Après l’UE, Meloni veut mettre l’Afrique à l’agenda de l’Otan

Alors que se tient à Rome un « sommet sur la migration », la présidente du Conseil italien tente de convaincre ses alliés de renforcer l’Alliance atlantique sur le continent, pour tenter d’endiguer les départs clandestins vers l’Europe.

Le président tunisien Kaïs Saïed accueille la Première ministre italienne Giorgia Meloni au palais présidentiel de Tunis, le 16 juillet 2023. © Tunisian Presidency/Anadolu Agency via AFP

Publié le 23 juillet 2023 Lecture : 4 minutes.

L’Italie, en Europe, n’a plus qu’un seul visage : celui de la présidente du Conseil Giorgia Meloni qui, moins d’un an après sa prise de fonction, abat ses cartes. Décidée à redorer le blason international d’une péninsule éreintée par des années de crises politiques, la cheffe du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia voit grand et va vite. Cheville ouvrière du mémorandum d’entente sur un partenariat global complet conclu, le 16 juillet, entre l’Union européenne (UE) et la Tunisie, elle marque des points, bien décidée à être celle qui redessinera les rapports européens avec la rive sud de la Méditerranée.

Sa recette est simple : reproduire, en l’ajustant si besoin, la démarche entamée avec la Tunisie ou plus spécifiquement avec le président Kaïs Saïed. Désormais dans sa ligne de mire, selon un député européen, le Maroc et l’Égypte. Logique puisque, contrairement aux idées reçues, les migrants irréguliers les plus nombreux en Italie sont Égyptiens, et que le Caire refuse le retour forcé de ses ressortissants. Les Marocains sont aussi en bonne place au point que pour les Italiens, les migrants aux traits maghrébins sont appelés, sans distinction, « marocchini ».

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Retour sur investissement

Or Giorgia  Meloni va peut-être trop vite. Au sommet de l’Otan, les 11 et 12 juillet à Vilnius (Lituanie), elle a été on ne peut plus directe en martelant qu’il fallait « maintenant renforcer l’Otan en Afrique et au Moyen-Orient ». Celle qui s’était distinguée en approuvant sans conditions l’élargissement du Pacte atlantique et un soutien militaire à l’Ukraine attend maintenant un retour sur investissement. Elle veut agir à travers l’Otan comme elle l’a fait avec l’Union Européenne pour le mémorandum.

Son argument est simple : elle demande à ses alliés de l’alliance militaire occidentale de ne pas se focaliser uniquement sur les évènements se déroulant à l’est, mais de s’intéresser aussi au sud. Essentiellement à l’Afrique, où elle estime que les Russes et les Chinois ont pris le pas sur l’Europe. Elle accuse aussi le continent d’être le point de départ vers l’Italie d’une majorité de migrants irréguliers, mais reconnait qu’il est également fournisseur de matières premières et de ressources énergétiques indispensables à la croissance.

Contexte européen favorable

Quatre jours après la sommet de l’Otan, elle assiste à la signature du mémorandum à Carthage. Puis, le 18, elle est à Bruxelles et évoque avec le secrétaire général de l’alliance militaire, Jens Stoltenberg, « la réponse de l’Otan face aux défis tous azimuts, incluant le terrorisme et l’instabilité sur le front du sud ». Pour Meloni, l’important est qu’il reconnaisse le rôle important de l’Italie dans la défense des frontières de l’alliance. La présidente du Conseil avance ses pions dans un contexte européen qui lui est favorable. Elle profite des difficultés de la France d’Emmanuel Macron, de la démission du chef du gouvernement néerlandais, Mark Rutte, des élections espagnoles du 23 juillet, de celles à venir en Pologne en automne…

On pourrait penser alors qu’à ses yeux, la question tunisienne est close. Ce n’est visiblement pas le cas : son ministre des Affaires étrangères, Antonio Tajani, qui dirige Forza Italia depuis la mort de Silvio Berlusconi, a alerté, le 20 juillet, sur les risques de repli de la Tunisie qui entrainerait une déstabilisation régionale, une explosion migratoire avec une présence russe et chinoise accrue dans la région. Curieux discours mais qui à coup sûr fait mouche auprès des populistes européens et d’une partie du monde des affaires.

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« Effet boomerang »

Toute à son ambition de s’imposer comme un leader incontournable en Europe, en particulier sur les questions concernant les relations de l’Union avec le sud et l’Afrique, Georgia Meloni poursuit sa marche forcée, convoquant ce 23 juillet à Rome un « sommet sur la migration » qui, avant même sa tenue, faisait déjà hurler certaines organisations de défense des droits de l’homme. La dirigeante italienne doit aussi composer avec la détermination de la Hongrie et de la Pologne, qui s’opposent au principe de relocalisation des migrants prévu par le pacte de migration et d’asile dont elles ont bloqué l’adoption au Conseil européen fin juin.

« Elle n’arrêtera pas la migration et subira un effet boomerang de toute cette agitation. Elle est clivante à force de ne douter de rien et fait prendre à l’Italie une position de colonisateur qui la désavantage dans le voisinage. Meloni devra assumer cette responsabilité surtout que sa conquête de l’Afrique n’est pas acquise et nécessitera beaucoup d’argent », commente de son côté un ancien diplomate européen.

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D’autres dénoncent une fuite en avant et déplorent l’aveuglement d’une partie des responsables européens face, notamment, au changement climatique qui provoque des mouvements massifs de populations difficiles à freiner. Pas de quoi troubler les autorités italiennes, apparemment. Le 20 juillet, le diplomate Pietro Benassi, ancien représentant permanent de l’Italie auprès de l’UE répétait à son tour dans les médias : « Notre expansion en Méditerranée est essentielle, et pas uniquement à l’égard de l’urgence migratoire. »

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