Alger qualifie France 24 de « chaîne poubelle » pilotée par l’Élysée

Dans un article d’une rare violence, l’agence officielle accuse France 24 d’être une chaîne hostile à l’Algérie, dont la ligne éditoriale serait directement inspirée par le pouvoir français.

Les présidents algérien et français, Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, à Alger, le 27 août 2022. © Ludovic MARIN / AFP

Publié le 28 juillet 2023 Lecture : 4 minutes.

Voilà un éditorial qui ne va pas contribuer à apaiser les relations déjà tumultueuses entre Alger et Paris. Dans un article d’une extrême violence publié jeudi 27 juillet, l’agence de presse officielle algérienne, APS, s’en prend la chaîne France 24, l’accusant de nuire à l’image et aux intérêts de l’Algérie et de recevoir ses directives de l’Élysée et du Quai d’Orsay.

Officiellement, l’APS (Algérie Presse Service) est une agence publique qui dépend du ministère de l’Information, lequel n’a plus de titulaire depuis le limogeage, mardi 20 juin, du ministre Mohamed Bouslimani. Dans les faits toutefois, l’APS est directement dirigée par la présidence de la République et sa cellule de communication, et rien ne peut être publié sans l’aval de celles-ci. Nul doute que cet éditorial reflète donc le point de vue du Palais d’El Mouradia.

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Accusations

Cet éditorial intitulé « France 24, cette chaîne poubelle » reproche à « la chaîne France 24, du groupe public France médias monde, qui supervise l’audiovisuel extérieur de la France, et de la chaîne publique TV5, de « déverser leur haine sur l’Algérie. » L’agence officielle, qui qualifie France 24 de « chaîne grossière, vulgaire, honteuse, sans aucun respect pour la mémoire des victimes », l’accuse de cibler particulièrement l’Algérie dans sa couverture des derniers incendies qui ont fait 40 victimes, notamment en Kabylie.

Répétant à plusieurs reprises sa formule de « chaîne poubelle », l’APS accuse aussi France 24 de recevoir ses « orientations sur l’Algérie », d’un des proches de l’Élysée, connu pour ses « connections » avérées avec l’organisation terroriste MAK, le mouvement séparatiste qui prône l’indépendance de la Kabylie. L’agence officielle ne précise pas qui est ce proche de l’Élysée, mais il s’agit vraisemblablement de Karim Amellal, ambassadeur, délégué interministériel à la Méditerranée. Ce dernier a été précédemment attaqué par des journaux algériens qui l’accusent d’être un des parrains du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie.

France 24 interdite depuis 2021

L’éditorial de l’APS qui qualifie encore France 24 de « chaîne du mal, du chaos et de la manipulation » lui demande ainsi de cesser « ses grossiers mensonges sur l’Algérie qui a déployé tous les moyens matériels et humains pour éteindre les incendies. » L’agence officielle rappelle que le gouvernement algérien a déployé un avion d’une capacité de 12 000 litres, six bombardiers d’eau ainsi que huit hélicoptères pour venir à bout de ces feux de forêts.

L’APS reproche à la chaîne française d’avoir axé sa couverture de ces incendies uniquement sur la Kabylie en « favorisant ainsi le jeu du mouvement terroriste MAK, de ses protecteurs et des organisations terroristes qui projettent de s’accaparer une région dont ils ont été chassés par la population qui les rejette catégoriquement. »

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France 24 reste indésirable en Algérie où elle est interdite depuis juin 2021 en raison de son « hostilité manifeste et répétée » à l’égard du pays, selon les autorités algérienne qui, à l’époque du retrait de son accréditation, avaient reproché à la chaîne « le non-respect des règles de la déontologie professionnelle, la désinformation et la manipulation ainsi qu’une agressivité avérée à l’égard de l’Algérie » dans le traitement des manifestations du Hirak.

Ce n’est pas demain que France 24 remettra les pieds en Algérie

Un an plus tôt, en mars 2020, l’ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, avait été convoqué par le ministre algérien des Affaires étrangères qui lui avait, déjà, officiellement exprimé des protestations suite à des propos jugés haineux contre l’Algérie. Une plainte devait alors être déposée à Paris contre France 24, mais l’affaire est restée sans suite.

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Tensions entre Alger et Paris

À travers l’éditorial du 27 juillet, Alger justifie le prolongement de l’interdiction et du bannissement de la chaîne française. « Le traitement honteux des incendies en Algérie conforte la décision des autorités algériennes de fermer les bureaux de cette chaîne et ce n’est pas demain que France 24 remettra les pieds en Algérie », ajoute encore l’APS.

Vendredi 28 juillet, la direction de France 24 a publié une « mise au point à la suite de [cet] article injurieux de l’agence de presse officielle algérienne », qu’elle qualifie « d’une extrême violence ». Rappelant qu’il y a des incendies dans tout le bassin méditerranéen « que France 24 couvre sans exclusive », et que « les incendies en Algérie ne sont aucunement couverts plus spécifiquement », la chaîne souligne qu’ « en tirer des conclusions politiques infondées relève d’analyses totalement déraisonnables et contraires à tout bon sens ». Concluant que « l’outrance disqualifie les auteurs de ce texte » et que « France 24 continuera, pour sa part, à rendre compte de l’actualité du monde avec professionnalisme ».

Selon nos informations, l’article de l’APS a été transmis à l’Élysée. Même s’il est peu probable que la présidence française et le Quai d’Orsay réagissent à chaud à ce pamphlet, celui-ci n’est pas de nature à contribuer à l’apaisement des relations déjà tendues entre Alger et Paris.

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