Swat comptait 566 écoles pour filles, dont quatre établissements publics d’enseignement supérieur, 22 lycées, 51 collèges et 489 écoles primaires. Parmi ceux-ci, 131 ont été incendiés ou fermés, privant ainsi d’école 17 200 filles. Cette dernière année, plus de 150 écoles (pour filles, pour la plupart) ont été démolies (quoique en l’absence des élèves).
 

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