Fatoumata Sissoko-Sy (IFC) : « Pour attirer le privé, misons sur des combinaisons de prêts »

Partenariat avec Africa50, promotion des PPP, élaboration d’un cadre réglementaire… La responsable des infrastructures pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale de la Société financière internationale dévoile ses recettes pour faire avancer le continent.

La Franco-Malienne a passé huit ans au sein de Proparco, la filiale de l’AFD consacrée au secteur privé. © NADI JESSICA

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Publié le 19 août 2023 Lecture : 4 minutes.

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Infrastructures : comment répondre aux défis du financement ?

Les difficultés d’accès aux crédits mettent en péril les projets d’infrastructures dont le continent a tant besoin. Pourtant, des solutions existent.

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Lomé, Abidjan, Dakar, Bamako. En moins de deux semaines, Fatoumata Sissoko-Sy a parcouru ces quatre capitales de l’Afrique de l’Ouest pour assurer le suivi des projets financés par la Société financière internationale (IFC). Depuis novembre 2022, elle est la directrice infrastructures et ressources naturelles pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale de la filiale de la Banque mondiale consacrée au secteur privé. Passée par Proparco, la filiale de l’Agence française de développement (AFD), au sein de laquelle, en huit ans, elle a gravi tous les échelons, elle reste avant tout une femme de terrain.

À Lomé, le 4 juillet, dans le cadre du forum Infra for Africa, au cours duquel elle a pris la parole, elle a été sollicitée par des acteurs du secteur privé, qui ont saisi cette occasion pour défendre leurs projets. Entretien.

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Jeune Afrique : Vous venez de participer à Lomé à la première édition d’Infra for Africa, un sommet spécifiquement consacré au financement des infrastructures organisé par Africa50. Pourquoi cette initiative est-elle nécessaire ?

Fatoumata Sissoko-Sy : Elle est la bienvenue dans un contexte de déficit du financement des infrastructures en Afrique. Nous partageons l’ambition portée par Africa50 d’accélérer la mobilisation des ressources privées. Nous partageons la même vision lorsqu’il s’agit de relever les défis du financement des infrastructures en Afrique.

Ce forum est une réussite parce qu’il a démontré que les institutionnels africains étaient prêts à accompagner Africa50. Les différents panels ont permis des échanges ouverts et de nourrir une réflexion collective sur les outils, les moyens, le niveau d’accompagnement technique et la manière dont nous travaillons à améliorer la rentabilité des projets d’infrastructures.

Comment Africa50 et IFC travaillent-ils de concert sur le continent ?

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Nous intervenons conjointement sur plusieurs projets, dont la construction de la centrale hydroélectrique de Nachtigal au Cameroun. Ma participation au forum de Lomé est une manifestation de notre intérêt et de notre disponibilité à accompagner cette institution sœur sur le financement des infrastructures en Afrique.

Quel est le bilan d’IFC pour le financement des infrastructures en Afrique ?

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Notre année fiscale s’est achevée le 30 juin, et nous avons atteint un montant record de financements de 2,6 milliards de dollars à destination de projets d’infrastructures à fort impact sur le continent. Cela est en accord avec notre ambition, qui est d’accroître notre impact au niveau des financements des projets qui permettent au plus grand nombre d’accéder aux biens et services essentiels, notamment l’eau, les services, les transports et la réduction de la fracture numérique. Ce dernier point, à lui seul, a représenté 1,65 milliard de dollars de financement dans des pays tels que le Tchad, le Niger, la RDC, Madagascar…

Mais nous devons aller plus vite et plus loin. Nous nouerons, bien entendu, des partenariats solides avec les acteurs du développement, et Africa50 est l’un de ces acteurs clés. Nous continuerons à collaborer avec eux sur des projets privés permettant de combler le déficit d’infrastructures en Afrique.

IFC fait la promotion des partenariats public-privé (PPP) en Afrique. Que pensez-vous de ce modèle pour attirer les capitaux privés ?

Le PPP est un modèle qui a fait ses preuves. Il est efficace pour attirer des capitaux privés vers les infrastructures. Cela permet aux États de réduire la charge sur les finances publiques en attirant les investissements privés, et de mobiliser des ressources financières supplémentaires. C’est une allocation des risques optimale entre les secteurs public et privé, qui permet l’amélioration de la qualité et de l’efficacité des services d’infrastructures, car les entreprises du secteur privé sont incitées à fournir des services de haute qualité afin de maximiser leur retour sur investissement. Dans les PPP bien structurés, il y a un transfert d’expertise avec l’entité locale. C’est un point sur lequel j’insiste, car l’objectif est aussi de contribuer au développement des industries locales, du capital humain local et des capacités institutionnelles du pays.

Quels sont les autres leviers pour attirer le secteur privé vers le financement des infrastructures ?

En établissant des cadres politiques et réglementaires qui favorisent la participation du secteur privé dans les infrastructures. En structurant les projets d’infrastructures pour les rendre plus attrayants pour les investisseurs privés.

L’expertise d’IFC dans la préparation des projets contribue à renforcer la confiance des investisseurs et à faciliter la participation du secteur privé. Ces projets impliquent souvent plusieurs risques, notamment réglementaires, environnementaux, sociaux et financiers. Grâce à la combinaison de prêts concessionnels avec des financements commerciaux venant d’institutions d’aide au développement et d’autres ressources privées, IFC permet d’atténuer les risques dans les marchés émergents difficiles, et d’attirer des investissements privés là où ils ne seraient pas allés.

Dans un contexte de raréfaction du crédit, les conditions pour financer les projets ne sont-elles pas encore plus difficiles à réunir ?

Effectivement, c’est un défi à relever, et c’est là qu’IFC trouve toute sa place. C’est en cela que nous sommes contracycliques. Quand c’est difficile, IFC doit jouer un rôle plus important encore – un rôle moteur pour élargir et augmenter, sur le long terme, l’accès au financement des projets.

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