Pourquoi le FMI refuse de prêter à la Tunisie

Malgré un premier feu vert en octobre dernier, les négociations sont à l’arrêt à cause du refus du président tunisien d’appliquer les mesures demandées par l’institution financière. Explications.

Une allée de supermarché, alors qu’il y a une pénurie de café, de lait, de pâtes et de sucre à Tunis, la capitale de la Tunisie, le 12 janvier 2023. © FETHI BELAID / AFP

Publié le 26 juillet 2023 Lecture : 2 minutes.

Malgré un premier feu vert de l’institution de Bretton Woods en octobre dernier, les négociations avec Tunis pour un nouveau crédit du FMI de 1,9 milliard de dollars piétinent depuis fin 2022. Un accord apporterait une bouffée d’oxygène à un pays dont les difficultés croissantes inquiètent Europe et États-Unis, et déclencherait d’autres financements étrangers.

Endettée à hauteur de 80 % du PIB, la Tunisie a un besoin criant d’argent pour régler les salaires des fonctionnaires (680 000 dans l’administration centrale) et ses dépenses courantes.

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Négociations à l’arrêt

Mais Kaïs Saïed s’oppose aux « diktats » du FMI que sont, à ses yeux, deux mesures prévues pour obtenir le crédit : une levée graduelle des subventions étatiques aux produits de base, surtout sur les carburants, et la restructuration d’une centaine d’entreprises publiques criblées de dettes.

Avec une économie marquée par de faibles salaires, le pays a instauré dans les années 70 une « Caisse de compensation » à travers laquelle l’État achète des produits de première nécessité pour les réinjecter à bas prix sur le marché.

« Les négociations sont complètement à l’arrêt, c’est Tunis qui bloque », confirme l’économiste Ezzedine Saidane, soulignant que Saïed « a vu dans ces réformes des choses qui le pénaliseraient politiquement ». Le directeur du département régional du FMI, Jihad Azour, a indiqué à la mi-avril n’avoir reçu « aucune demande de Tunis pour la révision de son programme ».

Début juin, le chef de l’État a de nouveau exclu de toucher aux subventions, annonçant à la place des taxes « pour prendre l’excédent d’argent aux riches et le donner aux pauvres ». Plus simple à dire qu’à réaliser : le déficit public (8 % du PIB) provenait en totalité en 2022 des « compensations » étatiques, et aux deux tiers des subventions énergétiques après l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 qui a fait flamber les cours du pétrole.

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Pénuries

Si la Tunisie décide de se passer du FMI, peut-elle tenir ou fera-t-elle défaut en cessant de rembourser ses dettes ? Pour 2023, le pays peut faire face à des échéances estimées à 21 milliards de dinars dont 12 en devises (environ 4 milliards d’euros), grâce au tourisme, aux envois de la diaspora, aux exportations de phosphates et à la baisse du coût de l’énergie, selon les économistes.

Pour l’économiste Ezzedine Saidane, l’État tunisien « semble avoir fait le choix de privilégier le remboursement de sa dette. Mais aux dépens de l’approvisionnement en produits de base ». Ces derniers mois ont déjà été marqués par des pénuries sporadiques de farine, de riz, de sucre ou d’essence, se traduisant par des rayons vides ou de longues queues devant certains magasins.

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Par ailleurs, l’État ne peut pratiquement financer aucun nouvel investissement, ce qui condamne la Tunisie à stagner, avec une croissance faible (environ 2 %) et un chômage supérieur à 15 %. Pour financer ses dépenses, il sollicite aussi de plus en plus les banques locales, minant leur réputation à l’international : quatre d’entre elles ont vu leur note dégradée en début d’année par l’agence Moody’s.

(Avec AFP)

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