Les aveux des prisonniers soutirés par la torture

Publié le 18 décembre 2008 Lecture : 3 minutes.

Jusque récemment, les forces de sécurité mauritaniennes avaient recours à la torture pour soutirer des aveux aux détenus, notamment à la privation de sommeil, aux brûlures de cigarettes, à la suspension à une barre de métal, aux chocs électriques, à la violence sexuelle, aux coups et blessures et aux maltraitances psychologiques, selon Amnesty International (AI).

L’organisme de défense des droits humains, qui s’est rendu dans les prisons de Nouakchott, la capitale, et de la ville portuaire de Nouadhibou (nord-ouest) en février et juillet 2008, affirme que les détenus y sont systématiquement torturés.

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Les détenus interrogés [par Amnesty] étaient des terroristes présumés, des civils et des soldats accusés de fomenter un coup d’Etat.

Selon les chercheurs d’Amnesty, ces actes de torture présumés sont perpétrés le plus souvent lorsque les prisonniers sont détenus pour une durée indéterminée dans des casernes, des postes de police ou des résidences privées, souvent sans pouvoir prendre contact avec leurs familles ou leurs conseillers juridiques.

Un changement à l’horizon ?

Selon Lemine Dadde, président de la commission publique pour la défense des droits humains, formée récemment, les dirigeants qui ont pris le pouvoir à la suite du coup d’Etat sont déterminés à apporter un changement au passé violent et autoritariste de la Mauritanie.

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Depuis l’indépendance, en 1960, et jusqu’à l’élection, en 2007, du président déchu Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, la Mauritanie avait été gouvernée par une série de dirigeants militaires.

« Nous ne saurions être tenus pour responsables d’actes commis sous les régimes précédents. Ces visites [les visites d’Amnesty dans les prisons mauritaniennes] ont eu lieu avant le changement de régime [le 6 août]. Je me rendrai personnellement dans les prisons pour vérifier la véracité de ces allégations », a indiqué M. Dadde à IRIN. « Non pas parce que nous obéissons à Amnesty International, mais bien parce que le respect de la dignité humaine est notre volonté politique ».

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Toutefois, les opposants au putsch militaire du 6 août ont fait savoir à IRIN que les maltraitances infligées aux prisonniers étaient plus graves depuis le changement de régime, et qu’elles n’étaient pas sans rappeler les violences généralisées, perpétrées sous le régime de Maaouiya Ould Taya, de 1991 jusqu’à son renversement, en 2005.

« J’ai été gravement et sauvagement passé à tabac par 15 officiers de police, jusqu’à ce que je perde connaissance, pour avoir manifesté pacifiquement contre le coup d’Etat », a raconté à IRIN Isselmou Ould Efnine, 32 ans. « Plus tard, à l’hôpital, j’ai découvert que j’avais le bras cassé et une blessure à la tête ».

Le 30 septembre 2008, Mohamed Lemine Ould Moulaye Zeine, gouverneur de Nouakchott, a interdit les manifestations politiques, pour des raisons de sécurité.

Interrogé sur les procédures judiciaires qu’il avait engagées, M. Ould Efnine a répondu : « Pour l’instant, je ne peux pas porter l’affaire devant les tribunaux, car il n’y a pas de justice dans mon pays ».

Impunité

Bien que certains prisonniers aient porté plainte auprès des tribunaux, pour demander réparation de ces actes de torture présumés, aucune enquête n’a été ouverte, à la connaissance des auteurs du rapport d’Amnesty, intitulé « Mauritanie : la torture au coeur de l’Etat ».

Depuis le coup d’Etat, la situation s’est aggravée en matière de droits humains, a expliqué Aminetou Mint Moctar, présidente de l’Association des femmes chefs de famille.

« Les leaders d’opinion sont enfermés dans les mêmes prisons que les tueurs et les dealers. Ils se font importuner et agresser par ces criminels », a-t-elle dit, ajoutant : « D’anciens ministres [incarcérés] sont mal traités et les terroristes présumés sont constamment torturés parce qu’ils demandent à prier ».

Avocat spécialiste des droits humains et membre de l’Association mauritanienne des droits de l’Homme, Limam Ould Cheikh a expliqué à IRIN que le pendule des droits humains avait lentement régressé vers l’autoritarisme, caractérisé par le régime de l’ancien président Ould Taya. « En réalité, la situation n’a guère changé depuis le temps [du président] Ould Taya. Seulement, [à l’époque,] les maltraitances étaient cachées ».

M. Cheikh a expliqué à IRIN qu’en mai 2007, il avait représenté une dizaine d’hommes, accusés d’entretenir des liens avec des organisations terroristes ; selon l’avocat, plusieurs d’entre eux lui ont raconté qu’on les avait battus pour les forcer à avouer.

M. Cheikh a ajouté qu’en dépit du code pénal d’août 2007, qui interdit le recours à la torture pour obtenir des aveux, la situation ne semble guère avoir changé en Mauritanie. « La seule différence depuis l’époque [du président] Ould Taya, c’est qu’aujourd’hui, vous voyez des manifestants politiques se faire tabasser à la télévision. Les mauvais traitements infligés aux prisonniers, autrefois cachés, ont été dévoilés au grand jour ».

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