En Centrafrique, un référendum pour asseoir le pouvoir de Touadéra

Les électeurs centrafricains votent dimanche 30 juillet par référendum sur un projet de nouvelle Constitution. Celle-ci donnerait la possibilité au président Faustin-Archange Touadéra de rester au pouvoir, sans limite de nombre de mandats.

Le ministre conseiller Fidèle Gouandjika participe à un meeting du pouvoir en faveur du « oui » au référendum constitutionnel, à Bangui, le 25 juillet 2023. © Barbara DEBOUT / AFP

Publié le 27 juillet 2023 Lecture : 3 minutes.

Faustin-Archange Touadéra, bientôt « président à vie », comme le dénonce l’opposition ? La nouvelle Constitution, qui sera soumise au vote ce 30 juillet, allonge la durée du mandat présidentiel de cinq à sept ans, et supprime la limitation du nombre de mandats. Le chef de l’État, élu en 2016 puis réélu en 2020 à l’issue d’un scrutin entaché d’accusations de fraude et perturbé par les groupes armés, est accusé par l’opposition et la rébellion de vouloir se maintenir au pouvoir indéfiniment.

Les principaux partis d’opposition et organisations de la société civile, ainsi que les groupes armés rebelles, ont appelé à boycotter le scrutin, dont les résultats provisoires sont attendus sous huit jours. La Cour constitutionnelle proclamera les résultats définitifs le 27 août, selon l’Autorité nationale des élections (ANE).

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« Créer la stabilité »

« Nous sommes face à un coup d’État constitutionnel, l’objectif de la non-limitation du nombre de mandats est tout simplement le pouvoir à vie », fustige l’opposant Martin Ziguélé, président du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC).

« Cette Constitution émane de la volonté du peuple après le dialogue républicain organisé en mars 2022, soutient au contraire Évariste Ngamana, vice-président de l’Assemblée nationale et porte-parole de la majorité présidentielle. Le but recherché est de créer la stabilité au niveau des institutions et les conditions nécessaires au développement de la République centrafricaine. »

Dans les rues de Bangui, capitale d’un pays où 71 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté selon la Banque mondiale, l’urgence d’un tel référendum interroge. « Il y a les gens qui meurent, les rébellions, les braquages, les détournements d’argent. Mais le président ne pense même plus à gérer. Il veut seulement passer à son troisième mandat », peste Fios Manda, un commerçant.

Menaces, harcèlement

En septembre 2022, la Cour constitutionnelle avait infligé un revers au pouvoir en annulant la mise en place d’un Comité chargé de rédiger une nouvelle Constitution. La présidente de la Cour constitutionnelle d’alors, Danièle Darlan, avait ensuite été la cible d’une violente campagne de dénigrement par des soutiens du régime. En janvier 2023, le pouvoir l’avait finalement mise à la retraite d’office.

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Le reste de la campagne s’est déroulé dans un climat pesant. Des responsables gouvernementaux centrafricains ont menacé et harcelé des adversaires du référendum, selon Human Rights Watch (HRW), et les autorités ont interdit une manifestation de l’opposition dans la capitale.

Aucune statistique crédible ne permet de prédire l’issue du vote qui doit se dérouler dans plus de 5 400 bureaux dispersés sur un vaste territoire, où les groupes armés mènent des actions de guérilla, mais la victoire du « oui » fait peu de doute. L’opposition dénonce l’absence de fichier électoral et le manque d’indépendance des institutions chargées de garantir la régularité des résultats.

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L’ombre de la Russie

Faustin-Archange Touadéra, protégé par des mercenaires de la société de sécurité privée russe Wagner depuis 2018, a annoncé que la Russie et le Rwanda allaient « appuyer  » la sécurisation du scrutin. Un organe lié à Wagner a assuré en juillet que plusieurs centaines de ses combattants étaient arrivés sur le territoire pour assurer cette mission. Depuis quelques années déjà, l’influence de la Russie et du Rwanda s’est considérablement accrue en Centrafrique.

En 2020, alors que les plus puissants groupes armés s’étaient rassemblés pour lancer une offensive sur Bangui et renverser le régime, des centaines de mercenaires de Wagner ainsi que des soldats rwandais avaient été déployés pour sauver le pouvoir. Ils avaient repoussé les rebelles dans les zones rurales. Selon HRW, des responsables de l’ambassade de Russie en Centrafrique ont aussi rendu visite à l’ancienne présidente de la Cour constitutionnelle pour demander des conseils sur la manière de modifier la Constitution.

(Avec AFP)

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