L’éducation, seul antidote aux fake news  

Publié ce 26 juillet, le dernier rapport de l’Unesco sur l’éducation met en lumière les avantages et les risques liés à l’utilisation d’internet et des nouvelles technologies dans le domaine de l’enseignement.

Selon l’Unesco, seule la moitié environ des jeunes de 15 ans vivant dans les pays de l’OCDE est capable de distinguer un fait d’une opinion.

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  • Yoan Blanc

    Co-dirigeant de  « C’est vrai ça ? », une initiative citoyenne indépendante qui réunit de simples particuliers animés par l’envie de lutter contre les fake news.    

Publié le 26 juillet 2023 Lecture : 4 minutes.

Dans son nouveau rapport mondial sur l’éducation et les technologies, publié le 26 juillet, l’Unesco s’interroge sur les avantages et les risques que présentent les nouvelles technologies pour l’enseignement du futur. Selon ce texte, seule la moitié environ des jeunes de 15 ans vivant dans les pays de l’OCDE est capable de distinguer un fait d’une opinion. Avec l’avènement de l’intelligence artificielle (IA), le rôle des enseignants est plus que jamais crucial. Ce sont en effet les professeurs qui apprennent à leurs élèves à développer une pensée critique et être autonomes, deux qualités indispensables si l’on veut utiliser les nouvelles technologies.

Manque de confiance dans la presse

On l’a vu ces dernières années, les campagnes de désinformation et les théories complotistes ont pris de l’ampleur. S’il est inquiétant de voir l’impact, parfois morbide, de ces fake news, il faut aussi s’interroger sur la perméabilité des populations à ces théories et sur le manque d’éducation aux technologies, qui poussent certains à penser que « si c’est sur internet c’est que c’est vrai ». Une situation préexistante, qui a facilité l’adhésion des populations. Les campagnes de désinformation n’ont pas eu le succès qu’on leur connaît uniquement en raison d’une conjoncture. La pandémie de Covid-19 n’a été qu’un catalyseur, qui a aggravé un incendie qui couvait depuis bien longtemps en raison de plusieurs facteurs, lentement apparus.

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Comme on a pu le lire dans le dernier rapport de RSF, la liberté de la presse est mise à mal dans de nombreux pays, y compris dans ceux que l’on croyait démocratiques. La confiance des populations dans la presse n’a jamais été aussi faible, et le travail des journalistes est souvent dénigré, alors qu’il est le fondement d’un régime démocratique en bonne santé.

Le terrain médiatique s’est polarisé, ces dernières années. Il favorise l’idéologie et les punchlines au détriment des débats de fond portant sur des sujets de société. Difficile d’expliquer la flambée des fake news. La population générale ne maîtrise que très peu le fonctionnement des réseaux sociaux, et prend parfois pour argent comptant des publications faussement sourcées, ou ouvertement complotistes.

Contenus « clivants »

La raison principale de la « viralité » des fausses informations est le manque d’esprit critique. Une partie de la population ne sait pas analyser les informations portées à sa connaissance. Les réseaux sociaux sont le vecteur de propagation favori des complotistes et des désinformateurs. Ils permettent une diffusion rapide et massive grâce à leurs fonctions de partage et à leurs algorithmes, qui mettent en avant des contenus « clivants », générateurs de réactions (plus l’émotion est vive, plus « virale » sera l’information).

Se pose également la question de la modération de ces réseaux sociaux, qui est au mieux défaillante, au pire inexistante. Elle repose essentiellement sur des signalements d’usagers, avec un risque d’effet de meute (milice). Ces mêmes signalements seront traités par des personnes bien souvent non francophones, ce qui peut conduire à des situations ubuesques, où des contenus ouvertement racistes peuvent être maintenus.

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Pis, la suppression de contenu se fondant parfois sur le nombre de signalements, l’on voit régulièrement des comptes ou des publications de journalistes ou de fact-checkers supprimés ou suspendus à la suite de campagnes massives de signalements.

Des initiatives citoyennes, complémentaires au travail de la presse, doivent émerger pour combattre les fake news. Car, si l’arme principale des désinformateurs est la contagiosité, on peut réduire l’impact viral d’une publication en apportant rapidement des explications simples, accessibles et sourcées.

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« C’est vrai, ça ? », par exemple, rassemble une vingtaine de bénévoles au sein d’une initiative citoyenne consistant à vérifier des posts Linkedin. Avec en moyenne 10 fact-checkings par jour et 70 000 personnes qui suivent leur page, ils contribuent, en apportant un commentaire sourcé, à limiter la propagation des fausses informations, ou, à tout le moins, à aider l’esprit critique à se déployer.

Associations citoyennes

Pour endiguer en amont les vagues de désinformation, il existe une solution à la fois simple sur le papier et terriblement difficile à mettre en œuvre : l’éducation. Former les enseignants aux nouvelles technologies et à leur usage, afin qu’ils puissent transmettre à leurs élèves des méthodes de réflexion et aiguiser leur esprit critique, qu’il s’agisse des réseaux sociaux ou des outils d’intelligence artificielle qui fournissent des contenus accessibles au grand public (ChatGPT, Midjourney, etc.).

Là aussi, on pourrait imaginer des partenariats entre les établissements scolaires et les associations citoyennes afin de former les élèves à l’usage des nouvelles technologies, de les pousser à s’interroger sur ce qu’ils consultent et à utiliser les outils à leur disposition non pour consommer, mais pour réfléchir.

Internet et l’intelligence artificielle sont de  formidables outils, qui offrent des accès à l’information inédits jusque-là. Mais, comme tous les outils, ils doivent être maîtrisés. De tout temps, l’accès au savoir et à l’éducation a été un facteur d’émancipation. Autrefois, la difficulté était d’accéder au savoir pour être en mesure de contester ou de contredire des dogmes ; elle est aujourd’hui de savoir trier une masse d’informations.

Apprendre les techniques de bases de l’OSINT (sources ouvertes), à détecter des textes ou des images produits par intelligence artificielle ou encore analyser une source d’information sont des compétences accessibles dès le plus jeune âge, qui permettent d’armer l’esprit contre les manipulations.

Investir dans l’éducation et dans le développement de l’esprit critique s’impose donc plus que jamais, afin de limiter les risques de désinformation que font courir l’internet et l’intelligence artificielle. Pour y parvenir, il faut une réelle volonté politique, une gouvernance éclairée, qui prenne la mesure des risques et qui fasse adopter des normes destinées à nous protéger efficacement des fake news.

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