Au Kenya, le duel entre William Ruto et Raila Odinga tourne aux manifestations violentes
C’est la troisième fois depuis début juillet que l’opposition organise des rassemblements, qualifiés de « menace à la sécurité nationale » par le gouvernement, pour protester contre la hausse des prix et la mise en place de nouvelles taxes. La précédente journée d’action, le 12 juillet, avait fait au moins neuf morts et provoqué plus de 300 arrestations.
La police a dispersé ce 19 juillet, avec des gaz lacrymogènes, des manifestants rassemblés à l’appel de l’opposition dans plusieurs villes du Kenya contre la hausse des prix et de nouvelles taxes du gouvernement, qui a promis de répondre fermement à tout débordement.
De précédentes journées de mobilisation, en mars, avril et juillet, avaient donné lieu à des pillages et des violences qui ont fait au moins une vingtaine de morts. Cette fois, la coalition Azimio, menée par le vétéran de l’opposition Raila Odinga, a appelé à trois journées de mobilisation les 19, 20 et 21 juillet contre la politique du président William Ruto, qu’il accuse d’avoir volé la présidentielle d’août 2022 et d’aggraver la hausse du coût de la vie dans ce pays d’Afrique de l’Est.
« Nous appelons les Kényans à […] reprendre leur pays avant que cette dictature ne s’enracine fermement », a déclaré le 18 juillet Azimio dans un communiqué. Pour le gouvernement, ces manifestations ne sont « rien d’autre qu’une menace à la sécurité nationale ».
Villes à l’arrêt
Quelques échauffourées ont eu lieu mercredi 19 au matin, notamment dans le bidonville de Kibera, fief d’Odinga dans la capitale Nairobi, où la police a fait usage de gaz lacrymogènes, a constaté un journaliste présent sur place. Des médias kényans rapportaient également des tirs de gaz lacrymogènes dans les deux autres principales villes du pays, Mombasa (Sud-Est) et Kisumu (Ouest), autre bastion d’Odinga.
Placées sous haute surveillance, ces trois villes, où le gouvernement a ordonné la fermeture des écoles publiques, tournaient au ralenti le 19 juillet. À Nairobi, les rues habituellement animées étaient vides et de nombreux commerces avaient décidé de garder leurs rideaux baissés, ont observé des journalistes.
« Aujourd’hui, il n’y a aucune activité. […] Personne ne se déplace », se navre Daniel Njau Kamau, chauffeur de taxi de 48 ans, dans le centre d’affaires de la capitale kényane. « Les manifestations ont grandement affecté ma vie, je ne peux pas aller travailler librement », souligne de son côté Monica Njoki, une commerçante de 45 ans, espérant que ces rassemblements « cessent ». « Nous devons donner au président le temps de tenir ses promesses », estime-t-elle.
Élu en août 2022, en promettant de soutenir les plus défavorisés, William Ruto est de plus en plus critiqué, notamment depuis qu’il a promulgué début juillet une loi instaurant de nouvelles taxes, venues ajouter aux difficultés quotidiennes des Kényans, causées notamment par une inflation continue (8 % sur un an en juin).
« Niveaux élevés de violence »
C’est la troisième fois depuis le début du mois de juillet que l’opposition organise de telles journées d’action. Lors de la précédente, le 12 juillet, des rassemblements, interdits par les autorités, avaient été émaillés de pillages et d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Au moins neuf personnes avaient été tuées et plus de 300 arrêtées. La police, qui avait tiré à balles réelles, a été vivement critiquée pour sa répression contre les manifestants.
Mardi 18 juillet, le ministre de l’Intérieur, Kithure Kindiki, a assuré que les autorités avaient déployé « toutes les ressources disponibles » pour s’assurer que les scènes « dont nous avons été témoins […] ne se reproduisent pas ». L’ONG Human Rights Watch a exhorté le même jour les autorités kényanes à protéger le droit des citoyens à manifester pacifiquement.
Treize pays occidentaux, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, ont exprimé mardi dans une déclaration commune leur inquiétude face aux « niveaux élevés de violence » lors des dernières manifestations, incitant les différentes parties à « résoudre pacifiquement leurs différends ».
« Ce serait mieux que nos dirigeants s’assoient, discutent et résolvent ce problème », a abondé Peter Kajinji, un homme d’affaires de 62 ans, à Nairobi. Selon une alliance kényane du secteur privé (Kepsa), chaque journée de mobilisation fait perdre l’équivalent de 3 milliards de shillings (environ 19 millions d’euros) à l’économie du pays.
(Avec AFP)
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