Mohamed Bazoum, « otage », appelle les États-Unis à « restaurer l’ordre constitutionnel »

Dans une tribune publiée par le Washington Post, le président nigérien, toujours séquestré par les putschistes dirigés par le général Tiani, appelle à la mobilisation de l’ensemble de la communauté internationale et met en garde contre les conséquences « dévastatrices » du coup d’État.

Le président nigérien Mohamed Bazoum, ici lors d’une rencontre avec António Guterres, secrétaire général de l’ONU, le 2 mai 2022 à Niamey. © Issouf SANOGO / AFP

Publié le 4 août 2023 Lecture : 4 minutes.

Le président élu du Niger Mohamed Bazoum a prédit des « conséquences dévastatrices » dans la région si le coup d’État réussit dans son pays et appelé la communauté internationale à l’aide, les putschistes dirigés par le général Tiani promettant pour leur part une « riposte immédiate » à « toute agression ».

Mohamed Bazoum est retenu avec sa famille depuis le jour du putsch dans sa résidence présidentielle. L’électricité y a été volontairement coupée jeudi, a affirmé son parti.

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Il s’est exprimé jeudi soir, dans une tribune publiée par le quotidien américain Washington Post. Il a mis en garde contre les conséquences « dévastatrices » du coup d’État pour le monde et le Sahel, qui pourrait passer, selon lui, sous l’ « influence » de la Russie par le biais du groupe paramilitaire Wagner.

« J’appelle le gouvernement américain et l’ensemble de la communauté internationale à aider à restaurer l’ordre constitutionnel », écrit-il, « à titre d’otage », dans sa première déclaration publique depuis son renversement.

« Ce coup d’État, lancé contre mon gouvernement par une faction militaire le 26 juillet, n’a aucune justification. Si elle réussit, elle aura des conséquences dévastatrices pour notre pays, notre région et le monde entier », met notamment en garde le président nigérien dans ce texte. « Les comploteurs du coup d’État prétendent à tort qu’ils ont agi pour protéger la sécurité du Niger (…) En fait, la situation sécuritaire du Niger s’est considérablement améliorée, facilitée par les partenariats auxquels la junte s’oppose », affirme encore Mohamed Bazoum.

« La situation sécuritaire du Niger est nettement meilleure que celle de nos voisins, le Mali et le Burkina Faso, dont les gouvernements, tous deux installés par des prises de pouvoir militaires, soutenir le coup d’État illégal », continue-t-il, avant de pointer du doigt l’influence de Moscou.

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« Avec une invitation ouverte des comploteurs de coup d’État et de leurs alliés régionaux, toute la région centrale du Sahel pourrait tomber sous l’influence russe via le groupe Wagner, dont le terrorisme brutal a été mis en évidence en Ukraine », écrit le président nigérien.

Bras de fer Tiani-Tinubu

La Cedeao, qui a imposé de lourdes sanctions à Niamey, a donné jusqu’à dimanche aux putschistes pour rétablir Mohamed Bazoum, sous peine de potentiellement utiliser « la force ».

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Le président du Nigeria Bola Tinubu, aussi président en exercice de la Cedeao, a toutefois demandé à Abdulsalami Abubakar, à la tête de la délégation, de « tout faire » pour trouver une « résolution à l’amiable ».

L’organisation, qui a notamment suspendu les transactions financières avec le Niger, a dit se préparer à une opération militaire, même si elle a souligné qu’il s’agissait de « la dernière option sur la table ». Les chefs d’état-major de la Cédéao sont réunis à Abuja jusqu’à vendredi. Plusieurs armées ouest-africaines, dont celle du Sénégal, se disent prêtes à intervenir si l’ultimatum n’est pas respecté dimanche.

Tensions avec la France

Les relations sont tendues entre Niamey et le bloc ouest-africain, et le sont également avec la France, ancienne puissance coloniale. L’ambassadeur nigérien à Paris a d’ailleurs été limogé par les putschistes, tout comme ceux aux États-Unis, au Togo et au Nigeria.

Jeudi, les programmes de Radio France Internationale (RFI) et de la chaîne de télévision d’information France 24 ont été interrompus au Niger, « une décision prise hors de tout cadre conventionnel et légal », selon la maison-mère des deux médias, France Médias Monde.

Les signaux des deux médias ont été coupés « sur instructions des nouvelles autorités militaires », a indiqué à l’AFP un haut fonctionnaire nigérien. La France a condamné « très fermement » cette décision. RFI et France 24 sont déjà suspendus au Burkina Faso et au Mali voisins, où les militaires nigériens au pouvoir ont envoyé des délégations mercredi.

Le Mali et le Burkina Faso ont affirmé que toute intervention armée au Niger serait considérée « comme une déclaration de guerre » à leurs deux pays.

Des milliers de manifestants soutenant la junte au pouvoir sont sortis jeudi dans le calme dans les rues de plusieurs villes nigériennes, à l’appel du M62, une coalition d’organisations de la société civile « souverainistes ». Nombre d’entre eux scandaient des slogans critiques de la France et brandissaient des drapeaux de la Russie – dont se sont déjà rapprochés le Mali et le Burkina.

Les accès à l’ambassade française et à d’autres chancelleries proches étaient bloqués jeudi par les forces de l’ordre nigériennes. Avant la manifestation, Paris avait rappelé « que la sécurité des emprises et des personnels diplomatiques (étaient) des obligations au titre du droit international ».

Selon le chef de la junte, le général Abdourahamane Tiani, il n’y a « aucune raison objective » de « quitter » le pays. Les États-Unis, partenaires du Niger comme la France, ont de leur côté affrété un avion pour évacuer leur personnel non essentiel dans le pays, quand le président Joe Biden a appelé « à la libération immédiate du président Bazoum ».

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