Vers un début de solution à la crise du pain en Tunisie
Annoncé le 20 août, un accord sur la livraison de farine subventionnée aux boulangeries non étatiques devrait permettre de débloquer en partie la situation. Mais des questions demeurent sur l’approvisionnement général du pays en blé tendre.
Un accord pour réapprovisionner en farine le circuit des boulangeries non étatiques tunisiennes a été trouvé, ce qui constitue un début de solution face à une pénurie de pain à bas prix qui s’était aggravée ces deux dernières semaines, a-t-on appris dimanche 20 août de sources du secteur.
Il existe deux circuits pour le pain en Tunisie : le premier, formé de 3 737 magasins, bénéficie de farine subventionnée fournie par l’État, le deuxième est celui des 1 500 à 2 000 « boulangeries modernes » qui avaient droit depuis une dizaine d’années et jusqu’à début août, à un quota limité de ce type de farine.
Après un sit-in de protestation le 7 août qui faisait suite à l’adoption le 1er août d’un décret privant les boulangeries modernes de la farine subventionnée pour la dévier vers les semi-étatiques, celles-ci ne recevaient plus aucune farine ni semoule de l’État, qui centralise tous les approvisionnements de base. Quelque « 90 % des 1 443 affiliés » du groupement, employant près de 20 000 salariés avaient dû fermer leurs portes, selon Salem Badri, président de l’antenne régionale de Sfax, entraînant un allongement des files d’attente devant les boulangeries semi-étatiques, devenues les seules à vendre la fameuse baguette subventionnée à 190 millimes (6 centimes d’euros).
« Il a été décidé de reprendre l’approvisionnement des boulangeries non subventionnées en farine et semoule à compter du 19 août » à la suite de leur engagement à « respecter les lois relatives à la production et à la vente du pain », a indiqué le ministère du Commerce qui va aussi procéder à une remise à plat du système de production et distribution du pain. À côté du pain subventionné, les boulangeries modernes vendent d’autres types de pain et des pâtisseries.
Sit-in annulé
Après cette décision, Salem Badri a annoncé « l’annulation d’un sit-in prévu lundi 21 août » devant le ministère du Commerce à Tunis. Des discussions vont aussi reprendre pour permettre aux boulangeries modernes de recommencer la production de pain subventionné, mais sur « la base des critères fixés par le président Kaïs Saïed », selon lui. À la fin du mois de juillet, Kaïs Saïed avait préconisé « un pain unique pour les Tunisiens », déplorant la spéculation et l’existence d’un « pain pour les riches » et d’un autre « pour les pauvres ». Le sujet est très sensible dans un pays qui a connu de violentes émeutes du pain qui avaient fait 150 morts en 1983 et 1984.
Le président, qui détient tous les pouvoirs depuis son coup de force de l’été 2021, a limogé la semaine passée le directeur de l’Office des céréales, et le président de la fédération des boulangeries subventionnées a été arrêté pour « spéculation ». Certaines sont soupçonnées d’avoir vendu sous le manteau leur farine à bas prix aux boulangeries modernes.
Selon divers économistes, la pénurie provient avant tout d’un manque de céréales, la Tunisie ne parvenant pas à en acheter suffisamment sur le marché international en raison de son endettement et du manque de liquidités. Ces difficultés ont été accentuées par une sécheresse inédite au printemps qui a décimé les récoltes de blé, ce qui va obliger l’État à importer 100 % de ses besoins en blé tendre dans les prochains mois (80 % en temps normal).
(Avec AFP)
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