Qui est Ahmed Hachani, le nouveau chef du gouvernement tunisien
Le 1er août, le président Kaïs Saïed a nommé à La Kasbah cet ancien cadre de la Banque centrale de Tunisie jusqu’à présent inconnu du grand public. Portrait.
Le limogeage de la cheffe du gouvernement, Najla Bouden, le 1er août, est en fait un départ par consentement mutuel, acté depuis de longs mois mais devenu impératif à la suite de la pénurie de pain et de la gronde populaire qui l’accompagne. Ces dernières semaines, la gestion de la crise a été un point de clivage entre Carthage et La Kasbah, d’autant que la Tunisie n’a, de par sa Constitution révisée en 2022, qu’un seul maître à bord, le président Kaïs Saïed.
Objectif : un programme de sortie de crise
C’est d’ailleurs lui qui, dans la nuit du 1er au 2 août, a pris tout le monde de court en confiant les rênes du gouvernement à Ahmed Hachani, alors que le Parti unifié des patriotes démocrates (El Watad), qui se veut proche du chef de l’État, envisageait de lui proposer d’appeler aux affaires l’ancien chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh. Et si le grand public ne sait encore que peu de choses sur le nouveau patron de La Kasbah, il est certain qu’il répond aux critères d’intégrité sur lesquels Kaïs Saïed ne transige pas.
À ce quatrième chef du gouvernement désigné par le président tunisien depuis le début de la législature, en 2019, il incombe de redresser la barre d’un pays qui traverse des turbulences économiques extrêmes, dans un contexte international lui-même très tendu. Sa priorité est de soumettre au chef de l’État – auquel il doit rendre compte directement –, des propositions pour la composition d’un nouvel exécutif, ainsi qu’un programme de sortie de crise pour les semaines à venir.
En attendant, la Tunisie tout entière s’interroge sur cet inconnu, qui lui semble à la fois familier et différent des habituels ministrables. Les premiers éléments dont on dispose dessinent le profil d’un homme de son temps, marqué par son histoire familiale, mais également représentatif d’une génération opposée à Bourguiba.
Ascendance rebelle et monarchiste
Le 24 janvier 1963 à l’aube, Salah Hachani, originaire de Bizerte, commandant de la garnison de Gafsa et accusé d’être l’un des instigateurs du complot de 1962, est exécuté pour tentative de coup d’État visant à renverser le président en exercice, Habib Bourguiba. Son fils Ahmed n’a pas encore 6 ans.
La famille sera dépouillée de tous ses biens mais la mère, Thérèse Le Gall, avec la détermination de ses origines bretonnes, élèvera ses huit enfants dans la plus grande dignité, à la force du poignet. Autre ascendance, Ahmed Hachani qui a souvent discuté des mérites d’une monarchie parlementaire, a une arrière-grand-mère paternelle princesse husseinite.
La détestation de Bourguiba
Le sort réservé à son père, les vicissitudes vécues par la famille et les brimades subies par la famille beylicale ont nourri le rejet de Bourguiba et de tout son système, qu’Ahmad Hachani perçoit comme perverti, et comme une machine au service de l’ego d’un leader.
Cette inimitié est alimentée par un argumentaire imparable qui résonne comme un réquisitoire de l’histoire. Une position d’autant plus intransigeante que les familles de « Ceux de 62 » n’ont pu, à ce jour, récupérer les dépouilles de leurs pères.
Un homme simple
Loin de tout militantisme politique et de toute activité d’opposition, Ahmed Hachani est un jeune homme tranquille, qui décroche son baccalauréat au lycée Alaoui de Tunis, avant de poursuivre des études à la faculté de droit et de sciences politiques de Tunis, où il obtient une maîtrise en droit public, en 1983, après avoir été major de sa promotion trois années consécutives. Au cours de ces années estudiantines, il a sûrement croisé un autre étudiant qui, lui, se passionnait pour le droit constitutionnel, le futur président Saïed.
Il a ensuite intégré la Banque centrale de Tunisie en tant que juriste et y a fait toute sa carrière, jusqu’au poste de directeur des ressources humaines qu’il a occupé jusqu’à sa retraite, en 2018.
Binational franco-tunisien
Père de deux filles, Celia et Sinda, qui vivent en France, Ahmed Hachani, 66 ans, ne fait pas mystère de sa double nationalité, comme ses quatre frères et deux sœurs, dont certains sont installés dans l’Hexagone. Cette double nationalité n’est pas un frein à sa nomination en tant que chef du gouvernement d’autant que, selon la Constitution de 2022, ce titre ne lui confère plus un pouvoir mais constitue une « simple » fonction.
S’il ne commente pas la politique française, le nouveau chef du gouvernement tunisien n’en exprime pas moins un profond mépris pour l’ex-polémiste et leader d’extrême droite Éric Zemmour.
Un démocrate éclectique
Ahmed Hachani assure être démocrate, laïc, et dit soutenir l’égalité des genres. En 2018, il écrit cependant : « La monarchie beylicale est notre seul salut. Là, on aura une démocratie et une alternance démocratique véritable. »
Jusqu’en 2019, Ahmed Hachani s’est montré critique à l’égard des gouvernants sur les réseaux sociaux, où il n’apparaît plus aujourd’hui. Il a cependant désapprouvé la présence dans le gouvernement de Youssef Chahed de René Trabelsi, qui est de confession juive, en tant que ministre du Tourisme, de 2018 à 2020.
Fan de Léo Ferré et de Jacques Brel, ainsi que de Ray Charles, ancien joueur de basket et supporter de l’équipe de football de l’Espérance sportive de Tunis, l’un des clubs phares de la capitale tunisienne, il est aussi un inconditionnel du Tour de France.
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