Africa Internet Holding en force sur le continent

En à peine plus d’un an, Africa Internet Holding a lancé Jumia, sa plateforme de vente en ligne, dans six pays du continent. Et cette boulimie entrepreneuriale est loin d’être rassasiée…

L’équipe de Jumia au Nigeria. DR

L’équipe de Jumia au Nigeria. DR

Publié le 21 novembre 2013 Lecture : 4 minutes.

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Télécoms : en ordre de bataille

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C’est l’histoire de deux globe-trotteurs, « amoureux de l’Afrique » et convaincus du potentiel de l’économie numérique sur le continent. Les Français Jeremy Hodara (31 ans) et Sacha Poignonnec (33 ans), codirecteurs généraux d’Africa Internet Holding (AIH) et respectivement diplômés des écoles de commerce HEC Paris et Edhec, ont lancé depuis juin 2012 la plateforme d’e-commerce Jumia en Égypte, au Nigeria, au Kenya, au Maroc, en Côte d’Ivoire et en Afrique du Sud (sous le nom de Zando).

Celle-ci offre un choix qui va de 30 000 à 100 000 produits selon les pays, des vêtements jusqu’aux appareils électroniques. « À l’occasion de voyages, nous avons constaté une forte demande de consommation en Afrique, mais une offre très faible, explique Jeremy Hodara. Il suffit de voir dans les aéroports les passagers revenir avec des valises pleines. Nous avons estimé qu’internet était le bon canal pour pallier ce manque. »

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La société dispose de sa propre flotte de livreurs, d’une agence marketing et de centres d’appels.

Pour devenir, espèrent-ils, « le plus grand détaillant d’Afrique », les deux associés ont sollicité, fin 2011, le soutien d’Oliver Samwer, fondateur avec ses frères Marc et Alexander de la société allemande Rocket Internet. Spécialisée dans la duplication à l’international de sites à succès, cette dernière a gagné le surnom péjoratif « d’usine à clones », ce qui ne l’a pas empêchée de lever 1,8 milliard d’euros ces deux dernières années. Le holding – 100 entreprises dans 40 pays détient aujourd’hui la majorité du capital d’AIH, au côté de l’opérateur de télécoms Millicom (connu sous la marque Tigo). Discret côté chiffres, Jeremy Hodara indique seulement que sa société a investi plusieurs dizaines de millions d’euros sur le continent, principalement dans les sites Jumia.

Récompensé

Le siège parisien compte une dizaine d’employés ; c’est sur le continent que tout se passe. En deux ans, AIH y a créé environ 1 500 emplois. Ce chiffre s’explique par le fait que Rocket Internet contrôle tous les aspects de ses entreprises. Jumia, récompensé par le prix du « meilleur lancement de l’année » au World Retail Congress, à Paris en octobre, dispose de sa flotte de livreurs en complément des réseaux locaux, de son agence marketing ou de ses propres centres d’appels. Localement, l’entreprise a misé sur des têtes bien faites : le Nigérian Tunde Kehinde et le Ghanéen Raphael Afaedor, anciens de Harvard, à Lagos ; Taïbi Benhima, diplômé de HEC Paris, et Sami Louali, ingénieur des Ponts et Chaussées, à Casablanca ; ou encore la Sénégalaise Fatoumata Ba, ex-collaboratrice d’Atos Consulting, à Abidjan.

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Les deux associés peuvent aussi compter sur leur propre expertise. Jeremy Hodara et Sacha Poignonnec, qui se sont rencontrés chez McKinsey à New York, ont cumulé à eux deux, au sein du cabinet de conseil, une dizaine d’années d’expérience dans la grande distribution. « Quand on lance un site d’e-commerce, il faut savoir acheter de bons produits au bon prix, trouver un entrepôt [celui de Lagos fait 9 000 m2], gérer des stocks, organiser un service client… » détaille Jeremy Hodara.

Aujourd’hui, AIH réalise plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires par mois, avec une croissance à deux chiffres. Et le fait qu’il dépense toujours plus qu’il ne gagne n’inquiète pas ses dirigeants. Jumia est le premier site d’e-commerce visité au Nigeria et au Maroc. L’entreprise Alexa, qui fournit des statistiques sur le trafic web mondial, le classe 21e au Nigeria, sur 500, 106e au Kenya, 139e au Maroc et 139e en Côte d’Ivoire. Une notoriété qui devrait être confortée par le lancement, en août, d’une application pour les smartphones.

Diagnostic

Les risques liés à la cybercriminalité ? Pour Sacha Poignonnec, la question ne se pose pas. « Nous lançons nos business de façon à créer de la confiance, en livrant à domicile contre un paiement en espèces [entre 1,50 et 2,50 euros, gratuit au-dessus de 30 à 50 euros d’achat, selon les pays]. Après diagnostic, nous introduisons les autres moyens de paiement existants. La Côte d’Ivoire n’accepte pas encore les paiements en ligne ; ceux-ci sont faméliques au Nigeria et au Kenya, mais plus développés au Maroc », assure-t-il, pragmatique.

Constamment à l’affût de nouveaux développements, AIH a lancé en Afrique des plateformes déjà développées par Rocket Internet hors du continent, comme des services de traiteurs (HelloFood), de vente entre particuliers (Kaymu), d’annonces immobilières (Vamido) ou encore de réservation de taxi (Easy Taxi) dans une dizaine de pays africains. Une boulimie entrepreneuriale parfois raillée. Pour ses concurrents, le modèle de Rocket Internet n’est pas rentable et a pour objectif de revendre ses opérations à court terme. « J’ai un emploi pour les vingt prochaines années », assure au contraire Jeremy Hodara.

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