En Tunisie, les espoirs déçus d’Imed Trabelsi

Bien que validé par la justice, l’accord entre le neveu préféré de Leïla Ben Ali et l’Instance Vérité et Dignité (IVD) est caduc. Explications.

Imed Trabelsi. © DR

Publié le 21 août 2023 Lecture : 3 minutes.

La cour de cassation a validé, le 18 août 2023, l’accord de réconciliation pénale conclu entre Imed Trabelsi et l’Instance Vérité et Dignité (IVD), chargée du processus de réconciliation et d’indemnisation pour le compte de l’État tunisien (entre 2014 et 2018). Parmi les dossiers qu’elle a traités, ceux de certains membres de la famille et du sérail de Ben Ali, dont le gendre de l’ancien président, Slim Chiboub, et Imed Trabelsi, qui ont souhaité reconnaître leurs torts et entamer un processus à la faveur duquel ils échapperaient à toutes poursuites moyennant le paiement d’un dédommagement à hauteur des préjudices causés à l’État.

L’horizon semblait donc s’éclaircir pour Imed Trabelsi, mais le pensionnaire de la prison de la Mornaguia, dans les environs de Tunis, joue de malchance. S’il escomptait une libération, il va falloir que le neveu préféré de Leïla Ben Ali patiente. Car le processus qu’il a entamé à travers l’IVD est caduc depuis la mise en place par le président Kaïs Saïed, aux termes du décret 812 de novembre 2022, de la commission de conciliation pénale, opérationnelle depuis janvier 2023.

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Celui qui a écopé pour divers chefs d’inculpation d’amendes totalisant 235 millions de dinars (78 millions d’euros) et de plus de 110 ans de détention dont 60 pour chèques sans provision, va donc devoir recommencer, via ses avocats, une nouvelle procédure.

Grève de la faim

Cette procédure est d’ailleurs en cours, puisque, selon son avocat, Issam Samaali, Imed Trabelsi a soumis un dossier à la commission nationale de conciliation pénale en mai 2023 et lui-même en a déposé un autre. Mais l’intéressé s’impatiente et a entamé, le 15 août, une grève de la faim, alors que son conseil relève les lenteurs d’une procédure où les intervenants sont nombreux.

Le limogeage en mars 2023 de membres de la commission, dont son ancien président, Makram Ben Mna, et, en juin 2023, de Fatma Yaacoubi, du contentieux de l’État, n’ont pas non plus contribué à faire avancer les choses.

Cette commission, qui porte l’un des projets que Kaïs Saïed a mûris depuis 2012 et qui lui tient à cœur, peine à atteindre sa vitesse de croisière. Il est vrai qu’elle annule et remplace tout ce qui a été entrepris depuis 2011 en matière de conciliation.

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Le président de la République semble même s’être arrêté aux conclusions de la commission nationale d’investigation sur la corruption et les malversations, connue sous le nom de commission Abdelfattah Amor, du nom de son défunt président, qui avait identifié « 460 hommes d’affaires ou dirigeants qui ont spolié l’État pour un total de 13 500 milliards de dinars (4 500 milliards d’euros) ».

Une somme astronomique qui permettrait à la Tunisie de se relever économiquement. Ce chiffre, toutefois, issu d’un rapport établi rapidement en 2011, ne peut plus être une référence, surtout que certains de ceux que ledit rapport a mis à l’index ont été jugés, ont écopé de peines de prison, payé des amendes, et quelques uns sont morts. Mais les magistrats siégeant à la commission actuelle ne semblent pas gênés de devoir revenir sur la chose jugée.

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Néanmoins, l’actuel processus, qui aurait dû achever ses travaux en juin 2023 et qui ne les bouclera qu’en décembre 2023, permet aux contrevenants d’investir le montant à régler dans des projets régionaux après accord de la commission, qui exigera également la consignation de 50 % de la valeur des sommes qu’elle aura fixées.

Un quart de sa vie en prison

Avec l’IVD, Imed Trabelsi, selon l’avocat et ancien ministre des Domaines de l’État Mabrouk Korchid, aurait dû se défaire de 400 millions de dinars (128 millions d’euros) pour retrouver la liberté. Nul ne sait quelles conditions financières lui seront proposées par la commission de conciliation pénale et quelle option sera retenue. À 48 ans, celui qui avait fait de longs aveux que l’IVD avait rendus publics a déjà passé le quart de sa vie en prison et déchante au fur et à mesure que s’éloignent ses espoirs de libération.

Ajouté à ses crimes et délits, le chouchou de Leïla paye également cher ses liens de parenté, d’autant que son oncle, Belhassen, chef du clan, a fui au matin du 14 janvier 2011 alors que lui était arrêté dans la soirée. Le neveu de l’ancien président est alors devenu une sorte de trophée, puisqu’il était le plus connu des Trabelsi pris dans la nasse de la révolution. Cela n’absout pas Imed – dont deux oncles maternels, Moncef et Mourad, sont morts en prison et qui n’a pu assister à l’enterrement de son père, Naceur, en 2021 – de ses méfaits, qui vont de la corruption à des trafics en tous genres.

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