Le rappeur Didi B à la conquête du monde

Poursuivant désormais une carrière solo, l’artiste ivoirien, qui vient de décrocher un disque d’or, entend bien explorer de nouveaux genres.

Le rappeur Didi B? © MONTAGE JA : FACEBOOK DIDI B

Le rappeur Didi B? © MONTAGE JA : FACEBOOK DIDI B

Aïssatou Diallo.

Publié le 16 septembre 2023 Lecture : 7 minutes.

C’est dans les locaux du ministère du Commerce, de l’Industrie et de la Promotion des PME, au 18e étage de la tour Postel 2001, que Didi B nous donne rendez-vous. Un lieu curieux, de prime abord, pour rencontrer un artiste. Le rappeur ivoirien, de son vrai nom Bassa Zéréhoué Diyilem, et son équipe sont installés sur des canapés dans la salle d’attente du ministre Souleymane Diarrassouba. « Nous venons relancer notre demande de réservation du Parc des expositions pour un concert », explique sa manageuse, Diba Diallo. Ce dernier ne les recevra que dans une heure. Nous avons donc du temps pour échanger.

Parc des expositions d’Abidjan

Inauguré le 17 juillet dernier et construit par l’architecte Pierre Fakhoury pour le compte du ministère du Commerce, la salle de spectacles du Parc des expositions peut contenir jusqu’à 5 000 places assises et 6 000 debout. La remplir serait un grand coup pour le jeune artiste, en tournée depuis quelques mois. D’ailleurs, dès le lendemain de sa rencontre avec le ministre, l’artiste se réjouira d’annoncer à ses quelque 2,5 millions d’abonnés sur Facebook que le concert aura bien lieu, le 11 novembre 2023.

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Né en avril 1992 au village Ki-Yi, centre de formation artisanal et lieu de vie communautaire à Abidjan, Didi B grandi dans une famille d’artistes. Son père est producteur et pianiste, sa mère chorégraphe. Dès son plus jeune âge, il joue dans des clips et dans des films. « J’ai toujours voulu être un artiste, confie-t-il. Mes parents le savaient, car dès qu’on demandait qui allait jouer tel rôle parmi les enfants, j’étais pressé de me proposer. Ça se voyait à l’œil nu que je voulais être une star ! »

Didi B lors de son concert au Palais de la culture d'Abidjan, le 27 août 2022. © Sia KAMBOU/AFP

Didi B lors de son concert au Palais de la culture d'Abidjan, le 27 août 2022. © Sia KAMBOU/AFP

Son enfance baignée dans un environnement créatif influe sur sa manière de concevoir sa musique, ses clips et ses spectacles : « La culture a eu une telle incidence dans ma vie que c’est devenu un mode de vie. Ça m’a permis d’être à l’aise, et ça a même commencé à me manquer quand je partais à l’école. »

Après avoir été membre du groupe de rap Kiff No Beat, Didi B se lance en solo avec un single, Assinie, une ode à la station balnéaire, aux fortes influences trap et dans lequel il n’hésite pas à pousser la chansonnette. Cela marque un tournant dans sa carrière, tant dans le style que dans ses choix de collaboration. Une aubaine pour celui qui voulait explorer et « ne pas être cantonné à un seul style ». En 2022, il sort son album Mojotrône II : History, coproduit par le label Coast to Coast et 92i du rappeur français Booba. Ce projet rencontre le succès et l’un de ses titres, « Tala », cumule à ce jour près de 8 millions de vues sur YouTube.

Disque d’or

Fin juillet, le jeune artiste a reçu un disque d’or pour cet album des mains de la ministre de la Culture et de la Francophonie, Françoise Remarck et de celui du Commerce, Souleymane Diarrassouba. « C’est le fuit du travail fourni depuis des années, de Kiff No Beat jusqu’à ma carrière solo. Ça nous rend tous fiers, d’autant plus qu’il vient de mon pays, là où les choses ont commencé », se réjouit-il.

Les plus jeunes ont ajouté ce qui manquait à notre génération hip-hop rap pour qu’on puisse dominer la musique ivoirienne : la danse

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Pour être certifié disque d’or en Côte d’Ivoire, il faut avoir vendu au moins 10 000 CD. Plusieurs acteurs entrent en jeu. Le distributeur doit faire apposer sur chaque CD un sticker par le Bureau ivoirien des droits d’auteurs (Burida ; après que le nombre requis a été écoulé, c’est à l’Association des producteurs et éditeurs de musique de Côte d’Ivoire (Aprodem) de vérifier auprès du distributeur et d’enquêter dans les lieux de vente, détaille Michel Assemien, directeur général de Dream Maker, actif notamment dans la distribution.

Il ajoute : « Pour Didi B, nous avions fabriqué environ 13 000 CD et organisé une prévente en ligne. Lorsque l’album est sorti, nous avons organisé des séances de dédicace dans les points de vente. Elles drainaient toujours du monde. » Sur ces dix dernières années, il est le troisième artiste à réussir cela. Il y a eu Yabongo Lova puis Yodé et Sirop, qui, eux, ont vendu 10 000 CD en deux jours. Le disque d’or de Didi B est également le fruit de 50 millions de vues sur toutes les plateformes de streamings cumulées. Parmi elles, l’application Boomplay, qui a enregistré la majeure partie de ses écoutes.

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« Il a sorti son album en 2022, lorsque la plateforme se lançait en Côte d’Ivoire. L’avantage, c’est qu’elle propose une version gratuite sur laquelle on peut écouter les albums des artistes, bien qu’ils soient entrecoupés de publicité. Didi B a très vite compris que sa cible populaire y était. D’une part, il avait une large communauté, et d’autre part, il a bénéficié d’un support de la plateforme, qui l’a mis en avant pour montrer qu’elle produisait de gros artistes du pays », analyse Tehui Yacé, spécialiste en stratégie d’acquisition, de distribution et de promotion de contenus streaming, qui a également contribué à l’installation de Boomplay en Côte d’Ivoire.

Fanbase fidèle

Il note également que Didi B a « une fanbase fidèle » et qu’il cultive sa proximité avec elle sur les réseaux sociaux, alimentés au quotidien, parfois avec humour. Ces dernières années, il a beaucoup communiqué sur son couple. Sa compagne, Saraï D’hologne, est également une artiste et participe à certains de ses projets. Un coup de projecteur qu’il explique par sa volonté de montrer aux marques et aux entreprises qu’associer leur image leur permet d’atteindre un public plus large.

Bien qu’issu d’une formation de rap, Didi B a sauté le pas l’année dernière pour collaborer avec de jeunes artistes ivoiriens inscrits dans un genre appelé le maïmouna. Un style dansant, à la croisée de plusieurs genres et mélodies. « C’est du coupé-décalé revisité. Ils ont mélangé du rap avec de l’afro-drill, des sonorités coupé-décalé et des atalakous, explique l’artiste avec enthousiasme. Les petits ont ajouté ce qui manquait à la génération hip-hop/rap de notre époque pour que l’on puisse dominer la musique ivoirienne : la danse. Les Ivoiriens aiment danser, ce qui explique pourquoi ils ont kiffé le maïmouna. C’est un mouvement à prendre très au sérieux parce qu’ils sont très talentueux, inspirés et productifs. Il leur faut juste devenir professionnels », ajoute-t-il.

Même si cet écart a été critiqué par certains de ses fans, ses featurings avec la jeune scène suscite de l’engouement. En onze mois, le titre « En haut », avec Jr Low et Tam Sir totalise un peu plus de 26 millions de vues sur YouTube. Un choix que l’artiste assume.

« J’ai un public puriste qui n’aime pas me voir dans la sphère commerciale, où je m’amuse à faire de la musique colorée. Il ne s’agit pas forcément une histoire d’argent, mais ce n’est pas avec ce rap sombre que je vais explorer le monde. Bien sûr, je continuerai à faire du rap. Mais pour m’attaquer au monde il faut que je sois différent et que j’arrive à montrer la musique de chez moi, faite de mélodies, de rap nouchis, etc. »

Clashes avec Booba

Ces dernières semaines, Didi B et Booba se livrent à des clashs par messages interposés sur les réseaux sociaux. Son mentor, qui n’a pas apprécié ses derniers choix de collaboration, notamment avec Franglish, n’a pas manqué à le faire savoir. Didi B s’est, quant à lui, contenté de mettre en avant les chiffres de visionnage. Cela marque-t-il une rupture avec 92i ? « Pas pour le moment », répond l’artiste, qui dit ne retenir « que du positif » de sa collaboration avec le rappeur français. « Nous avons bien bossé ensemble », souligne-t-il sans s’étendre davantage sur la polémique.

Qu’on apprécie ou non sa musique, Didi B est devenu ces dernières années l’un des artistes incontournables de la scène musicale ivoirienne. Une position qu’il veut conserver tout en essayant de conquérir un public international. Et à ceux qui lui reprochent de ne plus faire du rap, il annonce un retour aux sources prévu d’ici à la fin de l’année. Un projet qui parlera de la rue, des difficultés rencontrées par une certaine frange de la population, mais aussi de business et de conseils pour ses jeunes frères. Plusieurs chansons ont d’ailleurs déjà été mises en ligne, dont le titre « Shogün », un égo-trip dont le clip a été tourné au Sénégal avec des artistes locaux. « Que ceux qui disent que je ne fais plus du rap se préparent, insiste-t-il. Je me dois de servir ça à mon public avant un autre projet qui sortira en France », dit celui qui veut aller « à la conquête du monde ».

Cet été, il a donné quelques concerts en Europe, dont plusieurs en France. Celui qui confiait en novembre 2021 à Jeune Afrique vouloir « montrer à la diaspora qu’il peut être un pilier de la musique » semble être bien parti pour réussir son pari. Il a donné rendez-vous à ses fans le 16 septembre aux États-Unis pour un concert à New York.

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