Au Kenya, William Ruto cherche-t-il à assurer ses arrières ?

Le chef de l’État a annoncé la ratification du protocole de Malabo, portant création de la Cour africaine des droits humains et des peuples. Un texte qui lui octroie l’immunité pendant son mandat à la tête du Kenya.

Le président kenyan William Ruto au siège de l’Union africaine à Addis-Abeba, le 19 février 2023. Kenya’s President William Ruto arrives on the second day of the 36th Ordinary Session of the Assembly of the African Union (AU) at the Africa Union headquarters in Addis Ababa on February 19, 2023 © Amanuel Sileshi/AFP

Publié le 16 août 2023 Lecture : 3 minutes.

C’est au tour des groupes de défense des droits humains de protester contre la décision du président William Ruto de ratifier le protocole de Malabo portant création de la Cour africaine des droits humains et des peuples (CADHP). Dans une déclaration commune, la Commission kényane des droits humains (KHRC) et les Musulmans pour les droits humains (Muhuri) affirment que cela offre désormais au chef de l’État, ainsi qu’à d’autres personnalités publiques, l’immunité contre d’éventuelles poursuites pour des crimes qui pourraient être commis pendant qu’ils sont en fonction.

« William Ruto et ses hauts fonctionnaires ne seront pas poursuivis tant qu’ils n’auront pas quitté leurs fonctions », regrettent-ils, ajoutant que cela va ôter la possibilité à d’éventuelles victimes d’obtenir justice auprès de la Cour pénale internationale (CPI). « Cela vise clairement à saper [leur] droit fondamental à demander réparation et à être indemnisées », s’indignent-ils.

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Vague d’indignation

Selon les défenseurs des droits humains, la clause d’immunité du protocole de Malabo viole le consensus international en accordant l’immunité aux chefs d’État et aux hauts fonctionnaires. « Aucune accusation ne peut être portée ou maintenue devant la Cour contre un chef d’État ou de gouvernement de l’Union africaine (UA) en exercice, ou contre toute personne agissant ou habilitée à agir en cette qualité, ou contre d’autres hauts fonctionnaires de l’État en raison de leurs fonctions, pendant la durée de leur mandat », stipule en effet l’article 46 A du protocole.

Cette vague d’indignation intervient alors que la coalition d’opposition de Raila Odinga est en train de rassembler des preuves en vue de déposer une plainte auprès de la CPI contre le gouvernement de William Ruto pour avoir utilisé la police contre ses partisans lors des manifestations de ces dernières semaines – 20 personnes au moins ont été tuées. Le camp d’Odinga, candidat malheureux à la dernière présidentielle face à Ruto, accuse le chef de l’État d’avoir signé le protocole de Malabo pour échapper à la justice internationale.

Plainte devant la CPI ?

« Même si vous l’avez signé, nous vous poursuivrons devant la CPI », a déclaré Millie Odhiambo, avocate et députée de l’opposition, en s’adressant au président la semaine dernière, lors de l’enterrement de trois partisans qui auraient été tués par la police au cours des manifestations.

Le Kenya est le 16e État africain à signer le protocole. La ratification est, elle, prévue en septembre. En mai, alors qu’il s’adressait au Parlement panafricain en Afrique du Sud, William Ruto avait promis de signer le texte, une décision qu’il a décrite comme destinée à renforcer les institutions de l’UA. « Ces institutions aideront à développer des solutions africaines aux problèmes de l’Afrique », avait-il déclaré.

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Mais selon l’analyste politique Brian Wanyama, il fait peu de doute que sa propre expérience à la CPI ait grandement influencé sa décision. En 2012, il avait en effet été inculpé à La Haye de crimes contre l’humanité qu’il était accusé d’avoir commis lors des violences qui sont suivi l’élection présidentielle de 2007. Et ce n’est qu’en 2016 que les charges avaient finalement été abandonnées. « Cette histoire de CPI a fait de lui un panafricain enthousiaste », résume Brian Wanyama.

Basée à Arusha, la CADHP est compétente pour juger 14 crimes, dont les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Trente-quatre États ont ratifié le protocole de Malabo, mais seuls huit d’entre eux ont déposé la déclaration reconnaissant la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes introduites directement par des ONG et des individus.

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