La Tunisie aime-t-elle encore ses femmes ?

En promulguant le Code du statut personnel, le 13 août 1956, Habib Bourguiba s’appuyait sur l’émancipation féminine pour revitaliser la société. Une démarche sans équivalent dans le monde arabe. Pourtant, les Tunisiennes n’ont pas fini de devoir défendre leurs droits.

Manifestation à Tunis, le 10 mars 2018, pour exiger l’égalité entre les hommes et les femmes en matière d’héritage. Le projet de loi a été rejeté en 2019. Depuis, il est « enterré ». © Nicolas Fauque

Publié le 13 août 2023 Lecture : 6 minutes.

Inconnue jusqu’à présent, Hanine Bourguerra est devenue une égérie au début du mois d’août. La crise du pain a fait sortir cette jeune boulangère de ses fournils et de ses gonds. Avec aplomb et honnêteté, elle fustige et ose contredire les décisions du président Kaïs Saïed quant à la gestion de la pénurie de pain. Son franc-parler et sa détermination, mais aussi tout ce qu’elle représente de positif en tant que diplômée et cheffe d’entreprise qui fait face à ses engagements sans demander de soutien à l’État, ont donné encore plus de portée à son intervention.

« Le bon sens est décidément féminin ! Les femmes sauveront ce pays », assure un enseignant. Il en veut pour preuve les 67 % de diplômées du supérieur – avec un « e » -, du pays, selon les données de la Banque mondiale, que le discours officiel met en avant comme étant le résultat d’une politique publique. Dans les faits, selon la même institution, le chômage « impacte » deux fois plus les femmes (22,5 %) que les hommes (12,4 %). Quant à l’abandon scolaire, il concerne, lui aussi, davantage les filles que les garçons. Cet écart se creuse sous l’effet d’une crise économique qui perdure.

Mais les Tunisiennes ne lâchent pas prise. Selon Hayet Jazzar, avocate et membre fondatrice de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), « les femmes, même, les plus conservatrices, tiennent à ce que leurs filles poursuivent des études et aient un bon emploi. C’est l’effet de l’école laïque qu’elles ont elles-mêmes fréquentée. »

Au temps du « féminisme d’État »

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