Le Tunisien Ahmed Hafnaoui, un nageur en or

Champion olympique à Tokyo en 2021, double médaillé d’or aux Mondiaux de Fukuoka, qui viennent de s’achever… Ahmed Hafnaoui, 20 ans, a bien l’intention de battre tous les records. Portrait.

Le Tunisien Ahmed Hafnaoui (médaille d’or du 800 m nage libre), entre l’Australien Samuel Short (médaille d’argent, à g.) et l’Américain Bobby Finke (médaille de bronze), aux Mondiaux de Fukuoka, le 26 juillet 2023. © Takuya Matsumoto/The Yomiuri Shimbun via AFP

Publié le 4 août 2023 Lecture : 5 minutes.

Des cris de joie stridents retentissent dans un appartement tunisois. Devant le grand écran de son salon, ce 30 juillet, la famille Hafnaoui exulte. Ahmed, « le petit », vient de remporter le 1 500 mètres nage libre aux Mondiaux de Fukuoka, au Japon. Au coude-à-coude pendant toute la course avec l’Américain Robert Finke, champion olympique et champion du monde en titre, il a fini par le dépasser de cinq centièmes de secondes. Ce qui lui permet d’afficher un temps de 14’31’’54, à un battement de jambes des 14’31’’02 du record du monde. Et c’est son deuxième titre en moins d’une semaine. Le nageur tunisien double en effet son exploit du 26 juillet, où il avait conquis l’or en 7’37’’ sur le 800 m nage libre, sa distance favorite.

« Il n’a pas nagé, il a volé sur l’eau »

Ahmed, que l’on surnomme Ayoub – son deuxième prénom –, a fait un parcours (quasi) sans faute, durant ces mondiaux, qu’il a débutés en manquant de peu l’or sur le 400 m nage libre. Ses deux médailles d’or et sa médaille d’argent le hissent, à tout juste 20 ans, parmi les stars de la natation mondiale. « Il n’a pas nagé, il a volé sur l’eau », commente l’un de ses supporters.

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C’est sur le 400 m qu’il avait déjà créé la surprise aux JO de Tokyo, en 2021. En 3′43″36 il était devenu champion olympique. Performance qu’il améliore donc en 2023 en remportant trois médailles. Le Japon semble lui porter chance. Il vient en tout cas d’y confirmer son immense talent.

« Le petit » des Hafnaoui a désormais tout d’un grand. Du haut de son 1,95 m, celui qui chausse du 48 est bien décidé à devenir un géant de la natation et à réaliser ses rêves. À 20 ans, tout lui est permis. Le jeune homme est un pur produit du circuit tunisien, dans lequel il a été introduit et suivi par son père, joueur de l’équipe de Tunisie de basket-ball, qui lui a appris à nager lorsqu’il avait 6 ans pour lui donner le goût du sport.

L’espoir de Tunis

Ahmed Hafnaoui, qui a préféré les bassins bleus au ballon orange, a été encadré par la Fédération tunisienne de natation, qui a mis à sa disposition un staff sportif et technique sans grands moyens mais attentif. À 12 ans, il intègre le programme national de natation, puis évolue au sein de l’Espérance sportive de Tunis, parallèlement à ses études au Lycée sportif de Tunis.

À 15 ans, il remporte quatre médailles aux championnats d’Afrique et, cette même année 2018, participe aux Jeux olympiques de la jeunesse, à Buenos Aires (Argentine), où il décroche une septième place au 800 m.

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Champion arabe et double champion de France, il crée l’événement aux JO de Tokyo, en 2021. Ses performances confirment qu’il doit poursuivre sa carrière à l’étranger, faute d’infrastructures et de moyens appropriés en Tunisie, comme le fit son aîné Oussama Mellouli, premier Tunisien champion olympique de natation, en 2008 (en 1 500 m nage libre), et médaillé d’or aux JO de Londres, en 2012.

Carrière américaine

Depuis l’automne 2022, le natif de Métlaoui (région minière du sud-ouest de la Tunisie) a changé de continent. Il vit et s’entraîne avec les Hoosiers, club de l’Université de l’Indiana, à Bloomington, aux États-Unis, qu’il a rejoint après l’obtention de son baccalauréat.

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Sollicité par des universités américaines, dont celles du Texas et de Californie, il a choisi celle de l’Indiana en lisant le nom d’illustres prédécesseurs, dont celui du multimédaillé olympique Mark Spitz, sur les murs du Centre aquatique de Counsilman-Billingsley, où il s’entraîne désormais tous les jours.

En moins d’un an, grâce à un encadrement très professionnel et à des conditions de travail optimales, les résultats sont là. Le premier à s’en féliciter est Luke Ryan, l’assistant-entraîneur de l’Université de l’Indiana, qui a eu le nez creux en repérant ce « garçon phénoménal » mais encore inconnu, lors d’une compétition à Monaco, en 2021.

Décrit comme « attachant », le timide Ahmed a pris de l’assurance, sans se départir de son regard espiègle, accentué par des petites lunettes cerclées, qui lui donnent des airs d’étudiant modèle. Sur le campus de Bloomington, où il loge au Willkie Hall, le jeune homme suit un cursus en management sportif et attend que le club des Hoosiers lui donne sa licence de natation pour pouvoir participer aux compétitions de la National Collegiate Athletic Association (NCAA), en local, sous les couleurs de l’Université. Ce qui ne l’empêche pas de représenter la Tunisie dans les compétitions internationales.

Avec un nouveau lieu de vie et un environnement très différent de son cocon tunisien, il a fallu à Ahmed Hafnaoui un temps d’adaptation, même s’il est très entouré. « Ce n’est pas tant le froid qui a été difficile à supporter que le fait d’échanger en anglais, une langue que je ne pratique que depuis deux ans », confie l’étudiant, qui se délecte de nourriture mexicaine et ne manque pas une occasion de « faire des paniers », pour le plaisir. « C’est bon pour moi d’être là ! » reconnaît l’athlète, qui se trouve en syntonie avec les membres de son équipe.

Objectif : Paris 2024

Un bien-être qui se traduit dans ses résultats comme dans sa manière de s’exprimer. Après avoir manqué de peu l’or au 400 m des Mondiaux de Fukuoka, il raconte que, « durant les derniers jours, [il s’est] concentré avec [ses] entraîneurs pour aller le plus vite possible sur les cinquante derniers mètres ». Une analyse qu’Ahmed Hafnaoui n’aurait pas faite il y a un an. Mais, depuis septembre 2022, beaucoup de choses ont changé. « On s’est concentrés sur les détails, par exemple sur les virages, explique-t-il. C’est un autre type d’entraînement, auquel je n’étais pas habitué. Je me suis amélioré grâce à ça. »

Beaucoup augurent que ce n’est qu’un début et que Hafnaoui est destiné à rejoindre l’olympe de la natation mondiale. D’ici là, celui dont l’exemple inspire nombre de jeunes Tunisiens n’a qu’une idée en tête : battre le record du monde et décrocher l’or aux Jeux olympiques de Paris, en 2024. « C’est ce sur quoi je vais travailler », dit-il. Objectif : faire mieux qu’Oussama Mellouli, et monter sur un maximum de podiums, à l’instar du champion italien Gregorio Paltrinieri, qu’il admire.

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