Boubacar Joseph Ndiaye, un homme qui symbolisait à lui seul l’île Gorée

APA-Dakar (Sénégal) Située à 3 km au large de Dakar, l’île de Gorée et sa Maison des esclaves perdent en Boubacar Joseph Ndiaye, rappelé à Dieu vendredi à l’âge de 87 ans, un combattant acharné de la reconnaissance de son histoire singulière et de la réhabilitation de la mémoire des peuples noirs.

Publié le 7 février 2009 Lecture : 3 minutes.

Plus que quiconque, Gorée doit sa renommée de lieu de mémoire à l’action résolue de Boubacar Joseph Ndiaye, qui a contribué avec passion à faire connaître l’histoire singulière de cette île. Gorée a été inscrite en 1978 au Patrimoine mondial de l’UNESCO, en partie grâce à lui. Depuis qu’il a été engagé en 1962 par l’Etat sénégalais comme conservateur de la Maison des esclaves de Gorée, Joseph Ndiaye qui a été inhumé samedi à Dakar n’a jamais cessé de conter aux nombreux visiteurs, comme jamais personne n’a su le faire, l’enfer quotidien des esclaves détenus dans cette île avant d’être expédiés en Amérique. Au service d’anonymes, de célébrités, de chefs d’Etat, de têtes couronnées de toutes sortes et de tous les pays, il a usé de la pédagogie et de l’émotion des lieux pour imprimer des souvenirs indélébiles dans la mémoire des visiteurs de toutes races. Il n’a aussi jamais cessé de convaincre, grâce à cette foi inébranlable qu’il avait d’une histoire à laquelle il s’était finalement identifié, pour incarner finalement toute la symbolique liée à cette île. Pour retracer le parcours et évoquer la mémoire de l’ancien conservateur, Me Augustin Senghor, maire de Gorée, s’est fait fort de lier un symbole africain partagé au symbole que constituait déjà Joseph Ndiaye, présenté par le président Abdoulaye Wade comme une des  »mémoires vivantes » de l’esclavage que le continent a subi pendant plus de trois siècles. La mémoire et l’œuvre de Boubacar Joseph Ndiaye seront à jamais préservés, perpétuées, ainsi qu’un baobab, qui ne meurt jamais, puisque même couché, il continue à renaître par ses branches, a dit l’édile de Gorée. Suivant la même idée, le président sénégalais Abdoulaye Wade a suggéré que les écrits de Boubacar Joseph Ndiaye soient enseignés dans les écoles, afin que son œuvre puisse se transmettre aux prochaines générations. Le défunt conservateur avait lui-même pris les devant pris les devant sur cette question, en publiant en 2006 aux éditions Lafon un ouvrage intitulé  »Il fut un jour à Gorée… L’esclavage raconté à nos enfants » soit  »lu et commenté dans les écoles ». Cette œuvre a été présentée par l’auteur comme  »un legs à la jeunesse et à la postérité pour une mémoire indélébile ». L’opinion oublie que Boubacar Joseph Ndiaye avait connu une autre vie, puisqu’il a servi sous les drapeaux français et combattu pour l’Hexagone un peu partout. Il a par exemple servi en Indochine entre 1947 et 1950. Né le 17 août 1922 à Rufisque (30 km à l’est de Dakar) qui avait alors le statut de commune française, Boubacar Joseph Ndiaye est issu d’une famille d’origine goréenne. Il a effectué ses études primaires à Rufisque avant de rejoindre l’Ecole professionnelle Pinet-Laprade de Dakar. Il est sorti de cette institution comme compositeur-typographe et a été un moment employé par le gouvernement général de l’époque. Cette trajectoire donne tout son sens aux propos du maire de Gorée qui n’a pas manqué d’évoquer le caractère trempé de l’homme et son franc-parler.  »Un homme entier », qui a  »parfois un discours militaire », a dit Augustin Senghor. Croix de guerre, Officier de l’Ordre national du Lion, Chevalier de l’Ordre national du Mérite sénégalais, Joseph Ndiaye a toujours été à la pointe du combat pour la réhabilitation de l’homme noir.  »Tonton Bouba Ndiaye » pour ses intimes,  »Pa Joe » pour la grande majorité de ses concitoyens, il a fait toute sa vie preuve d’un  »engagement sans faille », d’un  »talent indéniable » et d’une  »disponibilité à toute épreuve » dans ses missions, ont témoigné ses proches et connaissances.

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