La tiktokeuse May West et son tour du monde en solitaire

Dans « Voyager solo, même pas peur », un précis de voyage illustré, la globe-trotteuse Mariam N’diaye, alias May West, raconte ses pérégrinations en Afrique et ailleurs. Une odyssée entre initiation et ouverture à l’autre.

« Voyager solo », de Mariam N’Diaye, illustré par Halimata K. © Halimata K ; Éditions Hikari

eva sauphie

Publié le 19 août 2023 Lecture : 4 minutes.

L’histoire commence par un voyage initiatique. Mariam N’diaye a 13 ans. Grâce à un système de tontine que sa famille a mis en place, elle peut prendre l’avion pour la première fois de sa vie avec trois de ses frères et sœurs, et découvrir le pays d’origine de ses parents. Nous sommes en 2009. Direction Tambacounda, dans le sud du Sénégal, là où est née sa mère.

Pour l’adolescente, cette première escale est une révélation. De nouveaux cousins, cousines, oncles et tantes, des plats qui n’ont pas la même saveur que ceux qu’elle mange à Paris, une langue, le soninké, qu’elle n’entend que partiellement parler au sein du foyer familial mais qu’elle apprendra rapidement, pour « se faire accepter et s’adapter », une fois au village.

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Si la jeune fille a la même couleur de peau que tous ceux qui l’entourent, elle éprouve le même sentiment que nombre d’enfants issus de l’immigration lorsqu’ils vont « au pays » : être étrangère partout. « Tu es dans le corps d’une personne qui vient d’ici, mais tu ne viens pas d’ici. Au début, ça a été une désillusion, car, en France, on me demandait toujours d’où je venais, et, au Sénégal, on me posait la même question », se souvient Mariam. Un sentiment vite balayé par « l’envie de se fondre dans la masse », écrit-elle dans ce livre illustré, qui raconte ses aventures aux quatre coins du monde. Âgée aujourd’hui de 27 ans, la jeune femme, connue sur TikTok sous le pseudonyme de May West, a visité une soixantaine de pays en moins de quinze ans et dit avoir l’impression d’être « partout chez elle ».

"Voyager solo", de Mariam N’Diaye, illustrations de Halimata K. © Halimata K ; Éditions Hikari

"Voyager solo", de Mariam N’Diaye, illustrations de Halimata K. © Halimata K ; Éditions Hikari

À la découverte de « Westafie »

Parmi ses découvertes, de nombreux sites en Asie et une vingtaine de pays d’Afrique de l’Est, comme Zanzibar et l’Éthiopie, mais surtout la « Westafie », un mot-valise que Mariam emploie avec humour pour désigner l’Afrique de l’Ouest. Sierra Leone, Mali, Guinée, Sénégal, Mauritanie, d’où est originaire son père et en partie sa mère… Depuis 2018, elle explore ce « grand pays mandingue » chaque année, en décembre. Une chance diront certains. Une hérésie répondront les écologistes, à l’heure l’ingénieur français Jean-Marc Jancovici incite les voyageurs à ne plus emprunter l’avion que trois fois maximum au cours de leur existence afin de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique.

« Cette préconisation est impossible à tenir, elle est même honteuse. On n’a pas tous la même vie ni la même histoire. C’est oublier les personnes qui vivent en France et dont toute la famille vit ailleurs, et qui doivent, par exemple, se rendre aux obsèques d’un membre de leur famille ou à une fête familiale », s’insurge la globe-trotteuse, qui s’efforce néanmoins de réduire son empreinte carbone en prenant davantage les bus, les taxis partagés et le train… May West est ainsi devenue une as des road trips.

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C’est d’ailleurs en sillonnant les routes qu’elle a réalisé à quel point les frontières de l’Afrique subsaharienne étaient artificielles. Elle se dit en effet surprise de pouvoir se rendre si facilement d’un pays à l’autre par voie terrestre. « Je n’ai jamais cru aux frontières. Je suis Soninké, et cette culture englobe bien plus de pays que le Sénégal et la Mauritanie. La notion de frontière a été inventée de toutes pièces. C’est dommage qu’elle crée de l’animosité entre les peuples », regrette celle qui en oublie de faire ses demandes de visa. « J’ai dû en faire deux, en tout et pour tout, depuis le début de mes voyages », avoue cette intrépide, qui fait fi de l’intangibilité des frontières africaines héritées de l’époque coloniale – principe adopté par l’Union africaine depuis sa création.

"Voyager solo", de Mariam N’Diaye, illustrations de Halimata K. © Halimata K ; Éditions Hikari

"Voyager solo", de Mariam N’Diaye, illustrations de Halimata K. © Halimata K ; Éditions Hikari

Vent de liberté

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Émaillé de conseils (bien faire sa valise, opter pour les coiffures afro les plus pratiques, choisir son kit de sécurité…), ce petit précis du « bien voyager en solo » n’a aucune visée politique, écologique ou spirituelle. S’il invite à consommer des produits locaux et low cost, il échappe aux interrogations de notre époque. Bien qu’évoqués, la question du racisme ou les problèmes de sécurité quand on est une Noire qui voyage seule sont vite balayés. Idem s’agissant des crises politique ou sécuritaire que traversent certains pays.

L’un des derniers pays où a voyagé Mariam, le Niger, vient de subir un coup d’État. Mais, pour l’aventurière, ce n’est pas un sujet : « Le Quai d’Orsay a placé 90 % des pays ouest-africains en zone rouge. Si je suivais ces directives, je n’irais nulle part. Ce n’est pas dans les rues de Niamey que je vais voir des jihadistes ! lance-t-elle. Avant de partir, je me connecte à des groupes créés par des voyageurs sur les réseaux sociaux, et je communique avec des “locaux”, qui me parlent de la réalité de leur pays. Souvent, je les retrouve sur place, et certains finissent par me donner des conseils, ou par me guider. »

C’est donc avec un vent de liberté teinté de légèreté que la jeune femme voyage en solo et raconte son expérience à plus de 66 000 abonnés TikTok. « Même pas peur », sous-titre celle qui, à tort ou à raison, se laisse guider par son intuition.

« Voyager solo ? Même pas peur ! » de Mariam N’diaye, illustré par Halimata K, éditions Hikari, 163 p., 19,50 euros.

 © Éditions Hikari

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