Affrontements armés en Amhara, l’Éthiopie déclare l’état d’urgence
Addis-Abeba a déclaré vendredi un état d’urgence de six mois face à l’escalade de violence entre l’ ENDF (l’armée fédérale) et des combattants locaux, les milices Fano, ces dernières semaines dans la région de l’Amhara, dans le nord du pays.
Le gouvernement fédéral éthiopien a déclaré vendredi un état d’urgence de six mois face à la multiplication des affrontements entre l’armée et des combattants locaux ces dernières semaines dans la région de l’Amhara, dans le nord du pays. Cette escalade de violence vient menacer le fragile équilibre dans la partie septentrionale du pays, neuf mois à peine après la fin d’un conflit de deux ans dans la région voisine du Tigré, qui a aussi impliqué des combattants de l’Amhara.
« Il est devenu nécessaire de déclarer l’état d’urgence car une situation a émergé et il est devenu difficile de contrôler ce mouvement inacceptable avec la loi actuelle », a annoncé un communiqué du bureau du Premier ministre Abiy Ahmed. Le service de communication du gouvernement a plus tard précisé que les mesures étaient en vigueur dans l’Amhara « pour six mois » et qu’elles pourraient être étendues « au niveau national concernant toute situation ou mouvement qui aggrave le problème sécuritaire ». La compagnie Ethiopian Airlines a annoncé vendredi avoir annulé les vols prévus samedi et dimanche vers trois des quatre aéroports de l’Amhara (Lalibela, Gondar, Dessie) pour ne desservir que la capitale régionale, Bahir Dar.
Ces dernières semaines, les affrontements entre l’armée et des combattants de la milice nationaliste amhara Fano n’ont cessé de s’aggraver. Les forces amhara ont été des alliés capitaux du gouvernement fédéral durant la guerre qu’il a menée contre les autorités dissidentes de la région du Tigré, voisine de l’Amhara, entre novembre 2020 et novembre 2022. Mais des tensions ont émergé en avril, après que le Premier ministre a annoncé vouloir démanteler les « forces spéciales », des unités paramilitaires créées par de nombreux États régionaux depuis une quinzaine d’années. Les nationalistes amhara estiment que le gouvernement veut affaiblir leur région.
Droits humains
Ces dernières semaines, « des attaques contre des civils ont eu lieu », « les transports et les services sociaux ont été suspendus », et « les services internet ont récemment été coupés dans de nombreuses parties de la région », souligne dans un communiqué publié vendredi la Commission éthiopienne des droits humains (EHRC), institution publique statutairement indépendante. L’EHRC appelle à ce que « toutes les précautions nécessaires [soient] prises pour éviter tout préjudice et toute violation des droits humains lors des actions entreprises par le gouvernement pour rétablir la paix et la sécurité dans la région ».
Un précédent état d’urgence instauré dans la capitale, Addis Abeba, entre novembre 2021 et février 2022 avait donné lieu à des arrestations massives de Tigréens, suscitant de nombreuses condamnations d’organisations de défense des droits humains. Jeudi soir, les autorités régionales amhara avaient appelé le gouvernement fédéral à prendre des « mesures » pour restaurer la sécurité face à une situation « difficile à contrôler ».
Celui-ci a indiqué vendredi que la violence « mettait en danger l’ordre constitutionnel » et que la décision d’instaurer l’état d’urgence était « unanime ». Selon le décret, les rassemblements de rue sont interdits, et quiconque enfreindra les restrictions risque « trois à dix ans de prison ». Il permet aussi l’instauration de couvre-feux et facilite les contrôles, fouilles et arrestations sans mandat par les forces de sécurité. Samedi, le service de communication du gouvernement a indiqué que ceux qui « aggravent la crise sécuritaire [et se livrent à] divers actes de destruction ont été arrêtés », sans donner plus de détails sur le nombre d’arrestations ni leurs dates.
Situation « calme mais tendue »
A Gondar, un chauffeur de tuktuk, joint par téléphone, a fait état d’une situation « calme mais tendue dans la ville », après des « échanges de tirs entre les milices Fano et les troupes ENDF » (l’armée fédérale) la veille. « Les Fano parcourent la ville ici et là, se préparant peut-être à de gros combats avec les ENDF s’ils reviennent en nombre », a-t-il ajouté sous couvert d’anonymat. A Lalibela, site touristique réputé pour ses églises taillées dans le roc, classées au patrimoine mondial de l’Unesco, la situation était « calme » vendredi à l’aéroport et dans la ville, sous contrôle des miliciens Fano, a indiqué un habitant.
Le nord de l’Ethiopie se remet à peine de deux ans d’un conflit meurtrier au Tigré entre le gouvernement fédéral et les autorités régionales dissidentes issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). Un accord de paix a été signé en novembre 2022, mais le texte mécontente une large partie de la communauté amhara, deuxième peuple d’Éthiopie en nombre. Le TPLF réclame notamment, en vertu de cet accord, le départ des forces amhara qui ont investi le Tigré occidental, zone administrativement rattachée au Tigré mais revendiquée par les Amhara.
Plusieurs ambassades, notamment du Royaume-Uni et d’Espagne, ont recommandé ces derniers jours à leurs ressortissants de ne pas se rendre en Amhara en raison de la « violence » et de « l’instabilité » qui y règnent. Le chef de la diplomatie américain, Antony Blinken, a « exprimé son inquiétude » sur la situation en Amhara lors d’un appel téléphonique vendredi avec le Premier ministre éthiopien, selon le département d’État américain.
(avec AFP)
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