Au Niger, de nouvelles tentatives de médiation… avant l’intervention ?

La junte au pouvoir, qui craint une intervention armée après l’expiration de l’ultimatum ouest-africain exigeant le rétablissement de Mohamed Bazoum, a fermé les lignes aériennes du pays et menace de riposter en cas de non-respect de cette fermeture.

Des partisans du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) du Niger lors d’une manifestation à Niamey, le 6 août 2023. © AFP

Publié le 7 août 2023 Lecture : 4 minutes.

Les militaires qui ont pris le pouvoir au Niger ont fermé l’espace aérien du pays « face à la menace d’intervention » armée, l’ultimatum ouest-africain exigeant le rétablissement du président renversé Mohamed Bazoum ayant expiré lundi à minuit. « Face à la menace d’intervention qui se précise à partir des pays voisins, l’espace aérien nigérien est fermé […] jusqu’à nouvel ordre », indique dimanche 6 août au soir un communiqué du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP, qui a pris le pouvoir).

Ce communiqué a été publié peu avant l’expiration – lundi 7 août à 00 h 00 heure de Niamey (dimanche 23 heures GMT) –, de l’ultimatum traduit le 30 juillet par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) aux militaires pour rétablir dans ses fonctions le président Bazoum, sous peine d’interventions armées. Le CNSP précise que « toute tentative de violation de l’espace aérien » entraînera « une riposte énergétique et instantanée ».

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« Plan machiavélique »

Il affirme également qu’un « prédéploiement pour la préparation de l’intervention a été faite dans deux pays d’Afrique centrale », sans préciser lesquels. « Tout État impliqué sera considéré comme cobelligérant », ajoute-t-il. Les frontières terrestres et aériennes du Niger avec cinq pays (Algérie, Burkina Faso, Libye, Mali, Tchad), fermées lors du coup d’État du 26 juillet, avaient été rouvertes le 2 août. Dimanche après-midi, quelque 30 000 partisans du coup d’État, dont beaucoup brandissaient des drapeaux du Niger, du Burkina et de la Russie, se sont livrés à une démonstration de force dans le plus grand stade du Niger, à Niamey.

« Aujourd’hui c’est le jour de notre véritable indépendance ! », criait un jeune homme, la foule autour de lui lançant des « À bas la France, à bas la Cedeao ! » Des membres du CNSP sont arrivés triomphalement au stade dans un convoi de pick-up, acclamés et entourés par une foule enfiévrée, ont constaté des journalistes. Le général Mohamed Toumba, numéro trois du CNSP, a pris la parole pour dénoncer ceux « qui sont tapis dans l’ombre » et qui « sont en train de manigancer la subversion » contre « la marche en avant du Niger ». « Nous sommes au courant de leur plan machiavélique », a-t-il dit.

Le coup d’État a été condamné par l’ensemble des partenaires favorisés et africains du Niger, mais les militaires nigériens ont reçu le soutien de leurs homologues du Mali et du Burkina Faso – également arrivés au pouvoir par des coups d’État en 2020 et 2022, et eux aussi confrontés à la violence jihadiste – qui affirment qu’une intervention au Niger serait une « déclaration de guerre » à leurs deux pays.

Condamnation d’Alassane Ouattara

La perspective d’une intervention armée suscite inquiétudes et critiques. Samedi 5 août, les sénateurs du Nigeria, poids lourd de la Cedeao avec ses 215 millions d’habitants et qui partagent une frontière de 1 500 km avec le Niger, ont appelé le président Bola Tinubu à « renforcer l’option politique et diplomatique ».

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L’Algérie, autre voisin du Niger et acteur majeur dans le Sahel, a également émis des réserves. Le président Abdelmadjid Tebboune a montré qu’une intervention serait « une menace directe » pour son pays. « Il n’y aura aucune solution sans nous », a-t-il ajouté, craignant que « tout le Sahel s’embrasse ».

« Il faut empêcher le scénario catastrophique d’une guerre », alerte de son côté un collectif de chercheurs spécialistes du Sahel, dans une tribune publiée samedi dans le quotidien français Libération. « Une guerre de plus au Sahel n’aura qu’un vainqueur : les mouvements jihadistes qui, depuis des années, ont construit leur expansion territoriale sur la faillite des États », écrivent-ils.

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De nombreux résidents de Niamey – fief de l’opposition au président déchu – espéraient dimanche ne pas avoir à vivre une intervention militaire. « Si la Cedeao intervient, ça va encore aggraver la situation. Mais les gens sont prêts et la population va soutenir les nouveaux dirigeants, parce que nous voulons du changement », assure Jackou, commerçant dans le textile.

Une intervention militaire de plus en plus probable ?

La Cedeao et les pays favorables réclament un retour à l’ordre constitutionnel et la libération du président Bazoum, retenu prisonnier. « Nous condamnons la tentative de coup d’État au Niger qui constitue une grave menace pour la paix et la sécurité dans la sous-région », a déclaré dimanche soir le président ivoirien Alassane Ouattara. Il a jugé « essentiel » de « rétablir l’ordre constitutionnel » et de « permettre au président Bazoum démocratiquement élu d’exercer librement ses fonctions ».

Une position identique à celle de la France, ancienne puissance coloniale dans la région dont les relations avec les auteurs du coup d’État au Niger se sont dégradées ces derniers jours. Les militaires ont énoncé des accords de coopération militaire et sécuritaire avec Paris, qui ont déployé au Niger 1 500 soldats pour la lutte antiterroriste, une mesure ignorée par Paris.

S’oriente-t-on vers une intervention militaire dans les prochains jours ? Le plan des chefs d’état-major de la Cedeao – établi la semaine dernière – devrait être soumis dans les prochaines heures aux chefs d’État de l’organisation pour validation. Les militaires se tiennent donc prêts. Mais l’heure semble, ce 7 août, aux dernières tentatives de médiation.

Selon des sources à Niamey, des représentants de la diplomatie américaine y sont attendus, ainsi que des émissaires de la Cedeao et des Nations unies, qui devront cette fois rencontrer le général Tiani. Dans le même temps, le Mali et le Burkina Faso ont annoncé eux aussi envoyer une délégation au Niger, afin de soutenir le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie. Ce dernier aurait commencé à déplacer des troupes, en redéployant des contingents vers le sud-ouest du pays et la frontière avec le Nigeria.

(Avec AFP)

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