Incertitude dans le sillage du décès du président Conté, au pouvoir depuis 24 ans

Publié le 29 décembre 2008 Lecture : 4 minutes.

La situation de la Guinée restait en suspens le 24 décembre, un groupe de soldats ayant revendiqué le pouvoir face au gouvernement actuel, deux jours après l’annonce du décès de Lansana Conté, président du pays depuis 24 ans.

Le 24 décembre les putschistes ont instauré un couvre feu de 20h00 à 6h00. Ils se sont engagés à tenir des élections présidentielles « libres, crédibles et transparentes » en 2010, année où le mandat de M. Conté devait s’achever.

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Malade depuis plusieurs années, le président Conté, arrivé au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat, est décédé à l’heure où la Guinée fait face à une crise socioéconomique et politique, née du conflit de longue date qui déchire le pays, et aggravée par la récession mondiale.

Selon les observateurs, la question est de savoir si dans la Guinée de l’après-Conté, les griefs des populations seront entendus.

Bien qu’un groupe de soldats ait publié des communiqués par le biais des médias publics, affirmant avoir dissous le gouvernement, le Premier ministre Ahmed Tidiane Souaré ainsi que d’autres représentants du gouvernement soutiennent que celui-ci est encore intact.

« Rien n’est encore perdu », a déclaré M. Souaré sur les ondes de Radio France International le 23 décembre, ajoutant qu’il espérait que la situation reviendrait à la normale. « Aujourd’hui, pour notre pays, un coup d’Etat serait un recul de 30 à 40 ans ».

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Selon Elizabeth Côté, directrice de la branche guinéenne de la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES), à la suite des déclarations conflictuelles prononcées dans le courant de la journée, les observateurs s’attendaient à ce que des négociations soient engagées.

« En gros, il y a une grande confusion. Je ne pense pas que quiconque sache encore où cela va », a-t-elle déclaré à IRIN. « Au milieu de la nuit, il semblait qu’une approche plus constitutionnelle avait été adoptée, et puis au réveil, on entend cette déclaration de l’armée ».

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Quelques heures après la mort du président Conté, apparemment dans la soirée du 22 décembre, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale Aboubacar Somparé, et le chef d’état major avaient en effet fait une apparition à la télévision publique pour déclarer qu’en vertu de la constitution, le président de l’Assemblée prendrait le pouvoir et organiserait des élections présidentielles.

Quelques heures plus tard, un groupe militaire avait pris le contrôle de la radio et de la télévision publiques pour annoncer la dissolution du gouvernement et la suspension de la constitution.

Le mouvement a conseillé aux généraux de l’armée et aux ministres du gouvernement de se réunir à la principale base militaire de Conakry, la capitale, « pour leur sécurité ».

Mais le chef d’état major a ensuite dénoncé publiquement cette déclaration d’une prise de pouvoir militaire.

Ces deux dernières années, le pays a programmé et annulé plusieurs élections législatives ; le mandat de la législature actuelle devait s’achever l’année dernière.

La capitale en sommeil

Pour la deuxième journée consécutive, les rues de Conakry étaient quasi désertes, à l’exception de quelques soldats en patrouille. Des sources, qui se trouvent dans la capitale, ont rapporté à IRIN que la plupart des habitants restaient chez eux.

Les marchés, les écoles et la plupart des stations-service restaient fermés le 24 décembre.

Aucun tir en ville n’a été rapporté, mais selon un témoin, à Conakry, les soldats qui ont revendiqué le pouvoir sont « armés jusqu’aux dents ».

L’armée guinéenne a été secouée par des mutineries ces dernières années et selon les observateurs, on ignore l’ampleur des dissensions qui existent en son sein.

Selon Mme Côté de l’IFES, le message des soldats a sans aucun doute une « connotation sociale ».

Le groupe militaire, qui se présente sous le nom du Conseil national pour la démocratie et le développement, a dénoncé dans une de ses déclarations la corruption et les conditions de vie des Guinéens, peu d’entre eux ayant accès à l’eau, à l’électricité et aux soins de santé.

« Ce que disent ces putschistes, c’est que la Guinée a besoin d’une rupture radicale par rapport au passé, pour pouvoir changer », a dit Mme Côté, ajoutant : « En tant qu’institution, nous ne sommes jamais contents de voir un régime militaire lorsque l’objectif est de faciliter la construction d’une démocratie ».

Les citoyens guinéens espéraient une rupture radicale par rapport au passé lorsqu’ils sont descendus dans la rue au début de l’année 2007, réclamant la destitution de M. Conté. Mais bien qu’il ait été promis au peuple que ses doléances seraient entendues, le Premier ministre nommé par consensus a été démis de ses fonctions et les conditions de vie restent difficiles.

La Guinée est un pays riche en ressources minérales (elle renferme notamment les plus importantes réserves de bauxite du monde), mais une majorité de sa population vit dans la pauvreté la plus abjecte.

« La situation socioéconomique est extrêmement grave », a déclaré à IRIN Bakary Fofana, vice-président du conseil national des organismes de la société civile, le 23 décembre.

« Les gens ont déjà des difficultés à manger à leur faim ou à se faire soigner lorsqu’ils sont malades. Les écoles et les hôpitaux ne fonctionnent pas ». « Le gouvernement n’a pas su pourvoir même aux besoins les plus fondamentaux de la population. Le peuple avait perdu tout espoir ».

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