Quartett ou l’érotisme sous le prisme africain

Avec la mise sur scène de la version africaine de la pièce « Quartett », le metteur en scène ivoirien Fargass Assandé a eu l’audace de raconter l’érotisme, touchant ainsi un domaine peu exploré par les professionnels de l’art dramatique en Afrique, a constaté l’Agence de Presse Africaine, en marge du Festival « Émergences », qui bat son plein à Niamey.

Publié le 14 mars 2009 Lecture : 2 minutes.

Réécriture des « Liaisons dangereuses » de Choderlos de Laclos, « Quartett » est une pièce de théâtre écrite en 1980 par le Franco-Allemand Heiner Müller (1929-1995), et subtilement jouée par Odile Sankara, Fargass Assandé, Mbilé Yaya et Ibrahim Abba.

La scène s’ouvre avec une lumière chatoyante, faisant découvrir un discret salon dans lequel trônent deux fauteuils d’un design lointain et une table garnie d’une bouteille de vin rouge. Le décor renvoie ainsi à une période de l’Europe des Lumières, au fond de la maison d’une bourgeoisie occidentale. Puis, au détour d’une fine musique, apparaissent deux femmes en rouge pourpre, flanquées de deux hommes, habillés en chemises blanches, pantalons noirs, fouet en mains et chaussés de bottes en cuir. S’ensuit une conversation voluptueuse entre La Marquise de Merteuil et Le Vicomte de Valmont, les principaux personnages de cette pièce, et dont les rôles sont interprétés par alternance par les quatre comédiens.

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Amour, dépravation, jalousie, volupté et orgueil décorent le dialogue entre les deux personnages, à la fois complices et ennemis, mais se distinguant dans l’usage d’un lexique des plaisirs charnels. « Trahie » et diminuée par son amant, La Marquise décide d’utiliser Le Vicomte pour se venger. Tour à tour, les comédiens pénètrent le texte de Heiner, feignant à tout bout de phrase l’acte sexuel, enrobé de gémissements qui se détachaient de la scène d’où les acteurs valsent voluptueusement. Le Vicomte, muni d’un fouet dont il ne se sert jamais, se lance dans une satire de notre société, où comme pense Valmont « la fidélité est le plus sauvage des dérèglements ». Par ailleurs, les personnages s’interrogent sur l’emprise de l’homme sur ses pulsions sexuelles et passions, qui « sont très souvent à l’origine de notre trépas ».

La pièce se referme lorsque ces deux partisans de plaisirs charnels savourent du vin rouge empoisonné. Chose inédite sur une scène africaine, le registre des mots exhibe des actes comme « sodomie, masturbation, éjaculation, fellation », autant de vocables qui heurtent la morale. Et à juste titre d’ailleurs, car « je veux provoquer, faire baisser les masques », confie à APA Fargass Assandé, indiquant que « ce sont des choses que nous faisons, mais qu’on a souvent peur d’assumer ». « J’étais en quête d’un texte (…).

En Afrique, le corps est célébré. Le soir, on voit au village ces filles qui dansent, faisant trémousser leurs corps. Miraculeusement, c’est aussi le lieu où le corps est sacralisé, au point d’en faire un tabou inviolable », poursuit le metteur en scène ivoirien. L’adaptation de « Quartett » ne participe pas d’une intention « pernicieuse pornographique », mais plutôt « d’un souci de faire assumer à chacun ce que lui-même fait, mais dont il ne parle jamais », se défend Fargass. Cette pièce, dit-il, est un jeu dramatique, dont la finalité est d’amener le spectateur à se sentir concerné. C’est une satire de la « morale moralisante ».

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