Entre le Maroc et l’Algérie, la CAN 2025 au coeur d’une nouvelle controverse
Il y a fort à parier que les propos de Fouzi Lekjaâ au sujet de la prochaine CAN occuperont les discussions du comité exécutif de la CAF qui se réunit à Rabat le 7 juillet pour évoquer l’organisation des prochaines compétitions. En Algérie, la polémique ne faiblit pas.
Il aura suffi d’une toute petite phrase, prononcée lors d’une séance au Parlement le 27 juin dernier par le ministre du Budget et président de la Fédération royale marocaine de football, Fouzi Lekjaâ, pour allumer la mèche en Algérie.
En déclarant que le stade de Fès aura l’honneur d’accueillir les matchs de la prochaine Coupe d’Afrique des Nations (CAN) en 2025, Fouzi Lekjaâ s’est attiré les foudres de son voisin de l’Est. De nombreux médias et commentateurs ont accusé le Maroc de s’approprier de fait l’organisation de sa compétition alors que celle-ci n’a pas été officiellement tranchée par les instances de la Confédération africaine de football (CAF).
Pourtant, la formulation exacte employée par le président de la FRMF n’était pas aussi assertive : « La ville de Fès possède un grand complexe d’une capacité de 40 000 places, a-t-il déclaré à la Chambre des représentants. Et, Incha’Allah [sic], ce complexe aura l’honneur d’accueillir, l’organisation de la CAN 2025, quand notre pays la recevra. »
Terrain d’affrontement
Qu’importe : médias et internautes réclament des sanctions à l’égard du président de la FRMF voire, pour certains, sa suspension. Le célèbre commentateur de la chaîne beIN Sports, Hafid Derradji, connu pour ses prises de positions hostiles au Maroc, a réclamé à la Fédération algérienne de football (FAF) de retirer sa candidature de l’organisation de la CAN 2025. Des médias algériens assurent d’ailleurs que la CAF aurait été saisie en interne par l’Algérie, qui réclamerait des explications, tout en dénonçant l’influence qu’aurait le Maroc au sein de l’institution.
Cette nouvelle polémique intervient alors que le comité exécutif de la CAF se réunit à Rabat vendredi 7 juillet pour évoquer, justement, l’organisation des prochaines CAN 2025 et 2027. Selon nos informations, l’Algérie se serait en réalité résignée à l’idée de ne pas obtenir l’organisation de l’édition 2025, et concentrerait désormais tous ses efforts sur celle de 2027, à laquelle elle est aussi candidate.
Depuis qu’ils ont rompu leurs relations diplomatiques au mois d’août 2021, le football est devenu l’un des terrains sur lesquels s’affrontent les deux voisins du Maghreb. Une guerre d’influence et de communication, dans laquelle chaque partie se rend coup pour coup.
Sous influence
Figure bien connue au Maroc, Fouzi Lekjaâ est aussi le visage du football marocain à l’échelle internationale. S’il favorise assez largement l’action en coulisse et ne s’exprime généralement pas beaucoup, le président de la FRMF fait tout de même régulièrement les frais de la brouille entre le Maroc et l’Algérie. À la fois membre des comités exécutifs de la CAF et de la Fifa et entretenant de bonnes relations avec leurs présidents respectifs, Patrice Motsepe et Gianni Infantino, Lekjaâ occupe dans l’écosystème footballistique, en particulier à l’échelle continentale, une place qui agace ses détracteurs.
Une récente photo postée par Gianni Infantino le 3 juillet dernier, sur laquelle ce dernier revêt un maillot de la sélection nationale marocaine a parachevé, en Algérie, d’imposer l’idée selon laquelle les institutions du football seraient sous influence marocaine.
Au mois de janvier, les autorités algériennes avaient refusé de délivrer une autorisation de vol à l’équipe nationale marocaine, censée disputer le Championnat d’Afrique des nations (Chan) qui se déroulait sur leur sol. Tenants du titre, les Lions de l’Atlas avaient été contraints de renoncer à leur participation à la compétition. Un autre incident avait également entaché l’évènement. Lors de la cérémonie d’ouverture, Alger a fait intervenir Mandla Mandela, petit fils de Nelson Mandela et ardent défenseur du Front Polisario. Lors de son intervention, celui-ci a appelé à « lutter pour libérer le Sahara occidental de l’oppression », qualifiant ce territoire de « dernière colonie d’Afrique » et provoquant la colère de la FRMF, qui a aussitôt saisi la CAF.
Amendement
De son côté, la fédération algérienne de football n’aurait jamais pardonné à Fouzi Lekjaâ d’avoir fait passer, en 2021, un amendement pour modifier le fonctionnement de la CAF. Auparavant, l’article 4 de son règlement stipulait que « la Confédération africaine de football est ouverte à toutes candidatures d’associations nationales africaines comme représentants officiels gérant le football dans leurs pays respectifs ». Avec le nouvel amendement, seuls les États reconnus par l’ONU sont autorisés à intégrer l’organisation.
L’objectif recherché – et atteint – par Lekjaâ était d’interdire l’accès à la CAF à la République arabe sahraouie démocratique (RASD), l’entité gouvernementale autoproclamée du Front Polisario et non reconnue par l’ONU ainsi que par la très large majorité de la communauté internationale.
Étonnamment, cet amendement avait été voté à l’unanimité, y compris par le président de la fédération algérienne de l’époque, Kheïreddine Zetchi. Ce dernier n’aurait en effet pas fait attention au contenu du texte qu’il votait, provoquant ainsi son limogeage quelques mois plus tard, après avoir essuyé de nombreuses critiques. Selon les informations de notre confrère Africa Intelligence, le nouveau président de la FAF, Djahid Zefizef, s’activerait en coulisse pour tenter d’intégrer la RASD à la CAF, sans succès jusqu’à présent.
À l’approche de l’attribution de l’organisation de la Coupe du monde 2030, à laquelle le Maroc est candidat aux côtés du Portugal et de l’Espagne, Fouzi Lekjaâ en a conscience, les prochains mois risquent encore d’être agités.
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